Figurez vous, que ce n’est que hier j’ai reçu votre lettre e celle de Dmitri du 14 Avril et écrites encore de Koursk.1
Ré pondre à toutes les lettres que je reçois est devenu pour moi une habitude et répondre aux votres c. à d. penser à vous, causer avec vous est pour moi l’un des plus grands plaisirs. Comme je v-s ai écris, je crois dans ma dernière lettre, je suis pour le moment à Bucharest et y mène une vie tranquille et agréable. Je vais vous parler donc du passé — de mes souvenirs de Silistrie. J’y ai vu tant de choses intéressantes, poétiques et touchantes que le tems que j’y ai passé ne s’effacera jamais de ma mémoire. Notre camp était disposé de l’autre côté du Danube c. à d. sur sa rive droite, sur un terrain très élevé au milieu de superbes jardins apartenant à Moustafa-Pacha, le gouverneur de Silistrie. La vue de cet endroi est non seulement magnifique; mais pour nous tous du plus grand intérêt. Sans parler du Danube, de ses iles et de ses rivages, les uns occupés par nous les autres par les Turcs, on voyait la ville, la forteresse et les petits forts de Silistrie comme sur la main. On entendait les coups de canons et de fusils, qui ne cessaient ni jour ni nuits et avec une lunette d’aproche on pouvait distinguer les soldats Turcs. Il est vrai que c’est un drôle de plaisir que de voir des gens s’entretuer et cependant tous les soirs et matins je me mettais sur ma