On ne cesse de rep'eter que l’on veut rendre au Commerce toute sa splendeur, `a nos manufactures toute leur activit'e» que c’est le seul moyen de r'etablir nos finances que six ann'ees de guerre ont an'eanties, de rendre le num'eraire `a la circulation, de rouvrir toute les sources du bonheur public, de faire enfin disparoitre et oublier tous nos maux en ramenant les francais `a leur industrie naturelle par toute les ressources qui peuvent encore porter n^otre commerce au plus haut degr'e de gloire.
Que faut-il pour remplir ce but? protection, tranquillit'e et s^uret'e, ces moyens sont dans la main du gouvernement, favoriser les villes de manufacture, non par des privil`eges, elles n’en r'eclament pas, eloigner d’elles tout ce qui pourroit y amener l’oisivet'e, le libertinage ou la dissipation, veiller sur le prix des denr'ees de premi`ere n'ec'essit'e, coiter avec soin tout ce qui peut contribuer `a le faire augmenter, assurer par une bonne police l’ordre et la tranquillit'e dans l’int'erieur, empocher s'ev`erement, l’exportation de nos mati`eres premi`eres, encourager l’importation de celles 'etrang`eres, faire de bons trait'es de commerce avec les puissances `a qui nous donnons la paix; l`a se bornent toutes les pr'etentions du Commerce `a la sollicitude du Gouvernement.
Les manufactures employent des ouvriers des deux sexes avec le m^eme avantage; les hommes se livrent aux travaux qui exigent de la force et aux grandes op'erations de commerce, les femmes sont utiles aux ouvrages plus minutieux, le luxe des modes pour l’'etranger, des broderies, des habillements leur est presque enti`erement confi'e; les hommes recoivent un salaire plus consid'erable, mais il faut n'eanmoins aux uns et aux autres les moyens de subsistance pour eux et leur famille l’excessive chert'e des denr'ees augmente n'ecessairement la main d’oeuvre, et cette augmentation, jointe aux prix tr`es 'elev'e des mati`eres premi`eres, nuit dans beaucoup d’objets de notre industrie `a la concurrence que nous avons int'er^et de maintenir avec l’'etranger.
Sous ces rapports les troupes ne doivent pas ^etre en nombre dans les villes de Commerce et de Manufactures; cette augmentation passag`ere d’habitans donne aux denr'ees un surhaussement de prix qui se communique de suite `a la main d’oeuvre et qui subsiste longtems m^eme apr`es leur 'eloignement, ce premier inconv'enient bien senti, par les gouvernements avoit fait placer les troupes toujours loin des villes de manufactures, le gouvernement anglais en usa toujours ainsi pour Manchester etc., les troupes ne s'ejournoient jamais `a Lyon, cette disposition politique avoit encore une autre cause.
Les soldats, quelque disciplin'es qu’ils soient, r'epandus dans les villes cherchent `a se d'elasser de la fatigue des camps, s’ils ont d'efendu nos fronti`eres avec ardeur, s’ils ont 'etendu nos conqu^etes au p'eril de leurs vies, il est ass'ez naturel de croire que dans l’int'erieur ils cherchent toutes les compensations, toutes les jouissances dont ils ont 'et'e priv'es: pour se procurer ces jouissances, ils se choisissent des compagnons de plaisir, soit parmi les ouvriers, soit avec les ouvri`eres qui trouvent aussi dans ces amusements une vie plus douce que celle d’^etre tout le jour attach'e `a un m'etier, `a une broderie, etc., les moeurs se corrompent, la licence remplace la vie laborieuse; viennent `a sa suite les rixes, les insurrections, et souvent les plus grands d'esordres, enfants de l’oisivet'e, de l`a les ateliers sont abandonn'es, les manufactures languissent, le manufacturier voit ses esp'erances s’'evanouir, ses fonds sont en souffrance, les commissions prises de l’'etranger sont retard'ees, les foires, ces temps pr'ecieux pour les ventes, sont manqu'ees le commissionnaire frustr'e des b'en'efices qu’il attendoit retire ses ordres, et en derni`ere analyse la balance du commerce tourne au d'etriment de la France voil`a pour toutes les villes de manufactures en g'en'eral, qu’il soit permis d’ajouter quelque chose de particulier pour Lyon, la ville sans contredit la plus int'eressante pour le tr'esor public par ses nombreuses manufactures par son immense population, et par sa pr'epond'erance dans la balance du commerce avec l’'etranger.
Les malheurs de Lyon sont assez connus, les manufactures d'elapid'ees, les chefs fuyant ou p'erissants sur les 'echafauds, les ouvriers cherchant une terre hospitali`ere qui leur donne du pain et du travail, portants `a l’'etranger l’industrie qui n’auroit jamais abandann'e notre sol sans les horreurs qui s’y sont commises, les capitalistes enterrans le num'eraire qui a pu leur rester apr`es les ravages du papier monoye dans la crainte qu’il ne leur soit enlev'e.