On vous a trompé en vous disant que je suis party pour trois mois: des affaires assez impertinentes m'ont tiré si tost, et je viens de quitter cette place pour aller voir quelques amis plus loin, purement pour le rétablissement be ma sauté. Croyez-moy s'il у a chose croyable au monde que je pense tout se que pouvez souhaiter de moy, et que tous vos désires seront toujours obéi, comme de commandemens qu'il sera impossible de violer. Je prétends de mettre cette lettre dans une ville de Poste où je passeray. J'iray en peu de tems visiter un Seigneur, mais je ne scay encore le nom de sa Maison ni du pais où il demeure. Je vous comjure de prendre guarde de votre santé. J'espère que vous passerez quelque part de cet été dans votre maison de campagne, et que vous vous promeneray à cheval autant que vous pouvez. Vous aurez vos vers à revoir, quand j'auray mes pensées et mon terns libre, la Muse viendra, Faites mes complimens à la méchante votre compagnone, qui aime les sontes et le Latin. J'espère que vos affaires de chicane sont en un bon train. Je vous fais des complimens sur votre perfection dans la langue Françoise. Il faut vous connoître long temps pour connoître toutes vos perfections; toujours en vous voyant et entendant il en paroissent des nouvelles qui estoient auparavant cachées. II est honteux pour moy de ne savoir que le Gascon, et le patois au près de vous. II n'y a rien à redire dans I'orthographie, la propriété, I'élégance, la douceur et l'esprit, et que je suis sot moy, de vous répondre en même langage; vous qui estes incapable d'aucune sottise si ce n'est l'estime qu'il vous plaist d'avoir pour moy, car il n'y a point de mérite, ni aucune preuve de mon bon goût de trouver en vous tout ce que la Nature a donné à un mortel, je veux dire l'honneur, la vertue, le bon sens, l'esprit, la douceur, l'agrément, et la firmité d'âme, mais en vous cachant commes vous faites, le monde ne vous connoît pas, et vous perdez l'éloge des millions de gens. Depuis que j'avois l'honneur de vous connoître j'ay toujours remarqué que ni en conversation particulière, ni générale aucun mot a échappè de votre bouche, qui pouvoit être mieux exprimé; et je vous jure qu'en faisant souvent la plus sévère Critique, je ne pouvois jamais trouver aucun défaut ni en vos Actions ni en vos parolles. La Coquetrie, l'affectation, la pruderie, sont des imperfections que vous n'avais jamais connu. Et avec tout cela, croyez-vous qu'il est possible de ne vous estimer au-dessus du reste du genre humain. Quelles bestes en juppes sont les plus excellentes de celles que je vois semées dans le monde au près de vous; en les voyant, en les entendant je dis cent fois le jour — ne parle, ne regarde, ne pense, ne fais rien comme ces misérables. Sont-ce du même Sexe — du même espèce de Créatures? Quelle cruauté de faire mépriser autant de gens qui sans songer de vous, seroient assès supportable. — Mais il est terns de vous délasser, et dire adieu avec touts le respecte, la sincérité et l'estime du monde, je suis et seray toujours —