Si nous faisions la part des grandes lectures que nous devons à l’Ecole, à la Critique, à toutes formes de publicité, ou, au contraire, à l’ami, à l’amant, au camarade de classe, voire même à la famille – quand elle ne range pas les livres dans le placard de l’éducation – le résultat serait clair : ce que nous avons lu de plus beau, c’est le plus souvent à un être cher que nous le devons. Et c’est à un être cher que nous en parlerons d’abord. Peut-être, justement, parce que le propre du sentiment, comme du désir de lire, consiste à
Quand un être cher nous donne un livre à lire, c’est lui que nous cherchons d’abord dans les lignes, ses goûts, les raisons qui l’ont poussé à nous flanquer ce bouquin entre les mains, les signes d’une fraternité. Puis, le texte nous emporte et nous oublions celui qui nous y a plongé ; c’est toute la puissance d’une œuvre, justement, que de balayer aussi cette contingence-là !
Pourtant, les années passant, il arrive que l’évocation du texte rappelle le souvenir de l’autre ; certains titres redeviennent alors des visages.
Et, pour être tout à fait juste, pas toujours le visage d’un être aimé, mais celui ( oh ! rarement ) de tel critique, ou de tel professeur.
Ainsi de Pierre Dumayet, de son regard, de sa voix, de ses silences, qui, dans le
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Dans la biographie qu’il consacre au poète Georges Perros, Jean-Marie Gibal cite cette phrase d’une étudiante de Rennes où Perros enseignait :
«
Quinze ans plus tard, la merveilleuse émerveillée en parle encore. Le sourire baissé sur sa tasse de café, elle réfléchit, rappelle lentement les souvenirs à elle, puis :