Читаем Le passager полностью

La Voix avait dit : « Longe le bâtiment côté est. La dernière porte sera ouverte, au nord. » Il mit en marche, enfin, son GPS qui lui indiqua, en guise de bienvenue, les quatre points cardinaux. Il se trouvait sur le côté sud du bunker, le bassin se situait à l’ouest. En résumé, il avait tout faux. Il fit marche arrière, contourna l’édifice et rattrapa la façade est, direction plein nord.

Le mur aveugle se prolongeait sur deux cents mètres. Au bout du rempart, un portail de fer noir. La dernière porte sera ouverte. Kubiela attrapa les deux calibres, les glissa dans le creux de son dos, puis abandonna sa voiture. Il marcha vers la paroi. Le quai était totalement désert. Kubiela tournoyait dans le vent et la pluie mais il se sentait fort. L’heure de l’affrontement était venue.

Une phrase de la Voix lui revint :

— Je l’appelle Eurydice. Mais tu la connais sous le nom d’Anaïs.

Eurydice. Qui serait Orphée ? Lui ou le tueur ? Qu’avait prévu le cinglé ? Il considéra encore le bâtiment qui pouvait abriter une armée et ses vaisseaux amphibies. Une idée lui vint : s’il était Orphée, alors cette forteresse abritait les Enfers. Il cherchait presque, dans le déluge, Cerbère, le chien monstrueux qui gardait la porte du royaume des ténèbres.

Hypnotisé, obsédé, ruisselant, il poussa avec l’épaule la paroi de fer noir.

Elle était ouverte.

Pas si difficile de pénétrer en enfer.

144

LA PREMIÈRE CHOSE qu’il vit, ce fut un long tunnel sombre, ouvert au loin sur la tourmente. Des vagues y pénétraient avec force puis s’amenuisaient pour se réduire à des flaques mousseuses. Kubiela s’avança. Le lieu évoquait une caverne immense et rectiligne. Une sorte de sédimentation géométrique. Il éprouvait ici le vide, la résonance intérieure qu’on ressent quand on pénètre dans une cathédrale. L’eau était partout. Dans la texture du béton. Dans les clapotis qui résonnaient au-dessus de lui. Dans les mares qui luisaient sur le sol. Régulièrement, le grondement montait au bout du boyau, roulait jusqu’à lui puis repartait, comme à regret. Il avait l’impression de se trouver dans la gorge d’un monstre, dont la salive était la mer.

Pas une lumière, pas un signe. Ses yeux encore brouillés de pluie ne distinguaient rien. Il réalisa qu’il avait laissé dans la bagnole le téléphone portable. Une connerie. Le tueur allait sans doute l’appeler pour le retrouver quelque part dans ces entrailles…

En guise de réponse, une source de lumière jaillit sur sa droite, à cinquante mètres ou plus — difficile d’évaluer le néant. Un feulement se fit entendre. Il plissa les yeux et aperçut une flamme concentrée, d’un orange cru, bleutée sur les côtés. La flamme d’un arc à souder, qui lançait des éclairs sporadiques sur un ciré trempé.

Un homme avançait vers lui.

Un marin-pêcheur.

Le personnage se précisa. Un homme de grande taille, portant ciré de pluie, salopette à bretelles, gilet auto-gonflant et cuissardes. Son visage était masqué par une capuche serrée à visière. Kubiela n’avait jamais tenté d’imaginer l’assassin de l’Olympe et après tout, ce fantôme de plastique et de feu pouvait faire l’affaire.

Le tueur n’était plus qu’à quelques mètres. Dans une main, il tenait le chalumeau. De l’autre, il tirait une bouteille de métal montée sur roulettes — elle contenait l’oxygène qui alimentait le rayon incandescent.

Kubiela tentait d’apercevoir son visage. Quelque chose dans l’allure générale du meurtrier, son maintien voûté, lui paraissait familier.

— Content de te revoir, fit l’hôte en abaissant sa capuche.

Jean-Pierre Toinin. Le psychiatre qui avait veillé sur sa naissance tragique et sur la folie de sa mère. L’homme qui avait assisté au sacrifice de son frère. Le vieillard qui connaissait toute son histoire. Et qui l’avait sans doute écrite. Je suis celui qui t’a créé.

— Excuse-moi mais je dois fermer cette bon Dieu de porte.

Kubiela s’écarta et laissa passer le croque-mitaine. Il sentit passer le souffle brûlant de l’arc. Il évalua la carrure de l’homme, sa force. Malgré son âge, il pouvait avoir porté sur ses épaules le Minotaure ou Icare. Il pouvait avoir transporté une tête de taureau ou affronté un géant comme Ouranos.

D’un mouvement brusque, il tira la porte puis régla sa flamme qui prit une couleur orange fruité. Le rugissement monta dans les aigus. Toinin visa la jointure de métal, à hauteur de la serrure. Kubiela ne respirait plus. Toute chance d’évasion était en train de fondre, littéralement, sous ses yeux. D’un côté, une porte soudée. De l’autre, la rage de l’océan.

— Qu’est-ce… qu’est-ce que vous faites ?

Il parlait au tueur. Il croyait halluciner.

— Je condamne cette issue.

— Pour l’eau ?

— Pour nous. Nous ne pourrons plus sortir par là.

Le faisceau avait pris une blancheur de gel mais c’était un gel porté à plusieurs centaines de degrés. Kubiela voyait le métal se disloquer en un ruban rougeoyant qui noircissait aussitôt. D’un coup, il sortit de son apathie.

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