Читаем Le Serment des limbes полностью

Dehors, le vent froid me ranima. Des vieillards avaient fini de déjeuner. Ils déambulaient au ralenti, comme des zombies. Je demandai :

— Je peux fumer ?

— Pas de problème.

La première bouffée me remit d’aplomb. Je passai au dernier chapitre :

— On m’a parlé d’une médaille, d’une chaîne…

— Qui vous a parlé de ça ?

— Le jardinier. L’homme qui a sorti Luc de l’eau.

— Les urgentistes ont trouvé une médaille dans son poing serré, c’est vrai.

— Vous l’avez gardée ?

Le toubib glissa la main dans sa blouse :

— Elle est restée dans ma poche.

L’objet brillait d’un éclat mat au creux de sa paume. Une pièce de monnaie en bronze, patinée, érodée, à l’aspect très ancien. Je me penchai. En un coup d’œil, je sus de quoi il s’agissait.

La médaille était gravée à l’effigie de Saint-Michel Archange, prince des anges, porte-enseigne du Christ, trois fois victorieux de Satan. Représenté dans le style de La Légende dorée de Jacques de Voragine, le héros portait une armure et tenait son glaive dans sa main droite, la lance du Christ dans sa main gauche. De son pied droit, il écrasait le dragon ancestral.

Le toubib parlait encore mais je ne l’écoutais plus. Les mots de l’Apocalypse de Jean résonnaient sous mon crâne :

Il y eut alors un grand combat dans le ciel. Michel et ses anges combattaient contre le dragon, et le dragon combattait avec ses anges.

Mais ceux-ci furent les plus faibles, et leur place ne se trouva plus dans le ciel.

Et ce grand dragon, l’ancien serpent appelé le Diable et Satan qui séduit toute la terre habitable, fut précipité en terre, et ses anges avec lui.

La vérité était claire.

Avant de chuter en enfer, Luc s’était protégé contre le diable.

<p>8</p>

Décembre 1991.

Deux ans que je n’avais pas vu Luc. Deux ans que je suivais ma propre voie, planchant sur les auteurs paléochrétiens, vivant avec l’Apologeticum de Tertullien et l’Octavius de Minucius Felix. Depuis le mois de septembre, j’avais intégré le Séminaire pontifical français de Rome.

La période la plus heureuse de ma vie. L’édifice aux murs roses du 42, via Santa Chiara. La grande cour cernée d’une galerie ocre clair. Ma petite chambre aux murs jaunes, que j’appréhendais comme un refuge pour mon cœur et ma conscience. La salle des exercices où nous répétions déjà les gestes liturgiques. « Benedictus es, Domine, deus universi… » Et la terrasse du bâtiment, ouverte à cent quatre-vingts degrés sur les dômes de Saint-Pierre, du Panthéon, de l’église du Gesù…

Pour Noël, mes parents avaient insisté pour que je rentre à Paris : il était important, « essentiel », disait ma mère, que nous fêtions la fin d’année ensemble. Lorsque j’avais atterri à Roissy, la situation avait évolué : mes géniteurs étaient finalement partis en croisière aux Bahamas, à bord du voilier d’un partenaire financier de mon père.

On était le 24 décembre au soir, et j’étais plutôt soulagé. Je déposai mon sac dans l’hôtel particulier de mes parents, avenue Victor-Hugo, puis me mis à marcher dans Paris. Tout simplement. Mes pas me guidèrent jusqu’à Notre-Dame. Juste à temps pour assister à la messe de minuit.

Ce fut à peine si je pus pénétrer dans la cathédrale bondée. Je me glissai sur la droite. Spectacle inouï : les milliers de têtes dressées, les visages recueillis, le grand silence enveloppé d’encens et de résonances. Anonyme parmi les anonymes, je savourais cette ferveur d’un soir, oubliant, juste un moment, le déclin de la foi catholique, le recul des vocations, la désertion des églises.

— Mathieu !

Je tournai la tête, sans reconnaître de visage dans la foule.

— Mathieu !

Je levai les yeux. Installé sur la base d’une colonne, Luc surplombait la masse des fidèles. Son visage blanc, éclaboussé de taches de cuivre, brillait à la manière d’un cierge solitaire. Il plongea dans la foule. Une seconde plus tard, il me tirait par le bras :

— Viens. On se casse.

— La messe vient de commencer…

Au fond du chœur, le prêtre déclamait :

« En toi, Seigneur, mon espérance !Sans ton appui, je suis perdu… »

Luc prit le relais :

— … « Mais rendu fort par ta puissance, je ne serai jamais déçu… » On la connaît, celle-là, non ?

Le ton railleur avait encore gagné en agressivité. Autour de nous, on commençait à protester. Pour éviter le scandale, j’acceptai de le suivre. Parvenu près du mur, je l’attrapai par l’épaule :

— Tu es de retour en France ?

Luc me fit un clin d’œil :

— Je profite du spectacle.

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