Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome IV полностью

Il achevait d’écrire cette dernière ligne, lorsqu’un cri poussé derrière lui, lui fit tomber la plume des mains.


«Haydée, dit-il, vous avez lu?»


En effet, la jeune femme, réveillée par le jour qui avait frappé ses paupières, s’était levée et s’était approchée du comte sans que ses pas légers, assourdis par le tapis, eussent été entendus.


«Oh! mon seigneur, dit-elle en joignant les mains, pourquoi écrivez-vous ainsi à une pareille heure? Pourquoi me léguez-vous toute votre fortune, mon seigneur? Vous me quittez donc?


– Je vais faire un voyage, cher ange, dit Monte-Cristo avec une expression de mélancolie et de tendresse infinies, et s’il m’arrivait malheur…»


Le comte s’arrêta.


«Eh bien?… demanda la jeune fille avec un accent d’autorité que le comte ne lui connaissait point et qui le fit tressaillir.


– Eh bien, s’il m’arrive malheur, reprit Monte-Cristo, je veux que ma fille soit heureuse.»


Haydée sourit tristement en secouant la tête.


«Vous pensez à mourir, mon seigneur? dit-elle.


– C’est une pensée salutaire, mon enfant, a dit le sage.


– Eh bien, si vous mourez, dit-elle, léguez votre fortune à d’autres, car, si vous mourez… je n’aurai plus besoin de rien.»


Et prenant le papier, elle le déchira en quatre morceaux qu’elle jeta au milieu du salon. Puis, cette énergie si peu habituelle à une esclave ayant épuisé ses forces, elle tomba, non plus endormie cette fois, mais évanouie sur le parquet.


Monte-Cristo se pencha vers elle, la souleva entre ses bras; et, voyant ce beau teint pâli, ces beaux yeux fermés, ce beau corps inanimé et comme abandonné, l’idée lui vint pour la première fois qu’elle l’aimait peut-être autrement que comme une fille aime son père.


«Hélas! murmura-t-il avec un profond découragement, j’aurais donc encore pu être heureux!»


Puis il porta Haydée jusqu’à son appartement, la remit, toujours évanouie, aux mains de ses femmes; et, rentrant dans son cabinet, qu’il ferma cette fois vivement sur lui, il recopia le testament détruit.


Comme il achevait, le bruit d’un cabriolet entrant dans la cour se fit entendre. Monte-Cristo s’approcha de la fenêtre et vit descendre Maximilien et Emmanuel.


«Bon, dit-il, il était temps!»


Et il cacheta son testament d’un triple cachet.


Un instant après il entendit un bruit de pas dans le salon, et alla ouvrir lui-même. Morrel parut sur le seuil.


Il avait devancé l’heure de près de vingt minutes.


«Je viens trop tôt peut-être, monsieur le comte dit-il, mais je vous avoue franchement que je n’ai pu dormir une minute, et qu’il en a été de même de toute la maison. J’avais besoin de vous voir fort de votre courageuse assurance pour redevenir moi-même.»


Monte-Cristo ne put tenir à cette preuve d’affection et ce ne fut point la main qu’il tendit au jeune homme mais ses deux bras qu’il lui ouvrit.


«Morrel, lui dit-il d’une voix émue, c’est un beau jour pour moi que celui où je me sens aimé d’un homme comme vous. Bonjour, monsieur Emmanuel. Vous venez donc avec moi, Maximilien?


– Pardieu! dit le jeune capitaine, en aviez-vous douté?


– Mais cependant si j’avais tort…


– Écoutez, je vous ai regardé hier pendant toute cette scène de provocation, j’ai pensé à votre assurance toute cette nuit, et je me suis dit que la justice devait être pour vous, ou qu’il n’y avait plus aucun fond à faire sur le visage des hommes.


– Cependant, Morrel, Albert est votre ami.


– Une simple connaissance, comte.


– Vous l’avez vu pour la première fois le jour même que vous m’avez vu?


– Oui, c’est vrai; que voulez-vous? il faut que vous me le rappeliez pour que je m’en souvienne.


– Merci, Morrel.»


Puis, frappant un coup sur le timbre:


«Tiens, dit-il à Ali qui apparut aussitôt, fais porter cela chez mon notaire. C’est mon testament, Morrel. Moi mort, vous irez en prendre connaissance.


– Comment! s’écria Morrel, vous mort?


– Eh! ne faut-il pas tout prévoir, cher ami? Mais qu’avez-vous fait hier après m’avoir quitté?


– J’ai été chez Tortoni, où, comme je m’y attendais, j’ai trouvé Beauchamp et Château-Renaud. Je vous avoue que je les cherchais.


– Pour quoi faire, puisque tout cela était convenu?


– Écoutez, comte, l’affaire est grave, inévitable.


– En doutiez-vous?


– Non. L’offense a été publique, et chacun en parlait déjà.


– Eh bien?


– Eh bien, j’espérais faire changer les armes, substituer l’épée au pistolet. Le pistolet est aveugle.


– Avez-vous réussi? demanda vivement Monte-Cristo avec une imperceptible lueur d’espoir.


– Non, car on connaît votre force à l’épée.


– Bah! qui m’a donc trahi?


– Les maîtres d’armes que vous avez battus.


– Et vous avez échoué?


– Ils ont refusé positivement.


– Morrel, dit le comte, m’avez-vous jamais vu tirer le pistolet?


– Jamais.


– Eh bien, nous avons le temps, regardez.»


Monte-Cristo prit les pistolets qu’il tenait quand Mercédès était entrée, et collant un as de trèfle contre la plaque, en quatre coups il enleva successivement les quatre branches du trèfle.


À chaque coup Morrel pâlissait.


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