Parmi ceux «qui ne lisent pas», les mieux avisés sauront apprendre, comme nous, à
Restent les autres élèves.
Ceux qui ne lisent pas et que terrorisent très tôt les radiations du
Ceux qui se croient bêtes…
A jamais privés de livres…
A jamais sans réponses…
Et bientôt sans questions.
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Faisons un rêve.
C'est l'épreuve dite de
Sujet de la leçon:
La jeune candidate est assise à son pupitre, très au-dessous des six membres du jury figés là-haut, sur leur estrade. Pour ajouter à la solennité de la chose, disons que cela se passe dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Une odeur de siècles et de bois sacré. Le silence profond du savoir.
Un maigre public de parents et d'amis égaillés sur les gradins entend son cœur unique rythmer la peur de la jeune fille. Toutes images vues de bas en haut, et la jeune fille bien au fond, écrasée par la terreur de ce qui lui reste d'ignorance.
Craquements légers, toussotements étouffés: c'est l'éternité d'avant l'épreuve.
La main tremblante de la jeune fille dispose ses notes, devant elle; elle ouvre sa partition de savoir:
Le président du jury (c'est un rêve, donnons à ce président une toge sang-de-bœuf, un grand âge, des épaules d'hermine et une perruque-cocker pour accentuer ses rides de granit), le président du jury, donc, se penche sur sa droite, soulève la perruque de son collègue et lui murmure deux mots à l'oreille. L'assesseur (plus jeune, la maturité rosé et savante, même toge, même coiffure) opine gravement. Il fait passer à son voisin tandis que le président murmure sur sa gauche. L'acquiescement se propage jusqu'aux deux bouts de la table.
– Mademoiselle…
La jeune fille ne veut pas entendre le président. Elle cherche, elle cherche le plan de sa leçon, envolé dans le tourbillon de son savoir.
– Mademoiselle…
Elle cherche et ne trouve pas.
– Mademoiselle, je vous en prie…
Est-ce la main du président qui vient de se poser sur son bras? (Et depuis quand les présidents des jurys d'agrégation posent-ils la main sur le bras des candidates?) Est-ce l'enfantine supplication, tellement inattendue dans cette voix? Est-ce le fait que les assesseurs commencent à s'agiter sur leurs chaises (car chacun a apporté sa chaise et tous sont assis autour d'elle)… La jeune fille lève enfin les yeux:
– Mademoiselle, je vous en prie, laissez tomber les registres de la conscience…
Le président et ses assesseurs ont retiré leurs perruques. Ils ont des cheveux follets d'enfants très jeunes, des yeux grands ouverts, une impatience d'affamés:
– Mademoiselle… Racontez-nous
– Non! non! racontez-nous plutôt votre roman préféré!
– Oui,
– Et puis vous nous donnerez envie de relire
– Donnez-nous envie de lire, mademoiselle!
– Envie vraiment!
– Racontez-nous
– Lisez-nous