Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome II полностью

– Alors, mon cher Bertuccio, dit le comte, vous trouverez bon que je vous renvoie à votre confesseur; vous vous ferez avec lui chartreux ou bernardin, et vous causerez de vos secrets. Mais, moi, j’ai peur d’un hôte effrayé par de pareils fantômes; je n’aime point que mes gens n’osent point se promener le soir dans mon jardin. Puis, je l’avoue, je serais peu curieux de quelque visite de commissaire de police; car, apprenez ceci, maître Bertuccio: en Italie, on ne paie la justice que si elle se tait, mais en France on ne la paie au contraire que quand elle parle. Peste! je vous croyais bien un peu Corse, beaucoup contrebandier, fort habile intendant, mais je vois que vous avez encore d’autres cordes à votre arc. Vous n’êtes plus à moi, monsieur Bertuccio.

– Oh! monseigneur! monseigneur! s’écria l’intendant frappé de terreur à cette menace; oh! s’il ne tient qu’à cela que je demeure à votre service, je parlerai, je dirai tout; et si je vous quitte, eh bien, alors ce sera pour marcher à l’échafaud.

– C’est différent alors, dit Monte-Cristo; mais si vous voulez mentir, réfléchissez-y: mieux vaut que vous ne parliez pas du tout.

– Non, monsieur, je vous le jure sur le salut de mon âme, je vous dirai tout! car l’abbé Busoni lui-même n’a su qu’une partie de mon secret. Mais d’abord, je vous en supplie, éloignez-vous de ce platane; tenez, la lune va blanchir ce nuage, et là, placé comme vous l’êtes, enveloppé de ce manteau qui me cache votre taille et qui ressemble à celui de M. de Villefort!…

– Comment! s’écria Monte-Cristo, c’est M. de Villefort…

– Votre excellence le connaît?

– L’ancien procureur du roi de Nîmes?

– Oui.

– Qui avait épousé la fille du marquis de Saint-Méran?

– Oui.

– Et qui avait dans le barreau la réputation du plus honnête, du plus sévère, du plus rigide magistrat.

– Eh bien, monsieur, s’écria Bertuccio, cet homme à la réputation irréprochable…

– Oui.

– C’était un infâme.

– Bah! dit Monte-Cristo, impossible.

– Cela est pourtant comme je vous le dis.

– Ah! vraiment! dit Monte-Cristo, et vous en avez la preuve?

– Je l’avais du moins.

– Et vous l’avez perdue, maladroit?

– Oui; mais en cherchant bien on peut la retrouver.

– En vérité! dit le comte, contez-moi cela, monsieur Bertuccio, car cela commence véritablement à m’intéresser.»

Et le comte, en chantonnant un petit air de la Lucia, alla s’asseoir sur un banc, tandis que Bertuccio le suivait en rappelant ses souvenirs.

Bertuccio resta debout devant lui.

<p>XLIV. La vendetta</p>

«D’où monsieur le comte désire-t-il que je reprenne les choses? demanda Bertuccio.

– Mais d’où vous voudrez, dit Monte-Cristo puisque je ne sais absolument rien.

– Je croyais cependant que M. l’abbé Busoni avait dit à Votre Excellence…

– Oui, quelques détails sans doute, mais sept ou huit ans ont passé là-dessus, et j’ai oublié tout cela.

– Alors je puis donc, sans crainte d’ennuyer Votre Excellence…

– Allez, monsieur Bertuccio, allez, vous me tiendrez lieu de journal du soir.

– Les choses remontent à 1815.

– Ah! ah! fit Monte-Cristo, ce n’est pas hier, 1815.

– Non, monsieur, et cependant les moindres détails me sont aussi présents à la mémoire que si nous étions seulement au lendemain. J’avais un frère, un frère aîné, qui était au service de l’empereur. Il était devenu lieutenant dans un régiment composé entièrement de Corses. Ce frère était mon unique ami; nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit, il m’avait élevé comme si j’eusse été son fils. En 1814, sous les Bourbons, il s’était marié; l’Empereur revint de l’île d’Elbe, mon frère reprit aussitôt du service, et, blessé légèrement à Waterloo, il se retira avec l’armée derrière la Loire.

– Mais c’est l’histoire des Cent-Jours que vous me faites là, monsieur Bertuccio, dit le comte, et elle est déjà faite, si je ne me trompe.

– Excusez-moi, Excellence, mais ces premiers détails sont nécessaires, et vous m’avez promis d’être patient.

– Allez! allez! je n’ai qu’une parole.

– Un jour, nous reçûmes une lettre, il faut vous dire que nous habitions le petit village de Rogliano, à l’extrémité du cap Corse: cette lettre était de mon frère; il nous disait que l’armée était licenciée et qu’il revenait par Châteauroux, Clermont-Ferrand, le Puy et Nîmes; si j’avais quelque argent, il me priait de le lui faire tenir à Nîmes, chez un aubergiste de notre connaissance, avec lequel j’avais quelques relations.

– De contrebande, reprit Monte-Cristo.

– Eh! mon Dieu! monsieur le comte, il faut bien.

– Certainement, continuez donc.

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