Il eut l’impression qu’une brique lui tombait dans l’estomac lorsque le mercredi soir, pendant le dîner, Mrs Weasley lui dit à voix basse :
– Je t’ai repassé tes plus beaux habits pour demain matin, Harry, et je veux aussi que tu te laves les cheveux ce soir. Une première impression favorable peut faire des merveilles.
Ron, Hermione, Fred, George et Ginny interrompirent leur conversation, le regard tourné vers lui. Harry acquiesça d’un signe de tête et s’efforça de finir sa côtelette mais sa bouche était devenue si sèche qu’il n’arrivait plus à mâcher.
– Comment vais-je faire pour aller là-bas ? demanda-t-il à Mrs Weasley en essayant de parler d’un ton détaché.
– Arthur va t’emmener avec lui en allant au bureau, dit-elle avec douceur.
De l’autre côté de la table, Mr Weasley lui adressa un sourire encourageant.
– Tu n’auras qu’à rester dans mon bureau en attendant l’heure de l’audience, dit-il.
Harry jeta un coup d’œil à Sirius mais avant qu’il ait pu poser la question, Mrs Weasley y avait déjà répondu :
– Le professeur Dumbledore ne pense pas que ce soit une bonne idée pour Sirius de t’accompagner et je dois dire qu’à mon avis…
– … il a tout à fait raison, acheva Sirius, les dents serrées.
Mrs Weasley pinça les lèvres.
– Quand est-ce que Dumbledore vous a dit ça ? demanda Harry sans quitter Sirius des yeux.
– Il est passé hier soir, quand tu étais couché, répondit Mrs Weasley.
Sirius donna un coup de fourchette rageur dans une pomme de terre. Harry baissa les yeux sur son assiette. À la pensée que Dumbledore se trouvait dans la maison la veille de sa convocation et qu’il n’ait pas demandé à le voir, Harry se sentit encore plus mal, si c’était possible.
7. LE MINISTÈRE DE LA MAGIE
Le lendemain matin, Harry se réveilla à cinq heures et demie aussi brusquement et aussi complètement que si quelqu’un avait crié dans son oreille. Pendant quelques instants, il resta étendu, immobile, tandis que la pensée de l’audience qui l’attendait au ministère imprégnait chaque particule de son cerveau. Incapable d’en supporter davantage, il se leva d’un bond et mit ses lunettes. Mrs Weasley avait disposé au pied du lit son jean et son T-shirt fraîchement lavés. Harry s’habilla avec des gestes fébriles. La toile vide accrochée au mur ricana.
Ron était étalé sur le dos, la bouche grande ouverte, plongé dans un profond sommeil. Il ne bougea pas lorsque Harry traversa la pièce, sortit sur le palier et referma la porte en douceur. Essayant de ne pas penser que la prochaine fois où ils se verraient, ils auraient peut-être cessé d’être des camarades de classe, Harry descendit l’escalier en silence, passa devant les têtes coupées des ancêtres de Kreattur et se dirigea vers la cuisine.
Il croyait qu’elle serait vide à cette heure-là mais, lorsqu’il arriva devant la porte, il entendit de l’autre côté le ronronnement sourd d’une conversation. En entrant, il vit Mr et Mrs Weasley, Sirius, Lupin et Tonks assis autour de la table. On aurait presque dit qu’ils l’attendaient. Ils étaient tous habillés de pied en cap, sauf Mrs Weasley qui portait une robe de chambre violette matelassée. Dès qu’elle vit Harry, elle se leva d’un bond.
– Petit déjeuner, dit-elle en se précipitant vers la cheminée, sa baguette magique à la main.
– B-b-bonjour, Harry, dit Tonks en bâillant.
Ce matin-là, ses cheveux étaient blonds et bouclés.
– Bien dormi ?
– Oui, répondit Harry.
– Je s-s-suis restée debout toute la nuit, dit-elle avec un nouveau bâillement qui la fit frissonner. Viens t’asseoir.
Elle tira une chaise en renversant celle qui se trouvait juste à côté.
– Qu’est-ce que tu veux, Harry ? s’enquit Mrs Weasley. Du porridge ? Des petits pains ? Des harengs ? Des œufs au lard ? Des toasts ?
– Oh, simplement des toasts, merci, dit-il.
Lupin lui jeta un coup d’œil puis demanda à Tonks :
– Qu’est-ce que tu disais à propos de Scrimgeour ?
– Ah oui… Eh bien, il faut que nous fassions un peu plus attention. Il nous a posé de drôles de questions, à Kingsley et à moi…
Harry éprouva une vague reconnaissance en voyant qu’ils ne lui demandaient pas de se joindre à la conversation. Ses entrailles étaient comme nouées. Mrs Weasley posa devant lui deux toasts à la marmelade. Il essaya de manger mais il avait l’impression de mâcher un morceau de tapis. Mrs Weasley s’assit alors à côté de lui et se mit à arranger son T-shirt, rentrant l’étiquette qui dépassait dans le cou, lissant les plis du tissu sur ses épaules. Il aurait préféré qu’elle le laisse tranquille.
– … et il faudra que je dise à Dumbledore que je ne pourrai pas assurer le service de nuit demain soir, je suis vraiment t-t-trop fatiguée, acheva Tonks en bâillant de plus en plus largement.
– Je te remplacerai, répondit Mr Weasley. De toute façon, j’ai un rapport à finir.
Mr Weasley était vêtu non pas d’une robe de sorcier, mais d’un pantalon à rayures et d’un vieux blouson. Il se tourna vers Harry.
– Comment te sens-tu ?
Harry haussa les épaules.