Читаем Piège pour Catherine полностью

— Pauvre idiot ! fit Gauthier avec mépris. On voit bien que tu ne sais pas de quoi tu parles. Belle vie, en vérité ! Toi, tu as le grand air, le ciel libre, la montagne, la vallée, le ruisseau, tout l'espace ! Tu es page, tu seras écuyer, tu auras le droit de porter des armes, puis tu deviendras chevalier, capitaine, peut-être, c'est-à-dire grand, fier, indomptable, un homme, quoi ! Tandis que moi et mes pareils, nous continuerons à nous courber sur nos parchemins, toujours un peu plus seuls, toujours un peu plus vieux... et toujours un peu plus gras, il est vrai, pour ceux qui, définitivement, auront choisi l'Église...

— Moi, je hais la guerre et les armes et tout ce qui la représente. Je hais l'arrogance des capitaines, leur cruauté, les douleurs du pauvre peuple, cria le page devenu soudain très rouge. Comment peut-on souhaiter passer sa vie à se battre ou à battre les autres ?

— Quand on a passé des années à ânonner Socrate, Sénèque ou Caton l'Ancien sans parvenir à se mettre d'accord avec eux ! J'en sais assez comme ça et, comme je ne veux être ni curé, ni chat-fourré1, je veux m'en aller.

1 Magistrat.

Emmenez-moi, Dame ! ajouta-t-il sur un ton suppliant. Je suis fort, courageux, je crois, et il n'est pas bon pour une dame de haut rang de courir les routes en la seule compagnie d'un moutard !

— Je ne suis pas un moutard, se rebiffa Bérenger. Je me suis déjà battu, moi, et contre des hommes d'armes encore. Demande à Dame Catherine !

— C'est vrai, admit la jeune femme en souriant. Bérenger s'est comporté comme un preux dans une circonstance difficile.

— Voilà une bonne nouvelle, s'écria l'étudiant en assenant une tape affectueuse sur le dos de son compagnon. Nous pourrons ferrailler ensemble... si ta maîtresse veut bien de moi. D'ailleurs, ajouta-t-il avec un drôle de sourire où l'ironie n'effaçait pas une certaine mélancolie, si elle refuse, il faudra tout de même que je parte d'ici... ou que je me fasse truand.

— Quelle horreur ! s'écria Catherine. Pourquoi truand ?

— Croyez bien que cela ne me tente guère, mais si je veux manger, même un peu, il faudra bien que j'en passe par là. Le supérieur du collège de Navarre veut me chasser. Il dit que je suis un mauvais sujet, une brebis galeuse parce que j'aime les filles et le vin.

Comme si j'étais le seul ! Simplement, ma tête ne lui revient pas et, en fait de brebis galeuse, il va faire de moi son bouc émissaire.

— Dites-moi encore une chose : que diront vos parents de tout cela

? S'ils vous ont mis au collège, ils devaient avoir une raison ?

— La meilleure : se débarrasser de moi à tout jamais ! Je n'ai plus de parents, douce dame. Rien qu'un oncle fort riche qui gère le peu de bien qui me reste, car notre manoir et notre terre de Chazay ont été brûlés, détruits totalement par la guerre. Or, l'oncle Guy a un fils et il n'est jamais las d'amasser : il a donc décidé que je serais clerc, puis ordonné quand le temps en serait venu, afin que mes biens aillent grossir le patrimoine de son fils. C'est simple, vous voyez...

Très simple, admit Catherine. Et, à vous dire le fond de ma pensée, j'ai très envie de vous emmener avec moi. Mais vous souhaitez faire carrière dans les armes ?

— En effet, c'est mon plus cher désir.

— Avez-vous songé, alors, qu'en entrant à mon service, vous entrez à celui de mon époux... c'est-à-dire d'un prisonnier évadé, d'un proscrit ?

Gauthier de Chazay se mit à rire, d'un rire si joyeux qu'il faisait plaisir à entendre.

— De nos jours est proscrit aujourd'hui qui sera maréchal demain.

L'ennemi du matin devient le frère du soir et l'ami du soir est exécré quand revient l'aube. Nous vivons un temps de folie, mais l'heure viendra où tout rentrera dans l'ordre, où le royaume connaîtra son renouveau et refleurira plus beau qu'avant. Jusque-là, il y a encore des coups à donner et à recevoir : j'en veux ma part. Et puis, quoi que vous en pensiez, gracieuse dame, et même si cela vous fâche un peu...

c'est à votre service que je veux entrer, c'est vous que je veux servir, défendre, vous surtout !...

Catherine ne répondit pas tout de suite. Quelque chose en elle s'était ému à cette profession de foi inattendue. Ce garçon ne saurait jamais à quel point il lui rappelait Gauthier, le grand, Gauthier Malencontre dont, toujours, la rencontre avait été fatale aux ennemis qui s'étaient dressés devant elle.

Lui aussi avait regimbé à l'idée d'accepter la férule d'Arnaud. Il se voulait son serviteur, à elle, uniquement, son serviteur et son rempart, ce qui d'ailleurs ne l'avait pas empêché de se dévouer bien souvent pour le maître de Montsalvy, ne fût-ce que sur l'esplanade de Grenade, quand ronflaient les tambours d'Allah.

Une voix timide du fond de son cœur lui soufflait que ce jeune homme qui portait son prénom recelait aussi en lui un peu de l'âme de son vieil ami, que c'était lui, peut-être, qui par-delà la mort le lui envoyait...

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