Об Иване Марковиче Куртыше (ум. 1911) см. т. 77, стр. 221.
Ответ на письмо Куртыша от 14 января 1908 г. Куртыш выражал сожаление, что несколько его писем, отправленных нелегальным путем, видимо не были получены Толстым. Для книг, которые он очень ждал, он не мог указать частного адресата и просил выслать их в адрес тюремной конторы. На конверте его письма помета Толстого: Ответ Н. Н. Гусева отпечатан в копировальной книге на том же листе.
* 25. Зимако (Zimaco).
Cher ami et fr`ere,
Je viens de recevoir votre lettre au sujet de la mienne `a Sienk'ewitch. Non seulement l’approbation, mais la compr'ehension des principes chr'etiens est tellement rare par le temps qui court que la reception de votre lettre a 'et'e une grande et rare joie pour moi.
Vous me demandez si je partage vos id'ees exprim'ees dans votre lettre et la brochure adress'ee `a Nicolas II1. Je tacherai de r'epondre le plus franchement et s'erieusement `a cette question.
Vos id'ees sur la propri'et'e, surtout sur l'odieuse propri'et'e de la terre, sur l'horreur du patriotisme — et2 des guerres et de la paix arm'ee qu’il engendre, me sont tr`es ch`eres, et j’ai fait pendant un quart de sic`ele tout ce que j’ai pu pour les populariser autant que possible.
Pour lutter contre la terrible superstition de la propri'et'e fonci`ere, j’ai 'ecrit au chef du gouvernement en lui proposant le beau r^ole de se mettre `a la t^ete de cette restitution `a la grande majorit'e du peuple de ses droits les plus sacr'es.3 Je reit`ere encore `a pr'esent les m^eme d'emarches.4 Except'e ces d'emarches aupr`es du gouvernement, je suis heureux de dire que je poss`ede beaucoup d’amis, dont le nombre augmente de jour en jour, qui envisagent la terre comme quelque chose qui ne peut pas ^etre un objet de propri'et'e. Il y en a entre eux plusieurs qui, 'etant propri'etaires fonciers, ce sont d'edits de ce qu’ou envisageait соmmе leur droit.
Pour ce qui est du militarisme, je suis heureux de dire, que tous les jours je recois des lettres de mes amis inconnus, des vrais chr'etiens, qui souffrent les emprisonnements et la mis`ere de leurs familles pour leur refus du service militaire. Aujourd’hui encore le meme courrier qui m’apporta vorte lettre m’en remit deux: l’une d’un jeune soldat qui est en prison depuis deux ans, qui m’'ecrit qu’il se sent heureux et content;5 et l’autre de Bulgarie, de la part des amis de quatre jeunes gens, qui souffrent la m^eme chose de la part de leur gouvernement.6
De sorte, que pour ce qui regarde vos principes fondamentaux et les r'esultats auxquels vous tendez, je coincide compl`etement avec vous. Je crois pouvoir dire m^eme que quelques minimes que soient les r'esultats obtenus par les personnes qui tachent de suivre les principes chr'etiens dans toute leur parl'ee ampleur, ces r'esultats sont plus grands que ceux auquels jusqu’apr'esent sont arriv'es les communistes anarchistes.
Cela m’amene au fond de la question et `a la seule diff'erence d’opinion qui existe entre nous.
Vous dites que le probl`eme social est avant tout un probl`eme 'economique. Je ne le pense pas. Le probl`eme social, comme vous le dites, ou l’avenement du royaume de Dieu, comme vous l’entendez et comme je l’entends, est beaucoup plus vaste. Le problеme 'economique n’est qu’une toute petite partie de l’arc du cercle. Il y a les rapports des sexes, l’'education des enfants, la mani`ere d’agir envers les assaillants, les fous, les animaux et une quantit'e d’actions personnelles et de rapports entre les hommes qui n’entrent pas dans le probl`eme 'economique et qui sont les plus importants pour l’humanit'e. Tous ces probl`emes ne se solvent pas par la solution du probl`eme 'economique. La solution de ces probl`emes et de tous ceux qui peuvent se poser devant l’homme, n’est pas dans les lois 'economique mais dans le domaine spirituel. Leur solution est celle que donne l’ap^otre Jean dans ses 'ep^itres. La solution est dans la r'ev'elation de l’amour. Je dis «r'ev'elation» parce que je crois que l’amour n’est pas une prescription, mais une loi int'erieure de la vie de l’homme; que l’amour est le seul moyen pour l’homme d’atteindre au bonheur, auquel il tend naturellement. Cette loi a 'et'e r'ev'el'e non seulement par la chr'etient'e, mais par tous les sages du monde: Egyptiens, Chinois, Indiens, Grecs etc. Mais elle n’a pas 'et'e accept'ee et comprise que par une toute petite minorit'e. L’histoire de l’humanit'e n’est pas autre chose que la r'ealisation progressive de cette loi, l’acceptation de cette loi, le remplacement de l’ego"isme par l’amour, non pas pour r'ecompenser d’autre tombe, mais pour le vrai bonheur de cette vie.
Voil`a, mon cher ami et fr`ere, mon credo avec lequel j’ai v'ecu la plus heureuse derni`ere partie de ma vie, et avec lequel j’attend `a chaque moment la mort sans la d'esirer et sans pouvoir la craindre.