Читаем Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 полностью

En arrivant en vue de la porte de Bourgogne, elle vit qu'un flot ininterrompu d'hommes, de femmes et d'enfants s'engouffraient sous la grosse arche de pierre, dans les deux sens. Cela faisait une belle agitation, un tohu-bohu coloré, éclatant de joie et de vie retrouvées. Aux carrefours, les statues des saints croulaient sous des fleurs sorties d'on ne savait où. Un demi-sourire aux lèvres, Catherine regardait passer ces braves gens qui avaient l'air si heureux quand, soudain, son regard se fixa. Un couple bizarre venait de franchir le pont-levis : une grande femme brune, drapée dans une invraisemblable robe rapiécée et faite visiblement de morceaux disparates, une couverture effrangée sur le dos et s'appuyant sur un gros bâton noueux.

Auprès d'elle, un petit moine au froc troué marchait le nez au vent, une expression de joie quasi extatique répandue sur son visage rond et rose.

C'étaient Sara et frère Étienne.

Emportée par une joie soudaine, Catherine se précipita vers eux de toute la vitesse de ses jambes. Pleurant et riant à la fois, elle tomba dans les bras de Sara...

1. Il y avait de nombreux mercenaires gascons ou espagnols. Quant aux Écossais, ils combattirent aux côtés de la France durant toute la guerre de Cent Ans.

Le vendredi 13 mai, à l'heure précise où Jehanne d'Arc, sur la route de Tours, rencontrait son roi et lui faisait hommage de sa victoire, Catherine, Sara et frère Étienne arrivaient à Loches où était la reine Yolande, bellemère de Charles VII et son meilleur conseiller. On était parti d'Orléans la veille au matin, salués par toute la maisonnée de Jacques Boucher, avec beaucoup de larmes et de promesses de se revoir. Il n'avait fallu, en effet, que peu d'heures à Sara et au petit cordelier pour gagner l'amitié de dame Mathilde, séduite par ces deux personnages, si disparates mais unis par leur commune affection pour Catherine. Quant à Catherine elle-même, avoir retrouvé Sara lui avait fait l'effet d'un signe du ciel. Puisque sa vieille amie était de nouveau à son côté, les épreuves étaient terminées et plus rien de fâcheux ne pouvait lui arriver.

La bohémienne et le moine étaient assez mal en point en arrivant à Orléans.

A cette différence près qu'ils l'avaient effectué par un temps plus clément, leur voyage depuis Coulanges-la-Vineuse avait été presque aussi pénible que celui de Catherine. Mais de la façon dont ils avaient faussé compagnie à Fortépice, tous deux paraissaient garder un souvenir réjoui.

— Nous avons bénéficié d'une double chance, raconta Sara à la maisonnée assemblée. Toutes les nuits, après la belle victoire de Fortépice sur les chèvres du sire de Courson, on galopait ferme entre les deux places fortes. Tantôt, c'était pour un cheval de Fortépice, tantôt pour les poules du sire de Cour- son, mais nuit après nuit, on se dévalisait consciencieusement.

Cela s'est terminé par une vraie bataille au cours de laquelle Courson a eu le dessous. Pour comble de prospérité, le lendemain même, Fortépice a réussi à mettre la main sur une troupe de marchands d'Auxerre qui revenaient de Genève avec un chargement de toute sorte. Fortépice était si content qu'il a ordonné un grand festin pour lui et ses hommes. Une grande beuverie plutôt car, au coucher du soleil, toute la bande était superbement ivre et Fortépice plus que tous les autres à lui tout seul. Personne n'a songé à fermer la herse, à relever le pont. Encore bien moins à régler les tours de garde ! Nous en avons profité, frère Etienne et moi, et sommes sortis tranquillement par la porte sans rencontrer âme qui vive. Nous avions même pu prendre deux chevaux dans les écuries, pensant ainsi gagner commodément Orléans. Mais la première halte que nous avons faite, dans une abbaye en ruine, ne nous a pas porté chance. Quand nous nous sommes réveillés nos montures avaient disparu. Nous avons terminé la route à pied.

— Pour moi, cela n'avait guère d'importance, fit doucement frère Etienne.

J'ai tant marché dans ma vie ! Mais Sara en avait perdu l'habitude.

Dame Mathilde s'était chargée de réconforter les deux voyageurs, leur conseillant d'en user en tout, dans sa maison, comme s'ils étaient chez eux.

Mais la présence de Jehanne dans cette demeure impressionnait autant le cordelier que Sara. La tzingara, la première fois qu'elle avait vu la Pucelle, était presque entrée en transes. Elle s'était laissée tomber à genoux, les yeux fixes, incapable d'un seul geste ou d'une seule parole, tremblant de tous ses membres. C'était seulement un long moment après que Catherine avait pu la relever. Elle tremblait toujours et son visage était couleur de cendres.

— Mon Dieu ! Qu'est-ce que tu as ? s'inquiéta Catherine. Tu me fais peur!

Sara parut alors sortir d'un songe. Elle regarda Catherine avec l'air égaré de quelqu'un qui s'éveille en sursaut.

— Peur ? articula-t-elle péniblement. C'est pour elle, Catherine, qu'il faut avoir peur ! En un instant j'ai vu autour d'elle tant de gloire et tant de souffrance que j'en ai perdu le sens !

— Qu'as-tu vu ? Parle !

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