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J’ai visité, il y a quelques mois, une horde de Bohémiens établis dans les Vosges. Dans la hutte d’une vielle femme, l’ancienne de sa tribu, il y avait un Bohémien étranger à sa famille, attaqué d’une maladie mortelle. Cet homme avait quitté un hôpital où il était bien soigné, pour aller mourir au milieu de ses compatriotes. Depuis treize semaines il était alité chez ses hôtes, et beaucoup mieux traité que les fils et les gendres qui vivaient dans la même maison. Il avait un bon lit de paille et de mousse avec des draps assez blancs, tandis que le reste de la famille, au nombre de onze personnes, couchaient sur des planches longues de trois pieds. Voilà pour leur hospitalité. La même femme, si humaine pour son hôte, me disait devant le malade: Singo, singo, homte hi mulo. — Dans peu, dans peu, il faut qu’il meure. Après tout, la vie de ces gens est si misérable, que l’annonce de la mort n’a rien d’effrayant pour eux.

Un trait remarquable du caractère des Bohémiens, c’est leur indifférence en matière de religion; non qu’ils soient esprits forts ou sceptiques. Jamais ils n’ont fait profession d’athéisme. Loin de là, la religion du pays qu’ils habitent est la leur; mais ils en changent en changeant de patrie. Les superstitions qui, chez les peuples grossiers remplacent les sentiments religieux, leur sont également étrangères. Le moyen, en effet, que des superstitions existent chez des gens qui vivent le plus souvent de la crédulité des autres. Cependant, j’ai remarqué chez les Bohémiens espagnols une horreur singulière pour le contact d’un cadavre. Il y en a peu qui consentiraient pour de l’argent à porter un mort au cimitière.

J’ai dit que la plupart des Bohémiennes se mêlaient de dire la bonne aventure. Elles s’en acquittent fort bien. Mais ce qui est pour elles une source de grands profits, c’est la vente des charmes et des philtres amoureux. Non seulement elles tiennent des pattes de crapauds pour fixer les cœurs volages, ou de la poudre de pierre d’aimant pour se faire aimer des insensibles; mais elles font au besoin des conjurations puissantes qui obligent le diable à leur prêter son secours. L’année dernière, une Espagnole me racontait l’histoire suivante: Elle passait un jour dans la rue d’Alcala, fort triste et préoccupée; une Bohémienne accroupie sur le trottoir lui cria: Ma belle dame, votre amant vous a trahi. — C’était la vérité. — Voulez-vous que je vous le fasse revenir? On comprend avec quelle joie la proposition fut acceptée, et quelle devait être la confiance inspirée par une personne qui devinait ainsi d’un coup d’œil, les secrets intime du cœur. Comme il eût été impossible de procéder à des opérations magiques dans la rue la plus fréquentée de Madrid, on convint d’un rendez-vous pour le lendemain. — Rien de plus facile que de ramener l’infidèle à vos pieds, dit la Gitana. Auriez-vous un mouchoir, une écharpe, une mantille qu’il vous ait donné? — On lui remit un fichu de soie. — Maintenant cousez avec de la soie cramoisie, une piastre dans un coin du fichu. — Dans un autre coin cousez une demi-piastre; ici, une piécette; là, une pièce de deux réaux. Puis il faut coudre au milieu une pièce d'or. Un doublon serait le mieux. — On coud le doublon et le reste. — À présent, donnez-moi le fichu, je vais le porter au Campo-Santo, à minuit sonnant. Venez avec moi, si vous voulez voir une belle diablerie. Je vous promets que dès demain vous reverrez celui que vous aimez. — La Bohémienne partit seule pour le Campo-Santo, car on avait trop peur des diables pour l’accompagner. Je vous laisse à penser si la pauvre amante délaissée a revu son fichu et son infidèle.

Malgré leur misère et l’espèce d’aversion qu’ils inspirent, les Bohémiens jouissent cependant d’une certaine considération parmi les gens peu éclairés, et ils en sont très vains. Ils se sentent une race supérieure pour l’intelligence et méprisent cordialement le peuple qui leur donne l’hospitalité. — Les Gentils sont si bêtes, me disait une Bohémienne des Vosges, qu’il n’y a aucun mérite à les attraper. L’autre jour, une paysanne m’appelle dans la rue, j’entre chez elle. Son poêle fumait, et elle me demande un sort pour le faire aller. Moi, je me fais d’abord donner un bon morceau de lard. Puis, je me mets à marmotter quelques mots en rommani. Tu es bête, je disais, tu es née bête, bête tu mourras… Quand je fus près de la porte, je lui dis en bon allemand: Le moyen infaillible d’empêcher ton poêle de fumer, c’est de n’y pas faire de feu. Et je pris mes jambes à mon cou.

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