Читаем Piège pour Catherine полностью

— Ce jour-là, Monseigneur, dans l'hôtel Saint-Pol envahi par la populace, j'ai vu celle qui est aujourd'hui votre épouse, mais qui était alors Madame la duchesse de Guyenne, je l'ai vue, en larmes, supplier à genoux son père et cette populace d'épargner un adolescent qui était son page et qu'elle aimait particulièrement !

» Le page que moi, fillette sans force et sans protection, j'ai failli sauver ! Si elle était ici, Madame de Richemont serait la première à vous demander la grâce du frère de son serviteur massacré et à vous prier, avec tout son amour, d'adoucir votre rigueur.

Le regard bleu du prince breton vacilla, échappa à celui de Catherine.

— Ma femme... murmura-t-il.

— Mais oui, votre femme ! Avez-vous donc oublié le duel d'Arras où, sous les armes royales de France, Arnaud de Montsalvy affronta le jugement de Dieu pour l'honneur de son prince ? La duchesse de Guyenne que l'on venait de vous fiancer, après vous en avoir demandé permission, n'a-t-elle pas attaché elle-même ses couleurs à la lance de mon époux ? Souvenez-vous, Monseigneur ! Son amitié pour ceux de notre maison est plus ancienne que la vôtre !

Richemont secoua la tête comme pour en chasser une pensée importune.

— Plus ancienne ? De bien peu car c'est à Azincourt que j'ai rencontré Montsalvy pour la première fois et l'ai vu combattre.

Une lutte, visiblement, se livrait en Richemont à l'évocation de ces souvenirs et ce combat, au fond, Catherine sentait qu'il souhaitait le perdre mais qu'il n'avait plus le pouvoir de trancher le débat au point où il en était venu. Ce pouvoir, celui de décider, il appartenait tout entier à ce beau vieillard en robe de velours grenat qui la regardait d'un air songeur.

Elle tourna vers lui son appel et ses supplications :

— Sire Prévôt, pria-t-elle, moi, Catherine Legoix, je vous demande justice de Guillaume Legoix, assassin de mon père et assassin de son hôte, dont le crime si longtemps a pesé sur ma vie et dont j'ai failli mourir jadis ! Et, puisque justice est déjà faite, je vous demande humblement grâce pour l'homme qui en fut l'instrument, délibérément sans doute, mais aveuglé par tant d'années de haine...

Il y eut un profond silence. Chacun retenait son souffle, conscient de la gravité de l'instant... et peut-être aussi de l'émouvante beauté de cette femme aux yeux brillants de larmes, dont les mains fragiles et blanches se tendaient en un joli geste d'imploration vers le vieux Prévôt des marchands.

Lui, d'ailleurs, la regardait aussi avec, au fond de ses yeux usés de vieil homme, quelque chose qui ressemblait à de la fierté, nuancée de tendresse.

— Ainsi, dit-il doucement, vous êtes la petite Catherine que j'ai vue jouer avec ses poupées dans le magasin de ce bon Gaucher, au temps jadis ? Pardonnez-moi d'avoir ignoré sa mort cruelle. Je n'étais pas à Paris durant ces sombres jours et je n'ai rien su des circonstances de sa mort. Il y en a eu tellement, des morts, et de toutes sortes, depuis ce temps-là...

— Alors, messire... par pitié... n'en demandez pas un de plus !

Les seigneurs de Bourgogne, eux aussi, contemplaient la jeune femme. Ils semblaient fascinés et ce fut sans la quitter de ses yeux agrandis que Villiers de l'Isle Adam murmura, comme machinalement

: — Il faut faire grâce, Sire Connétable ! Je le demande ici hautement au nom de mon maître le duc Philippe de Bourgogne qui, s'il était parmi nous, l'aurait déjà réclamée au nom de la justice... et de la chevalerie.

Le visage de pierre de Richemont parut s'animer d'une curiosité qui ne comprenait pas bien :

— La chevalerie, dites-vous ?

— Mais oui !

Avec un mince sourire et sans cesser de fixer la tête de Catherine, Villiers de l'Isle Adam prit entre ses doigts le lourd collier de la Toison d'Or qui ornait son sévère pourpoint noir et en fit jouer le bélier héraldique.

— Personne n'ignore, à la Cour de Bourgogne, quels regrets.... de quelle royale chevelure dorée ont inspiré au duc Philippe la fondation d'un ordre que nous, ses féaux, sommes glorieux de porter parce qu'il est le plus noble qui soit. Voilà pourquoi je demande grâce au nom de la chevalerie... et aussi parce que j'estime le bon droit du côté de la dame de Montsalvy.

Sourcils froncés, Richemont réfléchissait. Catherine s'efforçait d'apaiser les palpitations désordonnées de son cœur qui battait la chamade, et retenait son souffle. Ses doigts serraient à les faire blanchir ceux du Bâtard qui, sentant son besoin d'un appui, avait repris sa main dans la sienne. Ce fut à lui, d'ailleurs, que Richemont, à brûle-pourpoint, s'adressa :

— Votre conseil, sire Bâtard ?

Dunois, hardiment, lui décocha un large sourire en plein visage.

— La grâce, voyons ! Je ne suis venu que pour cela !

— Le vôtre, Ternant ?

Le Prévôt de Paris haussa les épaules :

— La grâce, naturellement, sire Connétable !

— Et toi, Rostrenen ?

— La grâce, Monseigneur ! C'est justice ! affirma le capitaine breton.

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