Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome II полностью

Pendant cet instant de silence, le comte put considérer à son aise l’enfant que sa mère couvrait de baisers. Il était petit, grêle, blanc de peau comme les enfants roux, et cependant une forêt de cheveux noirs, rebelles à toute frisure, couvrait son front bombé, et, tombant sur ses épaules en encadrant son visage, redoublait la vivacité de ses yeux pleins de malice sournoise et de juvénile méchanceté; sa bouche, à peine redevenue vermeille, était fine de lèvres et large d’ouverture; les traits de cet enfant de huit ans annonçaient déjà douze ans au moins. Son premier mouvement fut de se débarrasser par une brusque secousse des bras de sa mère, et d’aller ouvrir le coffret d’où le comte avait tiré le flacon d’élixir; puis aussitôt, sans en demander la permission à personne, et en enfant habitué à satisfaire tous ses caprices, il se mit à déboucher les fioles.

«Ne touchez pas à cela, mon ami, dit vivement le comte, quelques-unes de ces liqueurs sont dangereuses, non seulement à boire, mais même à respirer.»

Mme de Villefort pâlit et arrêta le bras de son fils qu’elle ramena vers elle; mais, sa crainte calmée, elle jeta aussitôt sur le coffret un court mais expressif regard que le comte saisit au passage.

En ce moment Ali entra.

Mme de Villefort fit un mouvement de joie, et ramena l’enfant plus près d’elle encore:

«Édouard, dit-elle, vois-tu ce bon serviteur: il a été bien courageux, car il a exposé sa vie pour arrêter les chevaux qui nous emportaient et la voiture qui allait se briser. Remercie-le donc, car probablement sans lui, à cette heure, serions-nous morts tous les deux.»

L’enfant allongea les lèvres et tourna dédaigneusement la tête.

«Il est trop laid», dit-il.

Le comte sourit comme si l’enfant venait de remplir une de ses espérances; quant à Mme de Villefort, elle gourmanda son fils avec une modération qui n’eût, certes, pas été du goût de Jean-Jacques Rousseau si le petit Édouard se fût appelé Émile.

«Vois-tu, dit en arabe le comte à Ali, cette dame prie son fils de te remercier pour la vie que tu leur as sauvée à tous deux, et l’enfant répond que tu es trop laid.»

Ali détourna un instant sa tête intelligente et regarda l’enfant sans expression apparente; mais un simple frémissement de sa narine apprit à Monte-Cristo que l’Arabe venait d’être blessé au cœur.

«Monsieur, demanda Mme de Villefort en se levant pour se retirer, est-ce votre demeure habituelle que cette maison?

– Non, madame, répondit le comte, c’est une espèce de pied-à-terre que j’ai acheté: j’habite avenue des Champs-Élysées, n° 30. Mais je vois que vous êtes tout à fait remise, et que vous désirez vous retirer. Je viens d’ordonner qu’on attelle ces mêmes chevaux à ma voiture, et Ali, ce garçon si laid, dit-il en souriant à l’enfant, va avoir l’honneur de vous reconduire chez vous, tandis que votre cocher restera ici pour faire raccommoder la calèche. Aussitôt cette besogne indispensable terminée, un de mes attelages la reconduira directement chez Mme Danglars.

– Mais, dit Mme de Villefort, avec ces mêmes chevaux je n’oserai jamais m’en aller.

– Oh! vous allez voir, madame, dit Monte-Cristo; sous la main d’Ali, ils vont devenir doux comme des agneaux.»

En effet, Ali s’était approché des chevaux qu’on avait remis sur leurs jambes avec beaucoup de peine. Il tenait à la main une petite éponge imbibée de vinaigre aromatique; il en frotta les naseaux et les tempes des chevaux, couverts de sueur et d’écume, et presque aussitôt ils se mirent à souffler bruyamment et à frissonner de tout leur corps durant quelques secondes.

Puis, au milieu d’une foule nombreuse que les débris de la voiture et le bruit de l’événement avaient attirée devant la maison, Ali fit atteler les chevaux au coupé du comte, rassembla les rênes, monta sur le siège, et, au grand étonnement des assistants qui avaient vu ces chevaux emportés comme par un tourbillon, il fut obligé d’user vigoureusement du fouet pour les faire partir et encore ne put-il obtenir des fameux gris pommelé, maintenant stupides, pétrifiés, morts, qu’un trot si mal assuré et si languissant qu’il fallut près de deux heures à Mme de Villefort pour regagner le faubourg Saint-Honoré, où elle demeurait.

À peine arrivée chez elle, et les premières émotions de famille apaisées, elle écrivit le billet suivant à Mme Danglars:

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