Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome III полностью

– Eh bien, monsieur, dit-il, vous voyez enfin la lutte de l’âme avec le corps. Voyez-vous la conscience forcée comme dans une redoute qu’elle croyait inexpugnable? Voyez-vous enfin que Dieu n’a rien oublié dans ce monde et que tout est dans tout? Ne niez donc plus la conscience; ne niez donc plus l’âme; ne niez donc plus l’inconnu, jeune homme! surtout ne niez pas la foi, qui est le pouvoir suprême; et, puisque vous avez de l’ambition, étudiez, monsieur Marat; parlez peu, pensez beaucoup, et ne vous laissez plus aller à juger légèrement vos supérieurs. Adieu, vous avez un champ bien vaste ouvert par mes paroles; fouillez ce champ qui renferme des trésors. Adieu. Heureux, bien heureux si vous pouvez vaincre le démon de l’incrédulité qui est en vous, comme j’ai vaincu celui des mensonges qui est dans cette femme.

Et il partit sur ces mots, qui firent monter aux joues du jeune homme la rougeur de la honte.

Marat ne songea même point à prendre congé de lui.

Mais, après la première stupeur, il s’aperçut que dame Grivette dormait toujours.

Ce sommeil lui parut épouvantable. Marat eût préféré avoir un cadavre sur son lit, dût M. de Sartine interpréter cette mort à sa façon.

Il regarda cette atonie, ces yeux retournés, ces palpitations, et il eut peur.

Sa peur s’accrut encore quand le cadavre vivant se leva, vint lui prendre la main et lui dire:

– Venez avec moi, monsieur Marat.

– Où cela?

– Rue Saint-Jacques.

– Pourquoi?

– Venez, venez; il m’ordonne de vous y conduire.

Marat, qui était tombé sur une chaise, se leva.

Alors dame Grivette, toujours endormie, ouvrit la porte, descendit l’escalier comme eût fait un oiseau ou une chatte, c’est-à-dire en effleurant à peine les marches.

Marat la suivit, craignant qu’elle ne tombât et qu’en tombant elle ne se brisât la tête.

Arrivée au bas de l’escalier, elle franchit le seuil de la porte, traversa la rue, toujours suivie du jeune homme, qu’elle guida ainsi jusque dans la maison au grenier signalé.

Elle heurta à la porte; Marat sentait son cœur battre si violemment, qu’il lui semblait qu’on dût l’entendre.

Un homme était dans le grenier; il ouvrit: dans cet homme Marat reconnut un ouvrier de vingt-cinq à trente ans, qu’il avait vu parfois dans la loge de sa portière.

En apercevant dame Grivette suivie de Marat, il recula.

Mais la somnambule alla droit au lit et, passant sa main sous le maigre traversin, elle en tira la montre, qu’elle remit à Marat, tandis que le cordonnier Simon, pâle d’effroi n’osait articuler un mot et suivait d’un œil égaré jusqu’aux moindres gestes de cette femme qu’il croyait folle.

À peine eut-elle touché la main de Marat en lui remettant la montre, qu’elle poussa un profond soupir et murmura:

– Il m’éveille, il m’éveille.

En effet, tous ses nerfs se détendirent comme un câble abandonné par la poulie; ses yeux reprirent l’étincelle vitale, et, se trouvant en face de Marat, la main dans sa main, et tenant encore cette montre, c’est-à-dire la preuve irrécusable du crime, elle tomba évanouie sur les planches du grenier.

– La conscience existerait-elle réellement? se dit Marat en sortant de la chambre, avec le doute dans le cœur et la rêverie dans les yeux.

<p id="_Toc103005783">Chapitre CVIII L’homme et ses œuvres</p>

Tandis que Marat passait des heures si bien employées et philosophait sur la conscience et la double vie, un autre philosophe, rue Plâtrière, s’occupait aussi à reconstruire pièce par pièce sa soirée de la veille, et à s’interroger pour savoir s’il était ou non un grand coupable. Les bras appuyés mollement sur sa table, sa tête lourdement penchée sur l’épaule gauche, Rousseau songeait.

Il avait devant lui, tout grands ouverts, ses livres politiques et philosophiques, L’Émile et Le Contrat social.

De temps en temps, lorsque la pensée l’exigeait, il se courbait pour feuilleter ces livres qu’il savait par cœur.

– Ah! bon Dieu! dit-il en lisant un paragraphe de L’Émile sur la liberté de conscience, voilà des phrases incendiaires. Quelle philosophie, juste ciel! A-t-il jamais paru dans le monde un boute-feu pareil à moi?

«Quoi! ajoutait-il en élevant les mains au-dessus de sa tête, c’est moi qui ai proféré de pareils éclats contre le trône, l’autel et la société…

«Je ne m’étonne plus si quelques passions sombres et concentrées ont fait leur profit de mes sophismes et se sont égarées dans les sentiers que je leur semais de fleurs de rhétorique. J’ai été le perturbateur de la société…»

Il se leva fort agité, fit trois tours dans sa petite chambre.

– J’ai, dit-il, médit des gens du pouvoir qui exercent la tyrannie contre les écrivains. Fou, barbare que j’étais, ces gens ont cent fois raison.

«Que suis-je, sinon un homme dangereux pour un État? Ma parole, lancée pour éclairer les masses, voilà du moins ce que je me donnais pour prétexte, ma parole, dis-je, est une torche qui va incendier tout l’univers.

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