Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome I полностью

M. Morrel s’attendait à trouver Villefort abattu: il le trouva comme il l’avait vu six semaines auparavant, c’est-à-dire calme, ferme et plein de cette froide politesse, la plus infranchissable de toutes les barrières qui séparent l’homme élevé de l’homme vulgaire.

Il avait pénétré dans le cabinet de Villefort, convaincu que le magistrat allait trembler à sa vue, et c’était lui, tout au contraire, qui se trouvait tout frissonnant et tout ému devant ce personnage interrogateur, qui l’attendait le coude appuyé sur son bureau.

Il s’arrêta à la porte. Villefort le regarda, comme s’il avait quelque peine à le reconnaître. Enfin, après quelques secondes d’examen et de silence, pendant lesquelles le digne armateur tournait et retournait son chapeau entre ses mains:

«Monsieur Morrel, je crois? dit Villefort.

– Oui, monsieur, moi-même, répondit l’armateur.

– Approchez-vous donc, continua le magistrat, en faisant de la main un signe protecteur, et dites-moi à quelle circonstance je dois l’honneur de votre visite.

– Ne vous en doutez-vous point, monsieur? demanda Morrel.

– Non, pas le moins du monde; ce qui n’empêche pas que je ne sois tout disposé à vous être agréable, si la chose était en mon pouvoir.

– La chose dépend entièrement de vous, monsieur, dit Morrel.

– Expliquez-vous donc, alors.

– Monsieur, continua l’armateur, reprenant son assurance à mesure qu’il parlait, et affermi d’ailleurs par la justice de sa cause et la netteté de sa position, vous vous rappelez que, quelques jours avant qu’on apprit le débarquement de Sa Majesté l’empereur, j’étais venu réclamer votre indulgence pour un malheureux jeune homme, un marin, second à bord de mon brick; il était accusé, si vous vous le rappelez de relations avec l’île d’Elbe: ces relations, qui étaient un crime à cette époque, sont aujourd’hui des titres de faveur. Vous serviez Louis XVIII alors, et ne l’avez pas ménagé, monsieur; c’était votre devoir. Aujourd’hui, vous servez Napoléon, et vous devez le protéger; c’est votre devoir encore. Je viens donc vous demander ce qu’il est devenu.»

Villefort fit un violent effort sur lui même.

«Le nom de cet homme? demanda-t-il: ayez la bonté de me dire son nom.

– Edmond Dantès.»

Évidemment, Villefort eût autant aimé, dans un duel, essuyer le feu de son adversaire à vingt-cinq pas, que d’entendre prononcer ainsi ce nom à bout portant; cependant il ne sourcilla point. «De cette façon, se dit en lui-même Villefort, on ne pourra point m’accuser d’avoir fait de l’arrestation de ce jeune homme une question purement personnelle.»

«Dantès? répéta-t-il, Edmond Dantès, dites-vous?

– Oui, monsieur.»

Villefort ouvrit alors un gros registre placé dans un casier voisin, recourut à une table, de la table passa à des dossiers, et, se retournant vers l’armateur:

«Êtes-vous bien sûr de ne pas vous tromper, monsieur?» lui dit-il de l’air le plus naturel.

Si Morrel eût été un homme plus fin ou mieux éclairé sur cette affaire, il eût trouvé bizarre que le substitut du procureur du roi daignât lui répondre sur ces matières complètement étrangères à son ressort; et il se fût demandé pourquoi Villefort ne le renvoyait point aux registres d’écrou, aux gouverneurs de prison, au préfet du département. Mais Morrel, cherchant en vain la crainte dans Villefort, n’y vit plus, du moment où toute crainte paraissait absente, que la condescendance: Villefort avait rencontré juste.

«Non, monsieur, dit Morrel, je ne me trompe pas; d’ailleurs, je connais le pauvre garçon depuis dix ans, et il est à mon service depuis quatre. Je vins, vous en souvenez-vous? il y a six semaines, vous prier d’être clément, comme je viens aujourd’hui vous prier d’être juste pour le pauvre garçon; vous me reçûtes même assez mal et me répondîtes en homme mécontent. Ah! c’est que les royalistes étaient durs aux bonapartistes en ce temps-là!

– Monsieur, répondit Villefort arrivant à la parade avec sa prestesse et son sang-froid ordinaires, j’étais royaliste alors que je croyais les Bourbons non seulement les héritiers légitimes du trône, mais encore les élus de la nation; mais le retour miraculeux dont nous venons d’être témoins m’a prouvé que je me trompais. Le génie de Napoléon a vaincu: le monarque légitime est le monarque aimé.

– À la bonne heure! s’écria Morrel avec sa bonne grosse franchise, vous me faites plaisir de me parler ainsi, et j’en augure bien pour le sort d’Edmond.

– Attendez donc, reprit Villefort en feuilletant un nouveau registre, j’y suis: c’est un marin, n’est-ce pas, qui épousait une Catalane? Oui, oui; oh! je me rappelle maintenant: la chose était très grave.

– Comment cela?

– Vous savez qu’en sortant de chez moi il avait été conduit aux prisons du palais de justice.

– Oui, eh bien?

– Eh bien, j’ai fait mon rapport à Paris, j’ai envoyé les papiers trouvés sur lui. C’était mon devoir que voulez-vous… et huit jours après son arrestation le prisonnier fut enlevé.

– Enlevé! s’écria Morrel; mais qu’a-t-on pu faire du pauvre garçon?

Перейти на страницу:

Похожие книги

Отверженные
Отверженные

Великий французский писатель Виктор Гюго — один из самых ярких представителей прогрессивно-романтической литературы XIX века. Вот уже более ста лет во всем мире зачитываются его блестящими романами, со сцен театров не сходят его драмы. В данном томе представлен один из лучших романов Гюго — «Отверженные». Это громадная эпопея, представляющая целую энциклопедию французской жизни начала XIX века. Сюжет романа чрезвычайно увлекателен, судьбы его героев удивительно связаны между собой неожиданными и таинственными узами. Его основная идея — это путь от зла к добру, моральное совершенствование как средство преобразования жизни.Перевод под редакцией Анатолия Корнелиевича Виноградова (1931).

Виктор Гюго , Вячеслав Александрович Егоров , Джордж Оливер Смит , Лаванда Риз , Марина Колесова , Оксана Сергеевна Головина

Классическая проза / Классическая проза ХIX века / Историческая литература / Образование и наука / Проза