Читаем Le compte de Monte-Cristo Tome IV полностью

«Maintenant, dit Valentine en faisant signe à Morrel de s’asseoir à côté du vieillard et en s’asseyant elle-même sur le tabouret où reposaient ses pieds, maintenant, parlons un peu de nos affaires. Vous savez, Maximilien, que bon papa avait eu un instant l’idée de quitter la maison et de prendre un appartement hors de l’hôtel de M. de Villefort?


– Oui, certes, dit Maximilien, je me rappelle ce projet, et j’y avais même fort applaudi.


– Eh bien, dit Valentine, applaudissez encore Maximilien, car bon papa y revient.


– Bravo! dit Maximilien.


– Et savez-vous, dit Valentine, quelle raison donne bon papa pour quitter la maison?»


Noirtier regardait sa fille pour lui imposer silence de l’œil; mais Valentine ne regardait point Noirtier; ses yeux, son regard, son sourire, tout était pour Morrel.


«Oh! quelle que soit la raison que donne M. Noirtier, s’écria Morrel, je déclare qu’elle est bonne.


– Excellente, dit Valentine: il prétend que l’air du faubourg Saint-Honoré ne vaut rien pour moi.


– En effet, dit Morrel; écoutez, Valentine, M. Noirtier pourrait bien avoir raison; depuis quinze jours, je trouve que votre santé s’altère.


– Oui, un peu, c’est vrai, répondit Valentine; aussi bon papa s’est constitué mon médecin, et comme bon papa sait tout, j’ai la plus grande confiance en lui.


– Mais enfin il est donc vrai que vous souffrez, Valentine? demanda vivement Morrel.


– Oh! mon Dieu! cela ne s’appelle pas souffrir: je ressens un malaise général, voilà tout; j’ai perdu l’appétit, et il me semble que mon estomac soutient une lutte pour s’habituer à quelque chose.»


Noirtier ne perdait pas une des paroles de Valentine.


«Et quel est le traitement que vous suivez pour cette maladie inconnue?


– Oh! bien simple, dit Valentine; j’avale tous les matins une cuillerée de la potion qu’on apporte pour mon grand-père; quand je dis une cuillerée, j’ai commencé par une, et maintenant j’en suis à quatre. Mon grand-père prétend que c’est une panacée.»


Valentine souriait; mais il y avait quelque chose de triste et de souffrant dans son sourire.


Maximilien, ivre d’amour, la regardait en silence; elle était bien belle, mais sa pâleur avait pris un ton plus mat, ses yeux brillaient d’un feu plus ardent que d’habitude, et ses mains, ordinairement d’un blanc de nacre, semblaient des mains de cire qu’une nuance jaunâtre envahit avec le temps.


De Valentine, le jeune homme porta les yeux sur Noirtier, celui-ci considérait avec cette étrange et profonde intelligence la jeune fille absorbée dans son amour; mais lui aussi, comme Morrel, suivait ces traces d’une sourde souffrance, si peu visible d’ailleurs qu’elle avait échappé à l’œil de tous, excepté celui du père et de l’amant.


«Mais, dit Morrel, cette potion dont vous êtes arrivée jusqu’à quatre cuillerées, je la voyais médicamentée pour M. Noirtier?


– Je sais que c’est fort amer, dit Valentine, si amer que tout ce que je bois après cela me semble avoir le même goût.»


Noirtier regarda sa fille d’un ton interrogateur.


«Oui, bon papa, dit Valentine, c’est comme cela. Tout à l’heure, avant de descendre chez vous, j’ai bu un verre d’eau sucrée; eh bien, j’en ai laissé la moitié tant cette eau m’a paru amère.»


Noirtier pâlit, et fit signe qu’il voulait parler.


Valentine se leva pour aller chercher le dictionnaire.


Noirtier la suivait des yeux avec une angoisse visible.


En effet, le sang montait à la tête de la jeune fille, ses joues se colorèrent.


«Tiens! s’écria-t-elle sans rien perdre de sa gaieté c’est singulier: un éblouissement! Est-ce donc le soleil qui m’a frappé dans les yeux?…»


Et elle s’appuya à l’espagnolette de la fenêtre.


«Il n’y a pas de soleil», dit Morrel encore plus inquiet de l’expression du visage de Noirtier que de l’indisposition de Valentine.


Et il courut à Valentine.


La jeune fille sourit.


«Rassure-toi, bon père, dit-elle à Noirtier: rassurez-vous, Maximilien, ce n’est rien, et la chose est déjà passée: mais, écoutez donc! n’est-ce pas le bruit d’une voiture que j’entends dans la cour?»


Elle ouvrit la porte de Noirtier, courut à une fenêtre du corridor, et revint précipitamment.


«Oui, dit-elle, c’est Mme Danglars et sa fille qui viennent nous faire une visite. Adieu, je me sauve, car on me viendrait chercher ici; ou plutôt, au revoir, restez près de bon papa, monsieur Maximilien, je vous promets de ne pas les retenir.»


Morrel la suivit des yeux, la vit refermer la porte, et l’entendit monter le petit escalier qui conduisait à la fois chez Mme de Villefort et chez elle.


Dès qu’elle eut disparu, Noirtier fit signe à Morrel de prendre le dictionnaire. Morrel obéit; il s’était, guidé par Valentine, promptement habitué à comprendre le vieillard.


Cependant, quelque habitude qu’il eût, et comme il fallait passer en revue une partie des vingt-quatre lettres de l’alphabet, et trouver chaque mot dans le dictionnaire, ce ne fut qu’au bout de dix minutes que la pensée du vieillard fut traduite par ces paroles:


«Cherchez le verre d’eau et la carafe qui sont dans la chambre de Valentine.»


Перейти на страницу:

Похожие книги