Le vieil Israélite a ouvert des yeux effarés qui révélèrent toute la stupéfaction que ce message indirect lui causait, et comme Jeziel le fixait longuement, démontrant anxieusement de l'intérêt à connaître son sentiment profond face à la suggestion des parchemins sacrés, il a souligné :
(2) Proverbes, chapitre 3, versets 11 et 12.
Je reçois l'avertissement de ces écrits, mon fils, mais je ne peux me résoudre à l'injustice et comme je l'ai dit, je porterai ma plainte aux autorités compétentes.
Le jeune homme a soupiré et a murmuré résigné :
Que Dieu nous protège !...
Le lendemain, une foule compacte ne faisait qu'augmenter près du temple de Vénus. De l'ancienne demeure où fonctionnait un tribunal improvisé, on pouvait voir des véhicules luxueux et extravagants croiser la grande place dans toutes les directions. Il s'agissait de patriciens qui se dirigeaient aux audiences de la cour provinciale ou d'anciens propriétaires, à la tête d'une fortune particulière à Corinthe, qui se livraient aux divertissements du jour, au prix de la sueur des misérables captifs. Une agitation inhabituelle caractérisait ce lieu. De temps en temps, on pouvait observer, des officiers ivres qui quittaient l'ambiance viciée du temple de la célèbre déesse débordant de parfums capiteux et de plaisirs condamnables.
Jochedeb traversa la place s'en prendre le temps de regarder en détail la foule qui l'entourait et pénétra rapidement dans l'enceinte où Licinius Minucius, entouré de nombreux assistants et soldats, expédiait différents ordres.
Ceux qui osaient se plaindre publiquement ne dépassaient pas la centaine et après avoir fait individuellement leurs déclarations sous le regard perçant du légat, un par un, ils étaient conduits pour recevoir la solution qui les concernait de façon isolée.
Son tour arrivé, le vieil Israélite a exposé ses réclamations concernant les expropriations indues du passé et les insultes dont il avait été victime la veille, tandis que le fier patricien notait chaque parole prononcée et la moindre de ses attitudes du haut de sa chaise, comme s'il connaissait le personnage en cause de longue date. Bientôt conduit à l'intérieur, Jochedeb a attendu comme tous les autres, la solution à ses demandes de réparation à la justice. Mais peu à peu, alors que d'autres étaient convoqués nominalement à régler leurs comptes avec le gouvernement provincial, il remarqua que l'ancienne demeure se remplissait d'un grand silence, il se dit que son tour avait peut-être été reporté pour des raisons dont il ne pouvait présumer.
Puis finalement, incité à s'adresser au juge, il a entendu, fortement surpris, la sentence négative lue par un officier qui jouait le rôle de secrétaire de cette juridiction.
Au nom de César, le légat impérial a décidé d'ordonner la confiscation de la prétendue propriété de Jochedeb Ben Jared, et lui accorde trois jours pour évacuer les terres qu'il occupe indûment puisqu'elles appartiennent légalement au Juge Licinius Minucius, habilité à prouver, à tout instant, ses droits de propriété.
Cette décision inattendue causa une vive commotion au vieil Israélite, foudroyant sa sensibilité. Ces paroles lui firent l'effet d'une sentence de mort. Il n'aurait su définir son angoissante surprise. N'avait-il pas confiance en la justice et n'était-il pas en quête d'une action réparatrice ? Il aurait voulu crier sa haine, manifester ses poignantes désillusions, mais sa langue était comme pétrifiée dans sa bouche serrée et tremblante. Après une minute de profonde anxiété, il a fixé la figure détestée de l'ancien patricien hautain qui causait maintenant sa ruine, et l'enveloppant d'une vibration pleine de colère qui montait de son âme rebellée et souffrante, il a néanmoins trouvé l'énergie de lui dire :
Ô très illustre quêteur, où est donc l'équité de votre Jugement ? Je viens jusqu'ici implorer l'intervention de la justice et vous rétribuez ma confiance par une extorsion supplémentaire qui annihile mon existence ? Par le passé, j'ai souffert de la dépossession injuste de tous mes biens patrimoniaux, conservant avec d'énormes sacrifices mon humble ferme où je prétends attendre la mort !... Est-il crédible que vous, propriétaire' d'une si grande fortune, n'éprouviez pas de remords ? C'est soustraire à un misérable vieux sa dernière bouchée de pain ?
Le fier Romain, sans un geste qui puisse dénoter la moindre émotion, rétorqua sèchement :
À la rue, et que personne ne discute les décisions impériales !
Ne pas discuter ? - a clamé Jochedeb horrifié. - Je ne pourrai élever la voix sans maudire la mémoire des criminels romains qui m'ont escroqué ? Où poserez-vous vos mains empoisonnées par le sang des victimes et les larmes des veuves et des orphelins pillés quand sonnera l'heure du jugement du tribunal de Dieu ?...