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Il у a longtemps, ch`ere et bonne amie, que je ne vous ai 'ecrit et que vous ne m’avez donn'e de nouvelles de votre ch`ere personne et de tous les v^otres; aussi j’ai l’esp'erance que votre r'eponse `a cette lettre ne se fera pas longtemps attendre: il у a de la fatuit'e dans cette phrase, direz-vous; mais vous vous tromperez. Je sais que vous ^etes persuad'ee que vos lettres me font un grand plaisir puisque vous employez le silence comme punition; mais je ne m'erite pas cette punition car j’ai constamment pens'e `a vous, preuve: j’ai demand'e un semestre d’un an, — refus'e, de 28 jours — refus'e, de 14 jours — le grand duc a refus'e de m^eme; tout ce temps j’ai 'et'e dans l’esp'erance de vous voir; je ferai encore une tentative — dieu veuille qu’elle r'eussisse. — Il faut vous dire que je suis le plus malheureux des hommes, et vous me croirez quand vous saurez que je vais chaque jour au bal: je suis lanc'e dans le grand-monde: pendant un mois j’ai 'et'e `a la mode, on se m’arrachait. C’est franc au moins. — Tout ce monde[31] que j’ai injuri'e dans mes vers se plait `a m’entourer de flatteries; les plus jolies femmes me demandent des vers et s’en vantent comme d’un triomphe. — N'eanmoins je m’ennuie. — J’ai demand'e d’aller au Caucase — refus'e. — On ne veut pas m^eme me laisser tuer. Peut-^etre, ch`ere amie, ces plaintes ne vous para^itront-elles pas de bonne foi? — peut-^etre vous para^itra-t-il 'etrange qu’on cherche les plaisirs pour s’ennuyer, qu’on court les salons quand on n’y trouve rien d’int'eressant? — eh bien je vous dirai mon motif: vous savez que mon plus grand d'efaut c’est la vanit'e et l’amour-propre: il fut un temps o`u j’ai cherch'e `a ^etre admis dans cette soci'et'e comme novice, je n’y suis pas parvenu; les portes aristocratiques se sont ferm'ees pour moi: et maintenant j’entre dans cette m^eme soci'et'e non plus en solliciteur, mais en homme qui a conquis ses droits; j’excite la curiosit'e; on me recherche, on m’engage partout, sans que je fasse mine de le d'esirer m^eme; les femmes qui tiennent `a avoir un salon remarquable veulent m’avoir, car je suis aussi un lion, oui, moi — votre Michel, bon garcon, auquel vous n’avez jamais cru une crini`ere. — Convenez que tout cela peut 'enivrer. Heureusement ma paresse naturelle prend le dessus; et peu `a peu je commence `a trouver tout cela par trop insupportable: mais cette nouvelle exp'erience m’a fait du bien, en ce qu’elle m’a donn'e des armes contre cette soci'et'e, et si jamais elle me poursuit de ses calomnies (ce qui arrivera) i’aurai du moins les moyens de me venger; car certainement nulle part il n’y a tant de bassesses et de ridicules. Je suis persuad'e que vous ne direz `a personne mes vanteries, car on me trouverait encore plus ridicule que qui que cela soit, et puis avec vous je parle comme avec ma conscience, et puis c’est si doux[32] de rire sous-cape des choses brigu'ees[33] et envi'ees par les sots, avec quelqu’un, on le sait, est toujours pr^et `a partager vos sentiments; c’est vous que je parle, ch`ere amie, je vous le r'ep`ete, car ce passage est tant soit peu obscur.

Mais vous m’'ecrirez n’est ce pas? — je suis s^ur que vous ne m’avez pas 'ecrit pour quelque raison grave? — ^etes-vous malade? у a-t-il quelqu’un de malade dans la famille? je le crains. On m’a dit quelque chose de semblable. Dans la semaine[34] prochaine j’attend votre r'eponse, qui j’esp`ere sera non moins longue que ma lettre, et certainement mieux 'ecrite, car je crains bien que vous ne sachiez d'echiffrer ce barbouillage.

Adieu, ch`ere amie, peut-^etre si dieu veut me r'ecompenser je parviendrai `a avoir un semestre, et alors je serai toujours s^ur d’une r'eponse telle-quelle.

Saluez de ma part tous ceux qui ne m’ont pas oubli'e. —

Tout `a vous

M. Lermontoff.

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