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Avec non moins d’assurance, je répondais à Mattia, lorsque je n’avais rien à lui répondre :

– Cela est ainsi, parce que cela doit être ainsi ; c’est une loi.

Mattia n’était pas d’un caractère à s’insurger contre une loi, seulement il avait une façon de me regarder en ouvrant la bouche et en écarquillant les yeux, qui ne me rendait pas du tout fier de moi.

Il y avait trois jours que nous avions quitté Varses, lorsqu’il me posa précisément une question de ce genre : au lieu de répondre à son pourquoi : « Je ne sais pas », je répondis noblement : « Parce que cela est ».

Alors il parut préoccupé, et de toute la journée je ne pus pas lui tirer une parole, ce qui avec lui était bien extraordinaire, car il était toujours disposé à bavarder et à rire.

Je le pressai si bien qu’il finit par parler.

– Certainement, dit-il, tu es un bon professeur, et je crois bien que personne ne m’aurait enseigné comme toi ce que j’ai appris ; cependant… Il s’arrêta.

– Quoi cependant ?

– Cependant, il y a peut-être des choses que tu ne sais pas ; cela arrive aux plus savants, n’est-ce pas ? Ainsi, quand tu me réponds : « Cela est, parce que cela est », il y aurait peut-être d’autres raisons à donner que tu ne donnes pas parce qu’on ne te les a pas données à toi-même. Alors, raisonnant de cette façon, je me suis dit que si tu voulais, nous pourrions peut-être acheter, oh ! pas cher, un livre où se trouveraient les principes de la musique.

– Cela est juste.

– N’est-ce pas ? Je pensais bien que cela te paraîtrait juste, car enfin tu ne peux pas savoir tout ce qu’il y a dans les livres, puisque tu n’as pas appris dans les livres.

– Un bon maître vaut mieux que le meilleur livre.

– Ce que tu dis là m’amène à te parler de quelque chose encore : si tu voulais, j’irais demander une leçon à un vrai maître, une seule, et alors il faudrait bien qu’il me dise tout ce que je ne sais pas.

– Pourquoi n’as-tu pas pris cette leçon auprès d’un vrai maître pendant que tu étais seul ?

– Parce que les vrais maîtres se font payer et je n’aurais pas voulu prendre le prix de cette leçon sur ton argent.

J’étais blessé que Mattia me parlât ainsi d’un vrai maître, mais ma sotte vanité ne tint pas contre ces derniers mots.

– Tu es un trop bon garçon, lui dis-je, mon argent est ton argent, puisque tu le gagnes comme moi, mieux que moi, bien souvent ; tu prendras autant de leçons que tu voudras, et je les prendrai avec toi.

Puis j’ajoutai bravement cet aveu de mon ignorance :

– Comme cela je pourrai, moi aussi, apprendre ce que je ne sais pas.

Le maître, le vrai maître qu’il nous fallait, ce n’était pas un ménétrier de village, mais un artiste, un grand artiste, comme on en trouve seulement dans les villes importantes. La carte me disait qu’avant d’arriver à Clermont, la ville la plus importante qui se trouvait sur notre route était Mende. Mende était-elle vraiment une ville importante, c’était ce que je ne savais pas, mais comme le caractère dans lequel son nom était écrit sur la carte lui donnait cette importance, je ne pouvais que croire ma carte.

Il fut donc décidé que ce serait à Mende que nous ferions la grosse dépense d’une leçon de musique ; car bien que nos recettes fussent plus que médiocres dans ces tristes montagnes de la Lozère, où les villages sont rares et pauvres, je ne voulais pas retarder davantage la joie de Mattia.

Après avoir traversé dans toute son étendue le causse Méjean, qui est bien le pays le plus désolé et le plus misérable du monde, sans bois, sans eaux, sans cultures, sans villages, sans habitants, sans rien de ce qui est la vie, mais avec d’immenses et mornes solitudes qui ne peuvent avoir de charmes que pour ceux qui les parcourent rapidement en voiture, nous arrivâmes enfin à Mende.

Comme il était nuit depuis quelques heures déjà, nous ne pouvions aller ce soir-là même prendre notre leçon ; d’ailleurs nous étions morts de fatigue.

Cependant Mattia était si pressé de savoir si Mende, qui ne lui avait nullement paru la ville importante dont je lui avais parlé, possédait un maître de musique, que tout en soupant je demandai à la maîtresse de l’auberge où nous étions descendus, s’il y avait dans la ville un bon musicien qui donnât des leçons de musique.

Elle nous répondit qu’elle était bien surprise de notre question ; nous ne connaissions donc pas M. Espinassous ?

– Nous venons de loin, dis-je.

– De bien loin, alors ?

– De l’Italie, répondit Mattia.

Alors son étonnement se dissipa, et elle parut admettre que, venant de si loin, nous pussions ne pas connaître M. Espinassous, mais bien certainement si nous étions venus seulement de Lyon ou de Marseille, elle n’aurait pas continué de répondre à des gens assez mal éduqués pour n’avoir pas entendu parler de M. Espinassous.

– J’espère que nous sommes bien tombés, dis-je à Mattia en italien.

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