Читаем Piège pour Catherine полностью

! C'est elle qui, sentant l'aide immense que pouvait lui amener cette fille, peut-être inspirée, a aplani le chemin qui, des confins de la Lorraine, menait jusqu'à Chinon, jusqu'au Roi, certes, mais aussi jusqu'à elle, Yolande, qui voulait juger en connaissance de cause.

Vous savez la suite... Le Roi, ma chère, comme tous les mal-aimés, a toujours eu besoin de favoris. On les lui a tués les uns après les autres, avec raison car ils étaient plus néfastes les uns que les autres. Seul La Trémoille, qu'il regrettait toujours amèrement, vit encore. La reine Yolande était inquiète, elle ne savait plus comment arracher Charles à ses regrets quand, l'an passé, la duchesse de Lorraine est venue à la Cour avec sa suite, dont était Agnès.

» L'effet véritablement foudroyant que cette enfant a produit sur le Roi a été pour Yolande une révélation et un trait de lumière : une favorite, surtout génératrice d'un grand amour, pouvait arracher le Roi à ses regrets et, peut-être, à sa mollesse. Mais il fallait que cette favorite fût sa créature, à elle, Yolande. Alors, elle a pris cette petite fille, l'a gardée auprès d'elle quand Madame Isabelle est partie pour Naples. Elle connaissait de longue date sa famille et son caractère.

Elle l'a vêtue, parée, endoctrinée. Agnès est douce, point sotte, douée d'un heureux caractère et elle s'est mise à adorer sa protectrice qui n'a eu aucune peine à la façonner avant de mettre enfin, dans les bras de son gendre, un être parfaitement au point qui, tout en dispensant à Charles les délices d'un corps parfait, lui souffle, entre deux baisers, les idées et les conseils de la Reine. Vous avez trouvé Charles changé, n'est-ce pas ?

— Je l'avoue. Au point de m'être demandé, un moment, si c'était là le même homme...

— C'est l'œuvre d'Agnès et de la reine Yolande. Et il a suffi de bien peu de chose, figurez-vous, pour obtenir ce résultat incroyable.

Un soir, Agnès, en badinant, a dit qu'une devineresse lui avait prédit l'amour du plus grand roi du monde. "Il faudra, a-t-elle dit alors, que j'aille en Angleterre et me fasse présenter au Roi. Car le plus grand roi du monde ne peut être vous, Sire, qui restez à ne rien faire, tandis que l'Anglais vous arrache votre héritage !"

» Cette toute petite phrase a fait sur Charles l'effet d'un révulsif. Le résultat, vous l'avez vu ; et maintenant, je ne crois pas exagérer en affirmant qu'Agnès s'apprête à continuer, à sa manière et avec ses armes à elle, le miracle de Jeanne. Elle fait du Roi un autre homme et c'est tout ce que voulait Yolande.

Soit ! soupira Catherine. C'est d'une moralité un peu étrange, cette histoire, car Madame Yolande me paraît faire vraiment bon marché de sa fille, la reine Marie...

— Allons ! Vous savez bien que, ce miracle, la reine Marie ne le pouvait accomplir. Le Roi l'aime bien. Il lui fait un enfant régulièrement, mais en dehors de cela, je suppose que vous vous souvenez de sa figure ? Je ne sais plus quel ambassadeur a dit, après l'avoir vue : "Madame la Reine a figure à faire peur aux Anglais eux-mêmes !" L'amour maternel est une chose et la résurrection d'un pays une autre.

» Cessez d'en vouloir à cette pauvre Agnès. Je me charge de lui faire savoir qu'elle a commis une sottise. D'ailleurs, la reine Yolande, qui nous arrive prochainement, s'en chargera. Et maintenant, voulez-vous, oui ou non, garder ces perles ? »

Catherine vida son gobelet, le reposa sur la table et se mit à rire.

— Vous êtes plus têtu que vos mules, Jacques !

— C'est comme cela que l'on réussit. Les voulez- vous ?... ou dois-je les jeter dans la Loire ? Car, sur ma vie, aucune autre femme que vous ne les portera ! J'ajoute que je m'arrangerai pour procurer un autre collier... à votre amie Agnès, puisque vous semblez tellement y tenir !

Pour toute réponse, Catherine tendit la main pour qu'il y déposât la petite bourse de daim.

Content d'avoir vaincu et joyeux de son innocente vengeance, Jacques Cœur embrassa son amie sur le front et lui souhaita la bonne nuit.

— Nous sommes le 30 mai, fit-il. Dans trois jours le mariage.

Vous n'aurez plus longtemps à supporter mes caprices.

Mais, deux jours après, lorsque Catherine revint d'une promenade à travers les rues de la ville pour admirer les préparatifs que l'on faisait pour la joyeuse entrée de la Dauphine et pour la cérémonie, elle trouva Jacques au fond du magasin, dans le réduit où il empilait ses gros registres reliés de parchemin. Il était sombre.

— Le mariage est retardé, Catherine !

— Comment ? Mais... pourquoi ?

— Le dernier des enfants royaux, le petit prince Philippe qui nous est né en février, est en train de mourir. Le Roi, la Reine et la Cour sont retenus à Chinon.

— Mais la princesse d'Ecosse ?

— Est arrivée à Chinon où elle attendra, comme les autres. Avec un enfant agonisant, il est impossible de quitter le château.

— Mon Dieu, gémit Catherine, il ne manquait plus que cela. Et... si le mariage allait se célébrer là-bas ?

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