Mais Flint n’avait aucune envie de se disputer. Mauvais signe. Au bout de la rue, les maisons faisaient place à un petit bois. Comme l’avait dit Tass, c’était un bosquet de chênes, mais certainement les plus hauts que le nain et le kender aient jamais vus sur Krynn.
Au fur et à mesure qu’ils approchaient, la sensation de geler s’accrut. Il faisait encore moins chaud que devant le Mur de Glace. Le pire, c’est qu’il ne faisait froid qu’ici, et c’était insensé ! Pourquoi pas dans le reste de la cité ? Le soleil brillait dans un ciel sans nuages.
Bientôt, leurs doigts s’engourdirent. Incapable de tenir plus longtemps sa hache, Flint la remit dans son dos. Tass claquait des dents et tremblait de tous ses membres. Ses oreilles en pointe étaient devenues insensibles.
— Partons d’ici, bégaya le nain, les lèvres violettes.
— Nous sommes à l’ombre des façades, dit Tass, allons au soleil, ça ira mieux.
— Rien sur Krynn ne peut nous protéger d’un froid pareil ! répliqua Flint en sautillant sur place.
— Nous n’avons que quelques pas à faire…, bégaya le kender en continuant d’avancer.
Mais Flint ne le suivit pas. La tête rentrée dans les épaules, il restait figé sur place.
Tass arriva à la lisière du bois de chênes. Là, le cœur lui manqua. Les kenders ne connaissaient pas la peur. Cela lui avait permis d’aller aussi loin. À présent, il était en proie à une terreur irraisonnée, dont il faisait l’expérience pour la première fois. Il en ignorait la cause, mais elle se trouvait dans le bois de chênes.
Pas à pas, Tass gagna la lisière du bosquet. Il ne s’aventura pas plus loin. Il avait devant lui les profondeurs du bois.
Le cœur battant à tout rompre, il fit volte-face et se mit à courir.
Voyant le kender revenir à toute allure, Flint pensa que la fin du monde était arrivée. Quelque chose d’abominable allait surgir de cet amas d’arbres inoffensifs. Il se retourna si vite qu’il glissa et s’étala sur le pavé. En passant, Tass l’attrapa par la ceinture et le releva. Tous deux dévalèrent la rue comme si le diable était à leurs trousses. Flint, qui entendait déjà le vacarme d’un monstre lancé à sa poursuite, n’osait pas se retourner. La vision de la créature à la gueule ouverte lui donnait des ailes. Ils atteignirent le bout de la rue.
Il faisait chaud, le soleil brillait.
Les deux fuyards entendirent le brouhaha montant des ruelles pleines de monde. Hors d’haleine, Flint s’arrêta et jeta un coup d’œil dans la rue qu’ils venaient de quitter. Elle était déserte.
— Qu’est-ce que c’était ? souffla-t-il.
Le kender était pâle comme un mort.
— Une tour…, bégaya Tass.
Flint ouvrit de grands yeux.
— Une tour ? répéta-t-il, incrédule. J’ai couru comme un dératé à m’éclater les poumons pour une tour ? Tu ne vas pas me dire qu’une tour te poursuivait ?
— Oh, non, admit le kender, elle se trouvait là, tout simplement. Mais je n’ai jamais vu une chose aussi horrible de ma vie, avoua-t-il gravement.
— Ce doit être la Tour des Sorciers, dit le seigneur de Palanthas à Laurana qui conversait avec lui dans la salle des cartes du palais. Rien d’étonnant que ton jeune ami ait été terrifié. Je suis surpris qu’il se soit risqué à aller si loin.
— C’est un kender, répondit Laurana en souriant.
— Ah bon, tout s’explique. Je dois dire à ce propos que j’ai pensé à quelque chose. Nous pourrions l’engager pour travailler aux abords de la Tour. Nous avons dû payer des fortunes pour envoyer des gens entretenir ce quartier. Mais je doute que les habitants de Palanthas se réjouissent de l’apparition d’un bataillon de kenders dans leur ville.