Читаем Sans famille полностью

Pendant que Lise se jetait sur les genoux de son père, j’avais mis ma harpe sur mon épaule et je m’étais dirigé du côté de la porte.

— Où vas-tu ? me dit-il.

— Je pars.

— Tu tiens donc bien à ton métier de musicien ?

— Je n’en ai pas d’autre.

— Les grands chemins ne te font pas peur 7

— Je n’ai pas de maison.

— Cependant la nuit que tu viens de passer a dû te donner à réfléchir ?

— Bien certainement, j’aimerais mieux un bon lit et le coin du feu.

— Le veux-tu, le coin du feu et le bon lit, avec le travail bien entendu ? Si tu veux rester, tu travailleras, tu vivras avec nous. Tu comprends, n’est-ce pas, que ce n’est pas la fortune que je te propose, ni la fainéantise. Si tu acceptes, il y aura pour toi de la peine à prendre, du mal à te donner, il faudra se lever matin, piocher dur dans la journée, mouiller de sueur le pain que tu gagneras. Mais le pain sera assuré, tu ne seras plus exposé à coucher à la belle étoile comme la nuit dernière, et peut-être à mourir abandonné au coin d’une borne ou au fond d’un fossé ; le soir tu trouveras ton lit prêt et, en mangeant ta soupe, tu auras la satisfaction de l’avoir gagnée, ce qui la rend bonne, je t’assure. Et puis enfin si tu es un bon garçon, et j’ai dans l’idée quelque chose qui me dit que tu en es un, tu auras en nous une famille.

Lise s’était retournée, et à travers ses larmes elle me regardait en souriant.

Surpris par cette proposition, je restai un moment indécis, ne me rendant pas bien compte de ce que j’entendais.

Alors Lise, quittant son père, vint à moi, et, me prenant par la main, me conduisit devant une gravure enluminée qui était accrochée à la muraille ; cette gravure représentait un petit Saint-Jean vêtu d’une peau de mouton.

Du geste elle fit signe à son père et à ses frères de regarder la gravure, et en même temps, ramenant la main vers moi, elle lissa ma peau de mouton et montra mes cheveux qui, comme ceux de Saint-Jean, étaient séparés au milieu du front et tombaient sur mes épaules en frisant.

Je compris qu’elle trouvait que je ressemblais au Saint-Jean et sans trop savoir pourquoi cela me fit plaisir et en même temps me toucha doucement.

— C’est vrai, dit le père, qu’il ressemble au Saint-Jean.

Lise frappa des mains en riant.

— Eh bien, dit le père en revenant à sa proposition, cela te va-t-il mon garçon ?

Une famille !

J’aurais donc une famille ! Ah ! combien de fois déjà ce rêve tant caressé s’était-il évanoui : mère Barberin, madame Milligan, Vitalis, tous, les uns après les autres m’avaient manqué.

Je ne serais plus seul.

Ma position était affreuse : je venais de voir mourir un homme avec lequel je vivais depuis plusieurs années et qui avait été pour moi presque un père ; en même temps j’avais perdu mon compagnon, mon camarade, mon ami, mon bon et cher Capi que j’aimais tant et qui, lui aussi, m’avait pris en si grande amitié, et cependant quand le jardinier me proposa de rester chez lui un sentiment de confiance me raffermit le cœur.

Tout n’était donc pas fini pour moi : la vie pouvait recommencer.

Et ce qui me touchait, bien plus que le pain assuré dont on me parlait, c’était cet intérieur que je voyais si uni, cette vie de famille qu’on me promettait.

Ces garçons seraient mes frères.

Cette jolie petite Lise serait ma sœur.

Dans mes rêves enfantins j’avais plus d’une fois imaginé que je retrouverais mon père et ma mère, mais je n’avais jamais pensé à des frères et à des sœurs.

Et voilà qu’ils s’offraient à moi.

Ils ne l’étaient pas réellement, cela était vrai, de par la nature, mais ils pourraient le devenir de par l’amitié : pour cela il n’y avait qu’à les aimer (ce à quoi j’étais tout disposé), et à me faire aimer d’eux, ce qui ne devait pas être difficile, car ils paraissaient tous remplis de bonté.

Vivement je dépassai la bandoulière de ma harpe de dessus mon épaule.

— Voilà une réponse, dit le père en riant, et une bonne, on voit qu’elle est agréable pour toi. Accroche ton instrument à ce clou, mon garçon, et le jour où tu ne te trouveras pas bien avec nous, tu le reprendras pour t’envoler ; seulement tu auras soin de faire comme les hirondelles et les rossignols, tu choisiras ta saison pour te mettre en route.

La maison à la porte de laquelle nous étions venus nous abattre dépendait de la Glacière ; et le jardinier qui l’occupait se nommait Acquin. Au moment où l’on me reçut dans cette maison, la famille se composait de cinq personnes : le père qu’on appelait père Pierre ; deux garçons, Alexis et Benjamin, et deux filles, Étiennette, l’aînée, et Lise, la plus jeune des enfants.

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