Читаем Carmen полностью

Quand elle me disait: Va-t’en, je ne pouvais m’en aller. Je promis de partir, de retourner auprès de mes camarades et d’attendre l’Anglais; de son côté, elle me promit d’être malade jusqu’au moment de quitter Gibraltar pour Ronda. Je demeurai encore deux jours à Gibraltar. Elle eut l’audace de me venir voir déguisée dans mon auberge. Je partis; mois aussi j’avais mon projet. Je retournai à notre rendez-vous, sachant le lieu et l’heure où l’Anglais et Carmen devaient passer. Je trouvai le Dancaïre et Garcia qui m’attendaient. Nous passâmes la nuit dans un bois auprès d’un feu de pommes de pin qui flambait à merveille. Je proposai à Garcia de jouer aux cartes. Il accepta. À la seconde partie, je lui dis qu’il trichait; il se mit à rire. Je lui jetai les cartes à la figure. Il voulut prendre son espingole; je mis le pied dessus, et je lui dis: — On dit que tu sais jouer du couteau comme le meilleur jaque de Malaga, veux-tu t’essayer avec moi? — Le Dancaïre voulut nous séparer. J’avais donné deux ou trois coups de poing à Garcia. La colère l’avait rendu brave; il avait tiré son couteau, moi le mien. Nous dîmes tous deux au Dancaïre de nous laisser place libre et franc jeu. Il vit qu’il n’y avait pas moyen de nous arrêter, et il s’écarta. Garcia était déjà ployé en deux comme un chat prêt à s’élancer contre une souris. Il tenait son chapeau de la main gauche pour parer, son couteau en avant. C’est leur garde andalouse. Moi, je me mis à la navarraise, droit en face de lui, le bras gauche levé, la jambe gauche en avant, le couteau le long de la cuisse droite. Je me sentais plus fort qu’un géant. Il se lança sur moi comme un trait; je tournai sur le pied gauche, et il ne trouva plus rien devant lui; mais je l’atteignis à la gorge, et le couteau entra si avant, que ma main était sous son menton. Je retournai la lame si fort qu’elle se cassa. C’était fini. La lame sortit de la plaie lancée par un bouillon de sang gros comme le bras. Il tomba sur le nez roide comme un pieu. — Qu’as-tu fait? me dit le Dancaïre. — Écoute, lui dis-je: nous ne pouvions vivre ensemble. J’aime Carmen, et je veux être seul. D’ailleurs, Garcia était un coquin, et je me rappelle ce qu’il a fait au pauvre Remendado. Nous ne sommes plus que deux, mais nous sommes de bons garçons. Voyons, veux-tu de moi pour ami, à la vie à la mort? — Le Dancaïre me tendit la main. C’était un homme de cinquante ans. — Au diable les amourettes! s’écria-t-il. Si tu lui avais demandé Carmen, il te l’aurait vendue pour une piastre. Nous ne sommes plus que deux, comment ferons-nous demain? — Laisse-moi faire tout seul, lui répondis-je. Maintenant je me moque du monde entier.

Nous enterrâmes Garcia, et nous allâmes placer notre camp deux cents pas plus loin. Le lendemain, Carmen et son Anglais passèrent avec deux muletiers et un domestique. Je dis au Dancaïre: Je me charge de l’Anglais. Fais peur aux autres, ils ne sont pas armés. L’Anglais avait du cœur. Si Carmen ne lui eût poussé le bras, il me tuait. Bref, je reconquis Carmen ce jour-là, et mon premier mot fut de lui dire qu’elle était veuve. Quand elle sut comment cela s’était passé: Tu seras toujours un lillipendi! me dit-elle. Garcia devait te tuer. Ta garde navarraise n’est qu’une bêtise, et il en a mis à l’ombre de plus habiles que toi. C’est que son temps était venu. Le tien viendra. — Et le tien, répondis-je, si tu n’es pas pour moi une vraie romi. — À la bonne heure, dit-elle; j’ai vu plus d’une fois dans du marc du café que nous devions finir ensemble. Bah! arrive qui plante. Et elle fit claquer ses castagnettes, ce qu’elle faisait toujours quand elle voulait chasser quelque idée importune.

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В третьем томе 30-томного Собрания сочинений печатается повесть «Раковый корпус». Сосланный «навечно» в казахский аул после отбытия 8-летнего заключения, больной раком Солженицын получает разрешение пройти курс лечения в онкологическом диспансере Ташкента. Там, летом 1954 года, и задумана повесть. Замысел лежал без движения почти 10 лет. Начав писать в 1963 году, автор вплотную работал над повестью с осени 1965 до осени 1967 года. Попытки «Нового мира» Твардовского напечатать «Раковый корпус» были твердо пресечены властями, но текст распространился в Самиздате и в 1968 году был опубликован по-русски за границей. Переведен практически на все европейские языки и на ряд азиатских. На родине впервые напечатан в 1990.В основе повести – личный опыт и наблюдения автора. Больные «ракового корпуса» – люди со всех концов огромной страны, изо всех социальных слоев. Читатель становится свидетелем борения с болезнью, попыток осмысления жизни и смерти; с волнением следит за робкой сменой общественной обстановки после смерти Сталина, когда страна будто начала обретать сознание после страшной болезни. В героях повести, населяющих одну больничную палату, воплощены боль и надежды России.

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