Читаем Sans famille полностью

Un soir le père rentra plus accablé encore que de coutume.

— Les enfants, dit-il, c’est fini.

Je voulus sortir, car je compris qu’il allait se passer quelque chose de grave, et, comme il s’adressait à ses enfants, il me semblait que je ne devais pas écouter.

Mais d’un geste il me retint :

— N’es-tu pas de la famille, dit-il, et quoique tu ne sois pas bien âgé pour entendre ce que j’ai à te dire, tu as déjà été assez éprouvé par le malheur pour le comprendre : les enfants, je vas vous quitter.

Il n’y eut qu’une exclamation, qu’un cri de douleur. Lise sauta dans ses bras et l’embrassa en pleurant.

— Oh ! vous pensez bien que ce n’est pas volontairement qu’on abandonne des bons enfants comme vous, une chère petite comme Lise.

Et il la serra sur son cœur.

— Mais j’ai été condamné à payer et comme je n’ai pas l’argent, on va tout vendre ici, puis comme ce ne sera pas assez, on me mettra en prison, où je resterai cinq ans ; ne pouvant pas payer avec mon argent je payerai avec mon corps, avec ma liberté.

Nous nous mîmes tous à pleurer.

— Oui, c’est bien triste, dit-il, mais il n’y a pas à aller contre la loi, et c’est la loi ; il paraît qu’autrefois elle était encore plus dure, m’a dit mon avocat, et que quand un débiteur ne pouvait pas payer ses créanciers, ceux-ci avaient le droit de mettre son corps en morceaux et de se le partager en autant de parties qu’ils le voulaient ; moi on me met simplement en prison, et j’y serai sans doute dans quelques jours, j’y serai pour cinq ans. Que deviendrez-vous pendant ce temps-là ? Voilà le terrible.

Il se fit un silence ; je ne sais ce qu’il fut pour les autres enfants, mais pour moi il fut affreux.

— Vous pensez bien que je n’ai pas été sans réfléchir à cela ; et voilà ce que j’ai décidé pour ne pas vous laisser seuls et abandonnés après que j’aurai été arrêté.

Un peu d’espérance me revint.

— Rémi va écrire à ma sœur Catherine Suriol, à Dreuzy, dans la Nièvre ; il va lui expliquer la position et la prier de venir ; avec Catherine qui ne perd pas facilement la tête, et qui connaît les affaires, nous déciderons le meilleur.

C’était la première fois que j’écrivais une lettre, ce fut un pénible, un cruel début.

Bien que les paroles du père fussent vagues, elles contenaient pourtant une espérance, et dans la position où nous étions, c’était déjà beaucoup que d’espérer.

Quoi ?

Nous ne le voyions pas ; mais nous espérions ; Catherine allait arriver et c’était une femme qui connaissait les affaires ; cela suffisait à des enfants simples et ignorants tels que nous.

Pour ceux qui connaissent les affaires, il n’y a plus de difficultés en ce monde.

Cependant elle n’arriva pas aussi tôt que nous l’avions imaginé et les gardes du commerce, c’est-à-dire les gens qui arrêtent les débiteurs, arrivèrent avant elle.

Le père allait justement s’en aller chez un de ses amis, lorsqu’en sortant dans la rue, il les trouva devant lui ; je l’accompagnais, en une seconde nous fûmes entourés. Mais le père ne voulait pas se sauver, il pâlit comme s’il allait se trouver mal et demanda aux gardes d’une voix faible à embrasser ses enfants.

— Il ne faut pas vous désoler, mon brave, dit l’un d’eux, la prison pour dettes n’est pas si terrible que ça et on y trouve de bons garçons.

Nous rentrâmes à la maison, entourés des gardes du commerce.

J’allai chercher les garçons dans le jardin.

Quand nous revînmes, le père tenait dans ses bras Lise, qui pleurait à chaudes larmes.

Alors un des gardes lui parla à l’oreille, mais je n’entendis pas ce qu’il lui dit.

— Oui, répondit le père, vous avez raison, il le faut. Et se levant brusquement, il posa Lise à terre, mais elle se cramponna à lui, et ne voulut pas lâcher sa main.

Alors il embrassa Étiennette, Alexis et Benjamin.

Je me tenais dans un coin, les yeux obscurcis par les larmes, il m’appela :

— Et toi, Rémi, ne viens-tu pas m’embrasser, n’es-tu pas mon enfant ?

Nous étions éperdus.

— Restez là, dit le père d’un ton de commandement, je vous l’ordonne.

Et vivement il sortit après avoir mis la main de Lise dans celle d’Étiennette.

J’aurais voulu le suivre, et je me dirigeai vers la porte, mais Étiennette me fit signe de m’arrêter.

Où aurais-je été ? Qu’aurais-je fait ?

Nous restâmes anéantis au milieu de notre cuisine ; nous pleurions tous et personne d’entre nous ne trouvait un mot à dire.

Quel mot ?

Nous savions bien que cette arrestation devait se faire un jour ou l’autre, mais nous avions cru qu’alors Catherine serait là, et Catherine c’était la défense.

Mais Catherine n’était pas là.

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