Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome III полностью

– Eh bien, monsieur Rousseau, imperatoria brevitate signifie avec la concision d’un général… ou d’un homme habitué à commander. La concision du commandement… voilà l’expression, n’est-ce pas, monsieur de la Vauguyon?

– Oui, Monseigneur, répondit le gouverneur.

Rousseau ne répondit rien. Puis le prince ajouta:

– Cela est un bel et bon contresens, monsieur Rousseau… Oh! je vous en trouverai encore un.

Rousseau pâlit.

– Tenez, monsieur Rousseau, c’est dans le paragraphe relatif à Cecina. Il commence ainsi: At in superiore Germania… Vous savez, on fait le portrait de Cecina, et Tacite dit: Cito sermone.

– Je me rappelle parfaitement, Monseigneur.

– Vous avez traduit cela par parlant bien

– Sans doute, Monseigneur, et je croyais…

– Cito sermone veut dire parle vite, c’est-à-dire facilement.

– J’ai dit parlant bien?

– Il y aurait eu decoro ou ornato ou eleganti sermone; cito est une épithète pittoresque, monsieur Rousseau. C’est comme dans la peinture du changement de conduite d’Othon. Tacite dit: Delata voluptas, dissimulata luxuria cunctaque, ad imperii decorem composita.

– J’ai traduit par: Renvoyant à d’autres temps le luxe et la volupté, il surprit tout le monde en s’appliquant à rétablir la gloire de l’empire.

– À tort, monsieur Rousseau, à tort. D’abord, vous avez fait une seule phrase de trois petites phrases, ce qui vous a forcé de mal traduire dissimulata luxuria; ensuite, vous avez fait un contresens dans le dernier membre de cette phrase. Tacite n’a pas voulu dire que l’empereur Othon s’appliquât à rétablir la gloire de l’empire; il a voulu dire que, ne satisfaisant plus ses passions et dissimulant ses habitudes de luxe, Othon accommodait tout, appliquait tout, faisait tourner tout… tout, vous entendez bien, monsieur Rousseau, c’est-à-dire ses passions et ses vices mêmes, à la gloire de l’empire. Voilà le sens, il est complexe; le vôtre est restreint; n’est-ce pas, monsieur de la Vauguyon?

– Oui, Monseigneur.

Rousseau suait et soufflait sous cette pression impitoyable.

Le prince le laissa respirer un moment; après quoi:

– Vous êtes bien supérieur dans la philosophie, dit-il.

Rousseau s’inclina.

– Seulement, votre Émile est un livre dangereux.

– Dangereux, Monseigneur?

– Oui, par la quantité d’idées fausses que cela donnera aux petits bourgeois.

– Monseigneur, dès qu’un homme est père, il rentre dans les conditions de mon livre, fût-il le plus grand, fût-il le dernier du royaume… Être père… c’est…

– Dites donc, monsieur Rousseau, demanda tout à coup le méchant prince, c’est un bien amusant livre que vos Confessions… Au fait, voyons, combien avez-vous eu d’enfants?

Rousseau pâlit, chancela, et leva sur le jeune bourreau un œil de colère et de stupéfaction dont l’expression redoubla la maligne humeur du comte de Provence.

Il en était bien ainsi; car, sans attendre la réponse, le prince s’éloigna, tenant son précepteur sous le bras, et poursuivant ses commentaires sur les ouvrages de l’homme qu’il venait d’écraser avec férocité.

Rousseau, demeuré seul, se réveilla peu à peu de son étourdissement, lorsqu’il entendit les premières mesures de son ouverture exécutée à l’orchestre.

Il se dirigea de ce côté en oscillant, et, arrivé à son siège, il se dit:

– Fou, stupide, lâche que je suis! voici que je viens de trouver la réponse qu’il m’eût fallu faire à ce petit pédant cruel. «Monseigneur, lui eussé-je dit, ce n’est pas charitable de la part d’un jeune homme de tourmenter un pauvre vieillard.»

Il en était là, tout content de sa phrase, quand madame la dauphine et M. de Coigny commencèrent leur duo. La préoccupation du philosophe fut détournée par la souffrance du musicien; après le cœur, l’oreille recevait son supplice.

<p id="_Toc103005786">Chapitre CXI La répétition</p>

Une fois la répétition commencée, l’attention excitée par le spectacle même, Rousseau cessa d’être remarqué. Ce fut lui qui observa autour de lui. Il entendit des seigneurs qui chantaient faux sous des habits villageois, et vit des dames qui coquetaient comme des bergères sous des habits de cour.

Madame la dauphine chantait juste, mais elle était mauvaise actrice; elle avait, d’ailleurs, si peu de voix, qu’on l’entendait à peine. Le roi, pour n’intimider personne, s’était réfugié dans une loge obscure où il causait avec les dames.

M. le dauphin soufflait les paroles de l’opéra, qui marchait royalement mal.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Георгий Седов
Георгий Седов

«Сибирью связанные судьбы» — так решили мы назвать серию книг для подростков. Книги эти расскажут о людях, чьи судьбы так или иначе переплелись с Сибирью. На сибирской земле родился Суриков, из Тобольска вышли Алябьев, Менделеев, автор знаменитого «Конька-Горбунка» Ершов. Сибирскому краю посвятил многие свои исследования академик Обручев. Это далеко не полный перечень имен, которые найдут свое отражение на страницах наших книг. Открываем серию книгой о выдающемся русском полярном исследователе Георгии Седове. Автор — писатель и художник Николай Васильевич Пинегин, участник экспедиции Седова к Северному полюсу. Последние главы о походе Седова к полюсу были написаны автором вчерне. Их обработали и подготовили к печати В. Ю. Визе, один из активных участников седовской экспедиции, и вдова художника E. М. Пинегина.   Книга выходила в издательстве Главсевморпути.   Печатается с некоторыми сокращениями.

Борис Анатольевич Лыкошин , Николай Васильевич Пинегин

Приключения / Биографии и Мемуары / История / Путешествия и география / Историческая проза / Образование и наука / Документальное