Читаем Piège pour Catherine полностью

Jehan et François, les fils, semblaient les copies rajeunies du père : même force redoutable, même figure de loup sournois, mais les prunelles sombres luisaient comme braise et les bouches charnues avaient la couleur du sang frais. Quant à Gonnet, le bâtard, la race terrifiée de sa mère, une fragile nonne violée dans son couvent en flammes et emportée jusqu'à la tour baronniale pour y servir encore au plaisir du maître et y faire son fruit avant d'en mourir, atténuait chez lui la sauvagerie apparente de ses demi-frères. Il était plus mince, plus blond, plus délié, mais la ruse était collée comme un masque à ses traits affinés, tandis que ses yeux pâles avaient ce reflet glauque des marais aux vases mortelles. Tête nue, ses cheveux blonds voletaient doucement au vent du soir. Il ne portait pas l'épée, n'étant pas chevalier, mais à l'arçon de sa selle pendaient une cognée de bûcheron et... une tête fraîchement coupée qui témoignait de l'usage qu'il en savait faire, une tête que Catherine n'osa pas regarder attentivement tant elle craignait de la reconnaître.

Comme aucune réponse ne venait, elle répéta sa question plus durement :

— J'attends ! Que venez-vous chercher céans ?

Le vieux eut un rire, torcha son nez humide à son gantelet, se racla la gorge et cracha :

— Le passage, gracieuse dame, rien que le passage ! N'êtes-vous point maîtresse et gardienne de la route qui va vers Entraygues et vers Conques ? Tout le jour, les voyageurs passent par Montsalvy et acquittent le péage. Pourquoi nous le refusez-vous ?

— Les voyageurs passent, en effet, de jour, point la nuit et jamais une troupe armée ne reçoit permission de traverser notre cité. Si vous voulez gagner Entraygues, il vous faut passer par les vallées.

— Pour rompre les os de nos chevaux ? Grand merci ! Nous préférons traverser Montsalvy...

— Traverser seulement ? demanda l'abbé.

— Peut-être nous y arrêter un peu. Nous sommes las, affamés, la saison est rude encore. Ne pouvez-vous faire accueil à des chrétiens ?

— Les chrétiens n'ont pas de tels bagages, s'écria la châtelaine en désignant du doigt l'affreux trophée de Gonnet. Passez votre chemin, Bérault d'Apchier, ou plutôt retournez d'où vous venez. Mais j'imagine que là où vous êtes passé il n'y a plus rien à piller ni à brûler.

Plus grand-chose, admit l'autre de sa voix traînante. Est-ce là tout votre accueil, Dame Catherine ? Voire époux nous en servit un meilleur voici peu.

— Votre venue, ce soir, montre qu'il a eu tort. Allez- vous-en : Montsalvy n'ouvre point ses portes quand son seigneur n'y est pas !

Vous le savez d'ailleurs parfaitement, sinon vous ne seriez pas ici, n'est-ce pas ?

Un éclair de joie maligne brilla sous les sourcils barbelés de Bérault.

— Bien sûr, nous le savons. Il n'y a plus, derrière vos murs, que des moines, des vieillards et des enfants. Il vous faut des hommes et je suis venu vous offrir ma protection.

Autour de Catherine, un grondement se leva. Le peuple de Montsalvy qui avait suivi jusque-là, attentif et silencieux, l'échange de paroles commençait à montrer les dents. La voix goguenarde d'une commère lança :

— Regarde-toi au miroir, Bérault ! Te prends-tu pour un jouvenceau ? Des hommes, on en a encore, des meilleurs et des plus vigoureux que toi ! Et ta protection...

La destination finale de ladite protection, dans l'esprit et dans la bouche de Gauberte, arracha un sourire à Catherine et un rugissement de joie à son entourage qui éclata en quolibets et en injures variées que l'abbé essaya vainement de faire taire. Les gens de Montsalvy détestaient encore plus le loup du Gévaudan qu'ils n'en avaient peur et la tête coupée, dont le sang coulait encore sur les jambes du cheval de Gonnet, exaspérait leur fureur. Les poings se tendaient tandis que déjà des pierres volaient vers les quatre cavaliers immobiles. L'une d'elles, lancée d'une main sûre, atteignit le heaume de Jehan qui cracha une insulte.

Le vieux Bérault se dressa sur ses étriers, soudain fou de colère, et lâcha les raisons véritables de son invasion.

J'entrerai quand même, bande de cochons braillards, et je vous égorgerai comme les porcs que vous êtes. Je veux cette ville et je l'aurai comme je t'aurai aussi, toi, la putain bourguignonne ! Quand cet âne prétentieux d'Arnaud reviendra de ses galopades militaires, il trouvera sa porte close, sa ville sous mon fouet et sa femme dans mon lit ! À moins que je n'en aie plus envie quand tous mes hommes lui seront passés dessus ! Tu as demandé ce que je venais chercher, Catherine ? Je vais te-le dire : c'est ton or d'abord et toi ensuite !

D'un geste, la dame de Montsalvy imposa silence à la foule qui se pressait autour d'elle et qui grondait. Les insultes du pillard ne l'atteignaient pas.

— Mon or, dis-tu ? Quel or ?

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