Читаем Sans famille полностью

Ah ! les belles vaches ! Il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les tailles, les unes grasses, les autres maigres, celles-ci avec leurs veaux, celles-là traînant à terre leur mamelle pleine de lait ; sur le champ de foire se trouvaient aussi des chevaux qui hennissaient, des juments qui léchaient leurs poulains, des porcs gras qui se creusaient des trous dans la terre, des cochons de lait qui hurlaient comme si on les écorchait vifs, des moutons, des poules, des oies ; mais que nous importait ! nous n’avions d’yeux que pour les vaches qui subissaient notre examen en clignant les paupières et en remuant lentement la mâchoire, ruminant placidement leur repas de la nuit, sans se douter qu’elles ne mangeraient plus l’herbe des pâturages où elles avaient été élevées.

Après une demi-heure de promenade, nous en avions trouvé dix-sept qui nous convenaient tout à fait, celle-ci pour telle qualité, celle-là pour telle autre, trois parce qu’elles étaient rousses, deux parce qu’elles étaient blanches ; ce qui bien entendu souleva une discussion entre Mattia et moi.

À sept heures nous trouvâmes le vétérinaire qui nous attendait et nous revînmes avec lui au champ do foire en lui expliquant de nouveau quelles qualités nous exigions dans la vache que nous allions acheter.

Elles se résumaient en deux mots : donner beaucoup de lait et manger peu.

– En voici une qui doit être bonne, dit Mattia en désignant une vache blanchâtre.

– Je crois que celle-là est meilleure, dis-je en montrant une rousse.

Le vétérinaire nous mit d’accord en ne s’arrêtant ni à l’une ni à l’autre, mais en allant à une troisième : c’était une petite vache aux jambes grêles, rouge de poil, avec les oreilles et les joues brunes, les yeux bordés de noir et un cercle blanchâtre autour du mufle.

– Voilà une vache du Rouergue qui est justement ce qu’il vous faut, dit-il.

Un paysan à l’air chétif la tenait par la longe ; ce fut à lui que le vétérinaire s’adressa pour savoir combien il voulait vendre sa vache.

– Trois cents francs.

Déjà cette petite vache alerte et fine, maligne de physionomie avait fait notre conquête, les bras nous tombèrent du corps.

Trois cents francs : ce n’était pas du tout notre affaire ; je fis un signe au vétérinaire pour lui dire que nous devions passer à une autre ; il m’en fit un pour me dire au contraire que nous devions persévérer.

Alors une discussion s’engagea entre lui et le paysan : il offrit 150 francs ; le paysan diminua 10 francs. Le vétérinaire monta à 170 ; le paysan descendit à 280.

Mais arrivées à ce point, les choses ne continuèrent pas ainsi, ce qui nous avait donné bonne espérance : au lieu d’offrir, le vétérinaire commença à examiner la vache en détail : elle avait les jambes faibles, le cou trop court, les cornes trop longues ; elle manquait de poumons, la mamelle n’était pas bien conformée.

Le paysan répondit que, puisque nous nous y connaissions si bien, il nous donnerait sa vache pour deux cent cinquante francs, afin quelle fût en bonnes mains.

Là-dessus la peur nous prit, nous imaginant tous deux que c’était une mauvaise vache.

– Allons-en voir d’autres, dis-je.

Sur ce mot le paysan faisant un effort, diminua de nouveau dix francs.

Enfin, de diminution en diminution il arriva à deux cent dix francs, mais il y resta.

D’un coup de coude le vétérinaire nous avait fait comprendre que tout ce qu’il disait n’était pas sérieux et que la vache, loin d’être mauvaise, était excellente ; mais deux cent dix francs, c’était une grosse somme pour nous.

Pendant ce temps Mattia tournant par derrière la vache lui avait arraché un long poil à la queue et la vache lui avait détaché un coup de pied.

Cela me décida.

– Va pour deux cent dix francs, dis-je, croyant tout fini.

Et j’étendis la main pour prendre la longe, mais le paysan ne me la céda pas.

– Et les épingles de la bourgeoise ? dit-il.

Une nouvelle discussion s’engagea et finalement nous tombâmes d’accord sur vingt sous d’épingles. Il nous restait donc trois francs.

De nouveau j’avançai la main, le paysan me la prit et me la serra fortement en ami.

Justement parce que j’étais un ami, je n’oublierais pas le vin de la fille.

Le vin de la fille nous coûta dix sous.

Pour la troisième fois je voulus prendre la longe, mais mon ami le paysan m’arrêta :

– Vous avez apporté un licou ? me dit-il, je vends la vache, je ne vends pas son licou.

Cependant comme nous étions amis il voulait bien me céder ce licou pour trente sous, ce n’était pas cher.

Il nous fallait un licou pour conduire notre vache, j’abandonnai les trente sous, calculant qu’il nous en resterait encore vingt.

Je comptai donc les deux cent treize francs et pour la quatrième fois j’étendis la main.

– Où donc est votre longe ? demanda le paysan, je vous ai vendu le licou, je vous ai pas vendu la longe.

La longe nous coûta vingt sous, nos vingt derniers sous.

Et lorsqu’ils furent payés la vache nous fut enfin livrée avec son licou et sa longe.

Перейти на страницу:

Похожие книги