Читаем Том 6. Письма 1860-1873 полностью

Je ne veux pas quitter Paris sans t’avoir donn'e signe de vie. Paris m’a fait quelque bien… Il m’a momentan'ement distrait et 'etourdi. Et puis ce qui m’a fait aussi beaucoup de bien, c’est la cessation de Nice. Je m’en veux de l’antipathie, de la rancune que j’ai gard'ees `a cette pauvre localit'e, si brillante d’ailleurs — et qui, je le sens, h'elas, autrefois et dans d’autres conditions, m’aurait souri `a moi, comme `a tant d’autres… mais les longues heures de t^ete-`a-t^ete que j’ai pass'ees, et dont Dieu seul conna^it toute l’amertume, je l’ai si bien satur'ee de moi-m^eme que je l’ai comme empoisonn'ee. — L’Italie a jou'e un singulier r^ole dans ma vie… Deux fois elle est venue `a moi comme une vision fun`ebre, au lendemain des deux plus grandes douleurs qu’il m’ait 'et'e donn'e d’'eprouver…* Il y a des pays o`u l’on porte le deuil en couleurs 'eclatantes. Il para^it que je suis de ces pays-l`a… Mais laissons cela, sortons de mon triste moi, car je sens qu’il me rend odieux… Dans cette m^eme Nice, pourtant, si antipathique, de combien d’affections n’ai-je pas 'et'e entour'e… toi d’abord, ma fille ch'erie, ces r'eunions `a d^iner chez toi, que j’aimais beaucoup… ma bonne Daria, essayant de me consoler, quand elle-m^eme aurait si fort besoin de l’^etre… l’excellente Antoinette que je n’ai pas suffisamment remerci'ee de tout l’int'er^et, de toute l’amiti'e, qu’elle m’a t'emoign'es, et tant d’autres `a des degr'es diff'erents… Ah, l’homme qui souffre doit souvent para^itre bien ha"issable.

C’est donc d'ecid'ement le 22 du mois prochain que vous aussi, vous quittez Nice. La certitude de cette date me soulage… Combien Marseille, Lyon, toutes ces villes par o`u vous repasserez vous para^itront belles, combien l’entrevue m^eme vous para^itra int'eressante. — Eh bien, ici, `a Paris, je ne sais pourquoi on n’a pas ce sentiment de s'eparation, d’'eloignement, d’expatriation, que j’'eprouvais `a Nice… Il est vrai qu’`a Paris le G'enie du Lieu m’a toujours 'et'e bienveillant. J’aime cette localit'e. — On a dit que c’est l’endroit du monde o`u l’on se passe le mieux du bonheur. Ce qui est s^ur au moins, c’est qu’on ne lui en veut pas de l’avoir perdu… Cette fois… mais laissons cela.

J’ai vu ici beaucoup de monde, entr’autres des personnes attach'ees `a la Cour d’ici, les Tascher* par ex. Pas une ne m’a adress'e la moindre question sur Nice et votre s'ejour… Cela peut ^etre aussi une distraction. Je crois pourtant savoir que les dispositions personnelles sont loin d’^etre d’une nature amie… L’autre jour j’ai assist'e `a une s'eance du Corps l'egislatif. — C’est toujours encore la r'evolution qui continue. Non pas que le r'egime actuel ne convienne admirablement aux masses francaises. Mais les partis, qui finissent toujours par avoir le dernier mot en France, ne le supporteront pas longtemps — mais un autre pas plus que celui-l`a… En un mot, dans le milieu politique, les r'egimes sont comme certains animaux dans les m'enageries qui vivent bien p leur propre compte, mais qui ne se reproduisent pas… J’aurais mille choses `a te dire. Mais le temps et le papier me manquent. Nous partons ce soir. Dieu te garde, ma fille ch'erie.

T. T.

Перевод

Париж. Среда. 29 марта 1865

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