…Elle avait l’air tellement idiote que je ne fis tout d’abord pas attention à elle. Mais elle aussi avait un con, comme toutes les autres, une sorte de con personnellement impersonnel dont elle était inconsciemment consciente. Plus souvent elle descendait chez nous, plus elle devenait consciente, à sa façon inconsciente. Un soir qu’elle était dans la salle de bains, et où son séjour se prolongeait de façon suspecte, je vins ainsi par sa faute à penser des choses. Je décidai de jeter un coup d’oeil par le trou de la serrure et de voir par moi-même de quoi il retournait. Or voici! Voici qu’ elle est debout devant la glace, choyant et caressant son petit chat. Lui parlant presque, ma parole. J’étais si excité que je ne sus que faire, tout d’abord. <…> Je défis ma braguette, histoire de laisser mon truc prendre le frais de la nuit. Du divan où j’étais, j’essayais de la mésmeriser, ou du moins de faire que mon truc la mésmerisât. <…> Je ne crois pas avoir, de toute ma vie, fourré la main dans une fourche aussi juteuse. De la colle de pâte, ruisselant sur ses jambes; si j’avais eu des affiches à portée de main, j’aurais pu en coller une douzaine pour le moins. Au bout de quelques instants, aussi naturellement qu’une vache qui baisse la tête pour paître, elle se courba et le prit dans la bouche. Pour moi, j’y allais à quatre doigts dedans elle, battant le tout en neige. Et elle, la bouche pleine, les jambes ruisselant de jus. Pas un mot de part et d’autre, ai-je dit. Rien qu’un couple des paisibles maniaques faisant leur boulot dans le noir comme des fossoyeurs. C’était un paradis, de baiser ainsi, je le savais et j’étais prêt, archiprêt à y faire passer toute ma matière grise s’il le fallait. Jamais encore je n’avais baisé comme avec cette fille. Pas une seule fois elle ne l’ouvrit — pas plus cette nuit que la nuit suivante ni aucune autre nuit. Elle descendait et se coulait furtivement dans le noir, dès qu’elle flairait que jétais seul, et me recouvrait de son comme d’un emplâtre. Et il était énorme, ce con, quand j’y repense. Dédale obscur et souterrain doté de divans et de cosy-corners, de con dents de caoutchouc et de seringues, de niches moelleuses et d’édredons et de feuilles de mûrier. J’y piquais de nez comme un ver solitaire pour m’y ensevelir dans une étroite fente ou régnait tant de silence, de douceur et de repos que je m’y couchais comme un dauphin sur des bancs d’huîtres. Un léger spasme et j’étais en Pullman, en train de lire mon journal, ou au fond d’une impasse aux pavés ronds et moussus, aux petites barrières d’osier s’ouvrant et se fermant automatiquement. Ou encore c’était comme au water-fall: un brusque plongeon, puis un embrun de crabes mordillants, le balancement fiévreux des joncs et les branchies de minuscules petits poissons me lappant doucement et jouant un clavier d’harmonica. Dans l’obscurité de cette grotte immense résonnait une musique d’orgue, noire glissante, savonneuse comme la soie, quand elle y allait pleins gaz et pleins jus, il en jaillissait un pourpre violacé, une tache sombre de mûre écrasée, pareille à un crépuscule, un de ces crépuscules ventriloques qui sont la joie et l’apanage des crétins et des nains au temps de leurs menstruations. Cela me faisait penser à des cannibales qui mâcheraient des fleurs, à un délire de Bantous, à un rut de licornes vantrées sur de lits de rhododendrons[133]
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