Читаем Sans famille полностью

– Ah ! voilà. Barberin ne m’a jamais parlé de ça. Vous comprenez, il en faisait mystère ; il voulait que la récompense fût pour lui tout seul, comme de juste, et puis c’était un malin.

Hélas ! oui, je comprenais ; je ne comprenais que trop ce que la vieille femme venait de me dire : Barberin en mourant avait emporté le secret de ma naissance.

Je n’étais donc arrivé si près du but que pour le manquer. Ah ! mes beaux rêves ! mes espérances !

– Et vous ne connaissez personne à qui Barberin en aurait dit plus qu’à vous ? demandai-je à la vieille femme.

– Pas si bête, Barberin, de se confier à personne ; il était bien trop méfiant pour ça.

– Et vous n’avez jamais vu quelqu’un de ma famille venir le trouver ?

– Jamais.

– Des amis à lui, à qui il aurait parlé de ma famille ?

– Il n’avait pas d’amis.

Je me pris la tête à deux mains ; mais j’eus beau chercher, je ne trouvai rien pour me guider ; d’ailleurs j’étais si ému, si troublé, que j’étais incapable de suivre mes idées.

– Il a reçu une lettre une fois, dit la vieille femme après avoir longuement réfléchi, une lettre chargée.

– D’où venait-elle ?

– Je ne sais pas ; le facteur la lui a donnée à lui-même, je n’ai pas vu le timbre.

– On peut sans doute retrouver cette lettre ?

– Quand il a été mort, nous avons cherché dans ce qu’il avait laissé ici ; ah ! ce n’était pas par curiosité bien sûr, mais seulement pour avertir sa femme ; nous n’avons rien trouvé ; à l’hôpital non plus, on n’a trouvé dans ses vêtements aucun papier, et, s’il n’avait pas dit qu’il était de Chavanon, on n’aurait pas pu avertir sa femme.

– Mère Barberin est donc avertie ?

– Pardi !

Je restai assez longtemps sans trouver une parole. Que dire ? Que demander ? Ces gens m’avaient dit ce qu’ils savaient. Ils ne savaient rien. Et bien évidemment ils avaient tout fait pour apprendre ce que Barberin avait tenu à leur cacher.

Je remerciai et me dirigeai vers la porte.

– Et où allez-vous comme ça ? me demanda la vieille femme.

– Rejoindre mon ami.

– Ah ! vous avez un ami ?

– Mais oui.

– Il demeure à Paris ?

– Nous sommes arrivés à Paris ce matin.

– Eh bien, vous savez, si vous n’avez pas un hôtel, vous pouvez loger ici ; vous y serez bien, je peux m’en vanter, et dans une maison honnête ; faites attention que si votre famille vous cherche, fatiguée de ne pas avoir des nouvelles de Barberin, c’est ici qu’elle s’adressera et non ailleurs ; alors vous serez là pour la recevoir ; c’est un avantage, ça ; où vous trouverait-elle si vous n’étiez pas ici ? ce que j’en dis c’est dans votre intérêt : quel âge a-t-il votre ami ?

– Il est un peu plus jeune que moi.

– Pensez-donc ! deux jeunesses sur le pavé de Paris ; on peut faire de mauvaises connaissances ; il y a des hôtels qui sont mal fréquentés ; ce n’est pas comme ici, où l’on est tranquille ; mais c’est le quartier qui veut ça.

Je n’étais pas bien convaincu que le quartier fût favorable à la tranquillité ; en tous cas, l’hôtel du Cantal était une des plus sales et des plus misérables maisons qu’il fût possible de voir, et dans ma vie de voyages et d’aventures, j’en avais vu cependant de bien misérables ; mais la proposition de cette vieille femme était à considérer. D’ailleurs ce n’était pas le moment de me montrer difficile, et je n’avais pas ma famille, ma riche famille, pour aller loger avec elle dans les beaux hôtels du boulevard, ou dans sa belle maison, si elle habitait Paris. À l’hôtel du Cantal notre dépense ne serait pas trop grosse, et maintenant nous devions penser à la dépense. Ah ! comme Mattia avait eu raison de vouloir gagner de l’argent, dans notre voyage de Dreuzy à Paris ! que ferions-nous si nous n’avions pas dix-sept francs dans notre poche ?

– Combien nous louerez-vous une chambre pour mon ami et pour moi, demandai-je ?

– Dix sous par jour ; est-ce trop cher ?

– Eh bien, nous reviendrons ce soir, mon ami et moi.

– Rentrez de bonne heure, Paris est mauvais la nuit.

Avant de rentrer il fallait rejoindre Mattia et j’avais encore plusieurs heures devant moi, avant le moment fixé pour notre rendez-vous. Ne sachant que faire, je m’en allai tristement au Jardin des Plantes m’asseoir sur un banc, dans un coin isolé. J’avais les jambes brisées et l’esprit perdu.

Ma chute avait été si brusque, si inattendue, si rude ! J’épuiserais donc tous les malheurs les uns après les autres, et chaque fois que j’étendrais la main pour m’établir solidement dans une bonne position, la branche que j’espérais saisir casserait sous mes doigts pour me laisser tomber ; – et toujours ainsi.

N’était-ce point une fatalité que Barberin fut mort au moment où j’avais besoin de lui, et, que dans un esprit de gain il eût caché à tous le nom et l’adresse de la personne, – mon père sans doute, – qui lui avait donné mission de faire des recherches pour me retrouver.

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