Читаем Ensemble, c’est tout полностью

Mais non. Elle ne lui donnerait jamais parce que ce ne serait jamais fini et ce ne serait jamais fini parce que son modèle ne reviendrait jamais... Elle le savait...

Tant pis.

Tant mieux.

Cette esquisse ne la quitterait donc plus... Elle n'était pas finie.... Elle resterait en suspens.... Comme leur impossible amitié.... Comme tout ce qui les séparait ici-bas...

C'était un samedi matin, il y a quelques semaines... Camille travaillait. Elle n'avait même pas entendu le carillon de la sonnette quand Philibert toqua à sa porte :

— Camille ?

— Oui?

— La... La Reine de Saba est ici... Dans mon salon...

Mamadou était magnifique. Elle avait mis son plus beau boubou et tous ses bijoux. Ses cheveux étaient épilés jusqu'aux deux tiers de son crâne et elle portait un petit fichu assorti à son pagne.

— Je te l'avais dit que je viendrais mais il faut teu dépêcher parce que je vais à un mariage dans ma famille à quatre heures... C'est là que tu habites alors ? C'est là que tu travailles ?

— Je suis tellement contente de te revoir !

— Allez... Perds pas deu temps, je te dis...

Camille l'installa bien confortablement.

— Voilà. Tiens-toi droite.

— Mais je me tiens toujours droite d'abord !

Au bout de quelques croquis, elle posa son crayon sur son bloc :

- Je ne peux pas te dessiner si je ne sais pas comment tu t'appelles...

L'autre leva la tête et soutint son regard avec un dédain magnifique :

- Je m'appelle Marie-Anastasie Bamundela M'Bayé.

Marie-Anastasie Bamundela M'Bayé ne reviendrait jamais dans ce quartier habillée en reine de Diouloulou, le village de son enfance, Camille en avait la certitude. Son portrait ne serait jamais fini et il ne serait jamais pour Pierre Kessler qui était bien incapable de deviner la petite Bouli dans les bras de cette « belle négresse »...

À part ces deux visites, à part une sauterie où ils se rendirent tous les trois pour fêter les trente ans d'un collègue de Franck et où Camille se déchaîna en hurlant j'ai plus d'appé-tiiiiit qu'un barra-couda, ba ra cou daaaa, il ne se passa rien d'extraordinaire.

Les journées s'allongeaient, le Sunrise se culottait, Philibert répétait, Camille travaillait et Franck perdait chaque jour un peu plus confiance en lui. Elle l'aimait bien mais ne l'aimait pas, elle s'offrait mais ne se donnait pas, elle essayait pourtant mais n'y croyait pas.

Un soir, il découcha. Pour voir.

Elle ne fit aucun commentaire.

Puis un deuxième, puis un troisième. Pour boire.

Il dormait chez Kermadec. Seul la plupart du temps, avec une fille, un soir de mort subite.

Il la fit jouir et lui tourna le dos.

— Eh ben ?

— Laisse-moi.

<p>10</p>

Paulette ne marchait presque plus et Camille évitait désormais de lui poser des questions. Elle la retenait autrement. Dans la lumière du jour ou sous l'auréole des lampes. Certains jours elle n'était pas là et d'autres elle pétait la forme. C'était épuisant.

Où s'arrêtait le respect de l'autre et où commençait la notion de non-assistance à personne en danger ? Cette question la taraudait et, à chaque fois qu'elle se relevait la nuit, bien décidée à prendre rendez-vous chez un médecin, la vieille dame se réveillait guillerette et fraîche comme une rose...

Et Franck qui ne parvenait plus à soutirer à l'une de ses anciennes conquêtes laborantine ses médicaments sans ordonnance...

Elle ne prenait plus rien depuis des semaines...

Le soir du spectacle de Philibert par exemple, elle n'était pas vaillante et ils durent demander à madame Perreira de lui tenir compagnie...

— Pas de problème ! J'ai eu ma belle-mère pendant douze ans à la maison, alors, vous pensez... Les vieux, je sais ce que c'est !

La représentation avait lieu dans une MJC au fin fond de la ligne A du RER.

Ils prirent le Zeus de 19:34, s'assirent l'un en face de l'autre et réglèrent leurs comptes en silence.

Camille regardait Franck en souriant.

Garde-le ton petit sourire de merde, j'en veux pas. C'est tout ce que tu sais donner, toi... Des petits sourires pour embrouiller les gens... Garde-le va, garde-le. Tu finiras toute seule dans ton donjon avec tes crayons de couleur et ce sera bien fait pour ta gueule. Moi, je sens que je fatigue, là... Le ver de terre amoureux d'une étoile, ça va un moment...

Franck regardait Camille en serrant les dents.

Que t'es mignon, toi, quand t'es en colère... Que tu es beau quand tu perds les pédales... Pourquoi je n'arrive pas à me laisser aller avec toi ? Pourquoi je te fais souffrir ? Pourquoi je porte un corset sous ma cuirasse et deux cartouchières en bandoulière ? Pourquoi je bloque sur des détails débiles ? Prends un ouvre-boîte, merde ! Regarde dans ta mallette, je suis sûre que tu as ce qu'il faut pour me laisser respirer...

— À quoi tu penses ? lui demanda-t-il.

— À ton nom... J'ai lu l'autre jour dans un vieux dictionnaire qu'un estafier était un grand valet de pied qui suivait un homme à cheval et qui lui tenait l'étrier...

— Ah?

— Oui.

— Un larbin, quoi...

— Franck Lestafier ?

— Présent.

— Quand tu ne dors pas avec moi, tu dors avec qui?

- ...

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