Читаем Citadelle полностью

«Tu entendras, me dit mon père, leur rumeur ce soir sous les tentes et leurs reproches de cruauté. Mais les tentatives de rébellion, je les leur rentrerai dans la gorge: je forge l'homme.» Je devinais pourtant la bonté de mon père: «Je veux qu'ils aiment, achevait-il, les eaux vives des fontaines. Et la surface unie de l'orge verte recousue sur les craquelures de l'été. Je veux qu'ils glorifient le retour des saisons. Je veux qu'ils se nourrissent, pareils à des fruits qui s'achèvent, de silence et de lenteur. Je veux qu'ils pleurent longtemps leurs deuils et qu'ils honorent longtemps les morts, car l'héritage passe lentement d'une génération à l'autre et je ne veux pas qu'ils perdent leur miel sur le chemin. Je veux qu'ils soient semblables à la branche de l'olivier. Celle qui attend. Alors commencera de se faire sentir en eux le grand balancement de Dieu qui vient comme un souffle essayer l'arbre. Il les conduit puis les ramène de l'aube à la nuit, de l'été à l'hiver, des moissons qui lèvent aux moissons engrangées, de la jeunesse à la vieillesse, puis de la vieillesse aux enfants nouveaux.

«Car ainsi que de l'arbre, tu ne sais rien de l'homme si tu l'étalés dans sa durée et le distribues dans ses différences. L'arbre n'est point semence, puis tige, puis tronc flexible, puis bois mort. Il ne faut point le diviser pour le connaître. L'arbre, c'est cette puissance qui lentement épouse le ciel. Ainsi de toi, mon petit d'homme. Dieu te fait naître, te fait grandir, te remplit successivement de désirs, de regrets, de joies et de souffrances, de colères et de pardons, puis Il te rentre en Lui. Cependant, tu n'es ni cet écolier, ni Cet époux, ni cet enfant, ni ce vieillard. Tu es celui qui s'accomplit. Et si tu sais te découvrir branche balancée, bien accrochée à l'olivier, tu goûteras dans tes mouvements l'éternité. Et tout autour de toi se fera éternel. Éternelle la fontaine qui chante et a su abreuver tes pères, éternelle la lumière des yeux quand te sourira la bien-aimée, éternelle la fraîcheur des nuits.

Le temps n'est plus un sablier qui use son sable, mais un moissonneur qui noue sa gerbe.»


II

Ainsi, du sommet de la tour la plus haute de la citadelle, j'ai découvert que ni la souffrance ni la mort dans le sein de Dieu, ni le deuil même n'étaient à plaindre. Car le disparu si l'on vénère sa mémoire est plus présent et plus puissant que le vivant. Et j'ai compris l'angoisse des hommes et j'ai plaint les hommes.

Et j'ai décidé de les guérir.

J'ai pitié de celui-là seul qui se réveille dans la grande nuit patriarcale, se croyant abrité sous les étoiles de Dieu, et qui sent tout à coup le voyage.

J'interdis que l'on interroge, sachant qu'il n'est jamais de réponse qui désaltère. Celui qui interroge, ce qu'il cherche d'abord c'est l'abîme.


Je condamne l'inquiétude qui pousse les voleurs au crime, ayant appris à lire en eux et sachant ne point les sauver si je les sauve de leur misère. Car s'ils croient convoiter l'or d'autrui ils se trompent. Mais l'or brille comme une étoile. Cet amour qui s'ignore soi-même ne s'adresse qu'à une lumière qu'ils ne captureront jamais. Ils vont de reflet en reflet, dérobant des biens inutiles, comme le fou qui pour se saisir de la lune qui s'y reflète puiserait l'eau noire des fontaines. Ils vont et jettent au feu court des orgies la cendre vaine qu'ils ont dérobée. Puis ils reprennent leurs stations nocturnes, pâles comme au seuil d'un rendez-vous, immobiles de peur d'effrayer, s'imaginant qu'ici réside ce qui peut-être un jour les comblera.

Celui-là, si je le libère, demeurera fidèle à son culte et mes hommes d'armes écrasant les branches le surprendront demain encore dans les jardins d'autrui, plein du battement de son cœur et croyant sentir vers lui, cette nuit-là, la fortune fléchir.

Et certes je les couvre d'abord de mon amour, leur connaissant plus de ferveur qu'aux vertueux dans leurs boutiques. Mais je suis bâtisseur de cités. J'ai décidé d'asseoir ici les assises de ma citadelle. J'ai contenu la caravane en marche. Elle n'était que graine dans le lit du vent. Le vent charrie comme un parfum la semence du cèdre. Moi je résiste au vent et j'enterre la semence, en vue d'épanouir les cèdres pour la gloire de Dieu.

Il faut que l'amour trouve son objet. Je sauve celui-là seul qui aime ce qui est et que l'on peut rassasier.

C'est pourquoi également j'enferme la femme dans le mariage et ordonne de lapider l'épouse adultère. Et certes je comprends sa soif et combien grande est la présence dont elle se réclame. Je sais la lire, qui s'accoude sur la terrasse, quand le soir permet les miracles, fermée de toutes parts par la haute mer de l'horizon, et livrée, comme à un bourreau solitaire, au supplice d'être tendre.

Перейти на страницу:

Похожие книги

Айза
Айза

Опаленный солнцем негостеприимный остров Лансароте был домом для многих поколений отчаянных моряков из семьи Пердомо, пока на свет не появилась Айза, наделенная даром укрощать животных, призывать рыб, усмирять боль и утешать умерших. Ее таинственная сила стала для жителей острова благословением, а поразительная красота — проклятием.Спасая честь Айзы, ее брат убивает сына самого влиятельного человека на острове. Ослепленный горем отец жаждет крови, и семья Пердомо спасается бегством. Им предстоит пересечь океан и обрести новую родину в Венесуэле, в бескрайних степях-льянос.Однако Айзу по-прежнему преследует злой рок, из-за нее вновь гибнут люди, и семья вновь вынуждена бежать.«Айза» — очередная книга цикла «Океан», непредсказуемого и завораживающего, как сама морская стихия. История семьи Пердомо, рассказанная одним из самых популярных в мире испаноязычных авторов, уже покорила сердца миллионов. Теперь омытый штормами мир Альберто Васкеса-Фигероа открывается и для российского читателя.

Альберто Васкес-Фигероа

Проза / Современная русская и зарубежная проза / Современная проза