Harry savait qu’il ne parviendrait pas à s’endormir. La soirée avait été si riche en événements qu’il passerait sûrement des heures à retourner dans sa tête tout ce qu’il venait de voir et d’entendre. Il aurait bien voulu continuer à parler avec Ron, mais Mrs Weasley redescendait l’escalier et lorsqu’elle se fut éloignée, il entendit distinctement d’autres pas monter les marches… En fait, toutes sortes de créatures à pattes trottinaient derrière la porte et il entendit Hagrid, le professeur de soins aux créatures magiques, lui dire : « Elles sont magnifiques, pas vrai, Harry ? Ce trimestre, nous allons étudier les armes… » Harry voyait alors que toutes ces créatures avaient des canons à la place de la tête et qu’elles se tournaient vers lui… Dans un geste instinctif, il se baissait pour les éviter…
Et un instant plus tard, il se retrouva pelotonné en boule sous la tiédeur des couvertures tandis que la voix sonore de George résonnait dans la pièce.
– Maman a dit tout le monde debout, le petit déjeuner vous attend dans la cuisine, ensuite elle aura besoin de vous dans le salon. Les Doxys sont beaucoup plus nombreux qu’elle ne le pensait et elle a trouvé un nid de Boursoufs morts sous le canapé.
Une demi-heure plus tard, Harry et Ron, qui s’étaient dépêchés de s’habiller et de prendre leur petit déjeuner, entrèrent dans le salon du premier étage, une vaste pièce aux plafonds hauts et aux murs vert olive ornés de tapisseries sales. De petits nuages de poussière s’élevaient du tapis chaque fois que quelqu’un posait les pieds dessus et les longs rideaux de velours couleur vert de mousse bourdonnaient sans cesse comme s’ils avaient été infestés d’abeilles invisibles. Mrs Weasley, Hermione, Ginny, Fred et George s’affairaient tout autour. Ils s’étaient noué autour de la bouche et du nez un morceau de tissu qui leur donnait un air bizarre et tenaient à la main de gros vaporisateurs remplis d’un liquide noir.
– Couvrez-vous le visage et prenez un pulvérisateur, dit Mrs Weasley à Harry et à Ron dès qu’ils furent entrés.
Elle leur montra du doigt deux autres bouteilles de liquide noir posées sur une table aux pieds effilés.
– C’est du doxycide. Je n’ai jamais vu une telle invasion de ces bestioles. On se demande ce que cet elfe de maison a bien pu faire au cours des dix dernières années.
Le visage d’Hermione était à moitié caché par une serviette mais Harry vit nettement le regard de reproche qu’elle lança à Mrs Weasley.
– Kreattur est très vieux, il n’a sans doute pas pu…
– Tu serais surprise de voir ce que Kreattur peut faire quand il le veut, répliqua Sirius qui venait d’entrer à son tour dans la pièce, chargé d’un sac taché de sang apparemment rempli de rats morts. Je viens d’aller donner à manger à Buck, ajouta-t-il en réponse au regard interrogateur de Harry. Je l’ai installé là-haut, dans la chambre de ma mère. Bon, voyons un peu ce secrétaire…
Il posa le sac de rats morts sur un fauteuil puis se pencha pour examiner le secrétaire fermé à clé. Pour la première fois depuis qu’il était arrivé, Harry remarqua que le meuble remuait légèrement.
– Tu sais, Molly, je suis presque sûr qu’il s’agit d’un Épouvantard, dit Sirius en regardant par le trou de la serrure. Mais il faudrait peut-être que Fol Œil voie ça de plus près avant qu’on le laisse sortir. Connaissant ma mère, c’est peut-être quelque chose de bien pire.
– Tu as raison, Sirius, approuva Mrs Weasley.
Tous deux prenaient soin de parler d’un ton poli, léger, qui indiquait clairement à Harry que ni l’un ni l’autre n’avait oublié leur dispute de la veille.
Une cloche au son clair retentit au rez-de-chaussée, aussitôt suivie par la même cacophonie de hurlements et de lamentations que Tonks avait provoquée la veille en renversant le porte-parapluies.
– Je n’ai pourtant pas arrêté de leur répéter de ne pas actionner la cloche ! s’exclama Sirius, exaspéré.
Il se précipita hors de la pièce et dévala l’escalier tandis que les cris de Mrs Black résonnaient une fois de plus dans toute la maison :
– Ferme la porte, s’il te plaît, Harry, dit Mrs Weasley.
Harry prit le plus de temps possible pour repousser la porte du salon. Il voulait écouter ce qui se passait au rez-de-chaussée. Sirius avait dû réussir à refermer les rideaux sur le portrait de sa mère car elle avait cessé de hurler. Il entendit les pas de Sirius dans le hall, puis la chaîne de la porte d’entrée cliqueta et la voix profonde de Kingsley Shacklebolt retentit :
– Hestia vient de prendre ma relève, dit-il, c’est donc elle qui a la cape de Maugrey, pour le moment. J’ai pensé que je ferais bien de laisser un rapport à Dumbledore…
Sentant le regard de Mrs Weasley fixé sur sa nuque, Harry ferma à regret la porte du salon et rejoignit les chasseurs de Doxys.