Читаем Le Comte de Monte-Cristo. Tome II полностью

«Un instant après il redescendit. Il tenait à la main l’écrin; il s’assura que le diamant était bien dedans, chercha un instant dans laquelle de ses poches il le mettrait; puis, sans doute, ne considérant point sa poche comme une cachette assez sûre, il le roula dans son mouchoir rouge, qu’il tourna autour de son cou.

«Puis il courut à l’armoire, en tira ses billets et son or, mit les uns dans le gousset de son pantalon, l’autre dans la poche de sa veste, prit deux ou trois chemises, et, s’élançant vers la porte, il disparut dans l’obscurité. Alors tout devint clair et lucide pour moi; je me reprochai ce qui venait d’arriver, comme si j’eusse été le vrai coupable. Il me sembla entendre des gémissements: le malheureux bijoutier pouvait n’être pas mort; peut-être était-il en mon pouvoir, en lui portant secours, de réparer une partie du mal non pas que j’avais fait, mais que j’avais laissé faire. J’appuyai mes épaules contre une de ces planches mal jointes qui séparaient l’espèce de tambour dans lequel j’étais couché de la salle inférieure; les planches cédèrent, et je me trouvai dans la maison.

«Je courus à la chandelle, et je m’élançai dans l’escalier; un corps le barrait en travers, c’était le cadavre de la Carconte.

«Le coup de pistolet que j’avais entendu avait été tiré sur elle: elle avait la gorge traversée de part en part, et outre sa double blessure qui coulait à flots, elle vomissait le sang par la bouche. Elle était tout à fait morte. J’enjambai par-dessus son corps, et je passai.

«La chambre offrait l’aspect du plus affreux désordre. Deux ou trois meubles étaient renversés; les draps, auxquels le malheureux bijoutier s’était cramponné, traînaient par la chambre: lui-même était couché à terre, la tête appuyée contre le mur, nageant dans une mare de sang qui s’échappait de trois larges blessures reçues dans la poitrine.

«Dans la quatrième était resté un long couteau de cuisine, dont on ne voyait que le manche.

«Je marchai sur le second pistolet qui n’était point parti, la poudre étant probablement mouillée.

«Je m’approchai du bijoutier; il n’était pas mort effectivement: au bruit que je fis, à l’ébranlement du plancher surtout, il rouvrit des yeux hagards, parvint à les fixer un instant sur moi, remua les lèvres comme s’il voulait parler, et expira.

«Cet affreux spectacle m’avait rendu presque insensé; du moment où je ne pouvais plus porter de secours à personne je n’éprouvais plus qu’un besoin, celui de fuir. Je me précipitai dans l’escalier, en enfonçant mes mains dans mes cheveux et en poussant un rugissement de terreur.

«Dans la salle inférieure, il y avait cinq ou six douaniers et deux ou trois gendarmes, toute une troupe armée.

«On s’empara de moi; je n’essayai même pas de faire résistance, je n’étais plus le maître de mes sens. J’essayai de parler, je poussai quelques cris inarticulés, voilà tout.

«Je vis que les douaniers et les gendarmes me montraient du doigt; j’abaissai les yeux sur moi-même, j’étais tout couvert de sang. Cette pluie tiède que j’avais sentie tomber sur moi à travers les planches de l’escalier, c’était le sang de la Carconte.

«Je montrai du doigt l’endroit où j’étais caché.

« – Que veut-il dire? demanda un gendarme.

«Un douanier alla voir.

« – Il veut dire qu’il est passé par là, répondit-il.

«Et il montra le trou par lequel j’avais passé effectivement.

«Alors, je compris qu’on me prenait pour l’assassin. Je retrouvai la voix, je retrouvai la force; je me dégageai des mains des deux hommes qui me tenaient, en m’écriant:

« – Ce n’est pas moi! ce n’est pas moi!

«Deux gendarmes me mirent en joue avec leurs carabines.

« – Si tu fais un mouvement, dirent-ils, tu es mort.

« – Mais, m’écriai-je, puisque je vous répète que ce n’est pas moi!

« – Tu conteras ta petite histoire aux juges de Nîmes, répondirent-ils. En attendant, suis-nous; et si nous avons un conseil à te donner, c’est de ne pas faire résistance.

«Ce n’était point mon intention, j’étais brisé par l’étonnement et par la terreur. On me mit les menottes, on m’attacha à la queue d’un cheval, et l’on me conduisit à Nîmes.

«J’avais été suivi par un douanier; il m’avait perdu de vue aux environs de la maison, il s’était douté que j’y passerais la nuit; il avait été prévenir ses compagnons, et ils étaient arrivés juste pour entendre le coup de pistolet et pour me prendre au milieu de telles preuves de culpabilité, que je compris tout de suite la peine que j’aurais à faire reconnaître mon innocence.

«Aussi, ne m’attachai-je qu’à une chose: ma première demande au juge d’instruction fut pour le prier de faire chercher partout un certain abbé Busoni, qui s’était arrêté dans la journée à l’auberge du Pont-du-Gard. Si Caderousse avait inventé une histoire, si cet abbé n’existait pas, il était évident que j’étais perdu, à moins que Caderousse ne fût pris à son tour et n’avouât tout.

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