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Je dois ajouter que, pour nombre d'entre eux, je n'étais pas un inconnu. Certains avaient lu de mes livres (le plus souvent c'était le Voyage au Congo) et comme, à la suite de mon discours sur la Place Rouge à l'occasion des funérailles de Gorki, tous les journaux avaient publié mon portrait, ils m'avaient aussitôt reconnu et se montraient extrêmement sensibles à l'attention que je leur portais; mais pas plus que je ne l'étais moi-même aux témoignages de leur sympathie. Bientôt une grande discussion s'engagea. Jef Last, qui comprend fort bien le russe et le parle, nous expliqua que les petits jeux introduits par moi leur paraissaient charmants, mais qu'ils se demandaient s'il était bien séant qu'André Gide lui-même s'en amusât. Jef Last dut arguer que ce petit divertissement servait à lui reposer les méninges. Car un vrai Komsomol, toujours tendu vers le service, juge tout d'après son utilité. Oh! sans pédanterie, du reste, et cette discussion même, coupée de rires, était un jeu. Mais, comme l'air respirable manquait un peu dans leur wagon, nous invitâmes une dizaine d'entre eux à passer dans le nôtre, où la soirée se prolongea dans des chants et même des danses populaires que la dimension du salon permettait. Cette soirée restera pour mes compagnons et pour moi l'un des meilleurs souvenirs du voyage. Et nous doutions si dans quelque autre pays on peut connaître une aussi brusque et naturelle cordialité, si dans aucun autre pays la jeunesse est aussi charmante 4.

J'ai dit que je m'intéressais moins aux paysages... J'aurais voulu raconter pourtant les admirables forêts du Caucase, celle à l'entrée de la Kakhétie, celle des environs de Batoum, celle surtout de Bakouriani au-dessus de Borjom; je n'en connaissais pas, je n'en imagine pas, de plus belles: aucun bois taillis n'y cache les fûts des grands arbres; forêts coupées de clairières mystérieuses où le soir tombe avant la fin du jour, et l'on imagine le petit Poucet s'y perdant. Nous avions traversé cette forêt merveilleuse en nous rendant à un lac de montagne et l'on nous fit l'honneur de nous affirmer que jamais aucun étranger encore n'y était venu. Point n'était besoin de cela pour me le faire trouver admirable. Sur ses bords sans arbres, un étrange petit village (Tabatzkouri) enseveli neuf mois de l'année sous la neige et que j'aurais pris plaisir à décrire... Ah! que n'étais-je venu simplement en touriste! ou en naturaliste ravi de découvrir là-bas quantité de plantes nouvelles, de reconnaître sur les hauts plateaux la «scabieuse du Caucase» de mon jardin... Mais ce n'est point là ce que je suis venu chercher en U.R.S.S.. Ce qui m'y importe c'est l'homme, les hommes, et ce qu'on en peut faire, et ce qu'on en a fait. La forêt qui m'y attire, affreusement touffue et où je me perds, c'est celle des questions sociales. En U.R.S.S. elles vous sollicitent, et vous pressent, et vous oppressent de toutes parts.


II


De Léningrad j'ai peu vu les quartiers nouveaux. Ce que j'admire en Léningrad, c'est Saint-Pétersbourg. Je ne connais pas de ville plus belle; pas de plus harmonieuses fiançailles de la pierre, du métal 5 et de l'eau. On la dirait rêvée par Pouchkine ou par Baudelaire. Parfois, aussi elle rappelle des peintures de Chirico. Les monuments y sont de proportions parfaites, comme les thèmes dans une symphonie de Mozart. «Là tout n'est qu'ordre et beauté». L'esprit s'y meut avec aisance et joie.

Je ne suis guère en humeur de parler du prodigieux musée de l'Ermitage; tout ce que j'en pourrais dire me paraîtrait insuffisant. Pourtant, je voudrais louer en passant le zèle intelligent qui, chaque fois qu'il se pouvait, groupe autour d'un tableau tout ce qui, du même maître, peut nous instruire: études, esquisses, croquis, ce qui explique la lente formation de l'oeuvre.

En revenant de Léningrad, la disgrâce de Moscou frappe plus encore. Même elle exerce son action opprimante et déprimante sur l'esprit. Les bâtiments, à quelques rares exceptions près, sont laids (pas seulement les plus modernes), et ne tiennent aucun compte les uns des autres. Je sais bien que Moscou se transforme de mois en mois; c'est une ville en formation; tout l'atteste et l'on y respire partout le devenir. Mais je crains qu'on ne soit mal parti. On taille, on défonce, on sape, on supprime, l'on reconstruit, et tout cela comme au hasard. Et Moscou reste, malgré sa laideur, une ville attachante entre toutes: elle vit puissamment. Cessons de regarder les maisons: ce qui m'intéresse ici, c'est la foule.

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