Le gouvernement Anglais n’a pu voir ces établissements de sang froid; avec le commerce exclusif en Europe des cotons filés et de leurs tissus, l’Angleterre gagne annuellement de sommes énormes et soutire tout l’argent du continent, qui sert ensuite à corrompre les ministres des diverses puissances et à entretenir la guerre et la discorde; ensorte qu’en dernier résultat c’est nous qui fournissons une partie des subsides qu’elle accorde aux puissances qui nous font la guerre;
Il est donc urgent de faire cesser un ordre de chose aussi ruineux, et la mesure que prendra l’empereur des français, ne peut être ni trop prompte, ni trop forte; car le mal est à son comble. —
Beaucoup de chefs d’ateliers, espérant que par une prohibition absolue, les fils et tissus étrangers ne pourroient faire concurence aux leurs, avoient augmenté le nombre de leurs métiers; à Paris, à Rouen, les ateliers ne s’occupoient que de la construction des nouvelles machines pour la filature, et dans les départements, plusieurs établissements dans ce genre s’étoient formé, oû étoient prêts à l’être, lorsque tout à coup ce genre d’industrie s’est trouvé frappé d’une paralysie totale.
Dans le Midy, dans le Département de la Drôme entre autre, les filatures de coton commençaient à s’y propager, au point que dans la seule ville de Crest — dont la population excède tout au plus quatre mille âmes, plus de cinq cents individus etoienl occupés à ce genre d’industrie. Messieurs Daly et C° y avoient même formé un établissement de tissures en toiles de coton composé de cinquante métiers, mais ne pouvant soutenir la concurrence étrangère ils se sont vu forcés de l’abandonner;
Ces filatures alimentoient les fabriques de Montpellier qui offroient un double avantage à la France; par leurs teintures en ronge qui comsommoient les huiles, et d’avancer d’autres productions de notre sol;
Les tissus et les filés en couleurs de ces deux villes s’exportaient dans les iles et en Espagne, débouchés entièrement perdus pour nous, l’Espagne en a entièrement prohibé l’entrée et la consommation de nos colonies est réduite à peu de chose;
Remarquons, néanmoins, que l’Angleterre ne cesse d’introduire ses filés et tissus en coton dans le Portugal et de là en Espagne, ensorte que bientôt nos toiles de Flandre et de Voyron y auront très peu de consommation par la preferance qu’on y accorde aux kalicots et perkales anglaises pour chemises et autres;
Les fabriques de Lyon et de Nîsmes emploient beaucoup de coton filé, mélangés avec de la soie; et font ainsi des étofes qui ont cours dans le nord de l’Europe; mais les filés anglaises s’y présentent encore en concurence, et les bas prix leurs obtient la préférence;
C’est cotons filés audessous du N 60 quoique prohibés, ne parviennent pas moins, on ne sait comment, dans le cœur de la France; sans doute à la faveur de ceux qui sont d’une finisse supérieure et toujours par une maneuvre coupable;
L’arrété de S. M. l’Empereur de jour complémentaire an 13, en augmentant les droits d’entrée sur les fils et tissus en coton, ne remédiera pas au mal que font aux nôtres ceux venant de l’Angleterre, pareeque les primes que le gouvernement anglais accorde au commerce sur les exportations, et les gros bénéfices qu’il fait sur tout ce qu’il tire de i’Inde, lui permettront de baisser les prix de ces objets au point de les livrer au dessous de ceux de nos fabriques:
Craint-on qu’une prohibitions totale prive nos fabriques d’indiennes des toiles necéssaires pour leurs consomations? on ne le pense pas; des miliers de métiers sont prêts à se monter; pour peu que la consomation de leurs tissus soit assurée à Nîsmes, à Montpellier et à Avignon, on est sûr que plus de trois mille ouvriers qui ne font rien, se livruiroient à ce genre d’industrie, auqueis ils sont si familliers est qui est si facile à enseigner que dans 40 à 45 jours ils pourroient dresser la même quantité d’apprenifs; sans compter que l’emploi de la navette volante pour les tissus de grandes largeurs, réduit le nombre des tisseurs de moitié; sans compter encore que les filés, provenant de nouvelles machines, ont plus de prix et l’ouvrier fait un tiers de plus d’ouvrage;
Ainsi l’on peut affirmer que les fabriques de France seroient bientôt à même de fournir les quantités des tissus nécessaires à celles d’indiennes et même an delà;
Ajoutons à toutes ces considérations que non seulement la France s’allegeroit d’un tribut enorme envers son ennemi implacable en cessant d’importer ses fils et tissus en coton, mais même l’on verroit bientôt d’autres états imiter son exemple et appauvrir d’autant cette puissance ambitieuse et jalouse qui ne cesse de méditer la ruine des autres états pour s’emparer du commerce du monde;