Читаем Les pistolets de Sans Atout полностью

Il ouvrit les yeux. La voiture tournait autour d'une place inconnue, dans un quartier de bureaux et de banques, car on voyait, sur les trottoirs, des gentlemen en melon, parapluie au bras et attaché-case à la main. Mais le spectacle de la rue ne pouvait distraire François de ses pensées.

Pauvre M. Skinner! Quelle avait dû être sa frayeur quand il avait entendu les pas des deux garçons, dans l'escalier! Il avait fui à toutes jambes, pour rejoindre sa voiture où Carolyi devait l'attendre. Hélas! Bob avait tiré!… Et l'impossible, comme il arrive souvent, s'était produit. Un homme entraîné aurait raté la cible, à cause de l'obscurité. Bob, lâchant son coup de feu au hasard, avait fait mouche. Voici l'ingénieur blessé à bord de la Morris. Bref conseil de guerre, sans doute. Mais les deux hommes n'ont pas le choix. Il n'est pas tard, ils peuvent penser que les premiers secours ne tarderont pas à arriver; ils peuvent surtout penser que la blessure n'est pas grave. Carolyi conduit donc immédiatement son compagnon à proximité du domicile de M. Merrill et, abandonnant la voiture, disparaît avec les plans.

Et alors, de la façon la plus inattendue et la plus dramatique, va se trouver confirmée la version de l'agression et du cambriolage. Qui pourrait supposer une seconde que M. Skinner est l'auteur du vol dont il est la victime? Le voilà innocenté, à condition que la police n'enquête pas sur l'arme qui a tiré la balle. Qu'on découvre le pistolet et le plan de l'ingénieur s'écroule. Or, on peut faire confiance à la police. Lentement, méthodiquement, elle finira par découvrir la vérité. Carolyi a dû comprendre cela du premier coup. Il faut à tout prix récupérer les pistolets, mais comment?…

Là, Sans-Atout hésite. Il tâtonne. Il n'est qu'un détective amateur, pas encore habitué à pousser à fond un raisonnement rigoureux. Mais il est facile d'aller un peu plus loin…

Qui peut agir, désormais?… Miss Mary, parbleu! L'ingénieur n'aurait sans doute jamais consenti à avouer à sa fiancée la machination qu'il avait imaginée. Mais Carolyi n'a pas de ces scrupules. Il est en danger, lui aussi. Il doit donc tout raconter à Miss Mary et la supplier d'intervenir. Lui téléphone-t-il, en pleine nuit? Se rend-il chez elle?… Cela, c'est un détail sans importance. Ce qui est sûr, c'est que la jeune femme est prête à tout pour sauver M. Skinner. La preuve?… Eh bien, le coup de la mallette. Elle fera disparaître l'étui aux pistolets. Seulement, si les pistolets disparaissent seuls, on risque de se poser des questions trop précises; alors, comme elle est rusée, elle escamotera également des objets insolites, comme la main de marbre, l'éléphant, le kriss malais. Ainsi, ce second cambriolage paraîtra absurde, incohérent, et ajoutera encore au mystère.

D'où les événements de la seconde nuit. Tout le monde étant endormi, Miss Mary a toute facilité pour agir. Elle cache les objets dans sa chambre, puis découpe une vitre du salon, soulève la fenêtre et va donner l'alarme. Qui pourrait penser?… Et, le lendemain, elle va porter la mallette à Carolyi, qui attend, dans la rue. Les pistolets soustraits à la police, on peut commencer à respirer.

Et là, soudain, Sans-Atout rougit. Comme il s'en veut, maintenant! Car il a tout compromis par son intervention. S'il n'avait pas eu cette idée idiote de filer l'homme roux, reconnu dans le couloir de l'hôpital, s'il n'avait pas repéré la maison où ce dernier s'était installé; enfin, s'il n'avait pas récupéré la mallette, croyant réaliser un coup de maître, le malheureux M. Skinner aurait attendu paisiblement l'opération et Miss Mary n'aurait pas connu ces heures affreuses. Sans-Atout les imagine sans peine! Et lui qui soupçonnait la courageuse jeune femme. Il comprend, maintenant, pourquoi elle pleurait, dans le jardin. Et pourquoi elle s'était composé ce masque un peu farouche, quand elle était en présence de Bob. Epargner le fils! Sauver l'honneur du père! Affronter la police sans un tremblement! Comment pourrait-il jamais s'acquitter envers elle, se faire pardonner ses doutes, ses soupçons? Et surtout comment pourrait-il effacer la suite, car tout ce qui était arrivé, après la récupération de la mallette, c'était lui qui l'avait provoqué…

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