L’ovale seґve`re et allongeґ,La robe noire eґvaseґe... JeuneGrand-me`re! De qui, les baisersSur vos le`vres arrogantes?Les mains jouaient des valsesDe Chopin, dans les salles du palais...Les boucles en spiralesEntouraient le visage de glace.Le regard sombre, tendu, exigeant,Un regard sur la deґfensive.De jeunes femmes n’ont pas ce regard-la`.Jeune grand-me`re, qui e tes-vous?Jeune polonaise de vingt ans! —Combien de choses reґaliseґesAvez-vous emporteґes et combien d’impossiblesDans le gouffre inassouvi de la terre?Le vent eґtait frais, le jour innocent,Les eґtoiles noires venaient de s’eґteindre.— Grand-me`re! — Cette violente reґvolteDans mon cur — est-ce de vous que je la tiens?Je veux le demander au miroir:Ou` donc tout n’est-il que brouillard,Sommeil brumeux —Ou` votre chemin,Ou` votre refuge?Je vois: les mats d’un bateau,Et vous sur le pont... Vous —Dans la fumeґe des trains... Des champsPris dans la plainte du soir.Les champs le soir sous la roseґe,Et au-dessus — des corbeaux...— Je vous beґnis et vous laisseLibre comme l’air.— Il me plat que vous ne soyez pas fou de moi,Il me plat de ne pas e tre folle de vous,Et que jamais le lourd globe terrestreNe fuie au-dessous de nos pieds.Il me plat de pouvoir e tre ridicule —Troubleґe — et de ne pas jouer sur les mots,Et de ne pas souffrir d’une faiblesse eґtouffanteLorsque nos deux manches se frolent.Il me plat aussi que devant moiTranquillement vous enlaciez une autre,Et que vous ne me souhaitiez pas les feuxDe l’enfer parce que moi j’en embrasse un autre.Que vous ne prononciez pas mon nom, si tendre,Vous, mon tendre ami, matin et soir — a` la leґge`re...Que jamais, dans le silence de l eґglise,On ne chante, par-dessus nos te tes: Alleґluia!Je vous remercie de tout mon cur, et de mes mainsDe tant m’aimer — sans le savoir vous-me me! —Et pour la tranquilliteґ de mes nuits,Pour la rareteґ des rencontres aux heures du soir,Pour les promenades au clair de luneQue nous n’avons pas faites, et pour le soleil,Qui ne brille pas au-dessus de nous — etJe vous remercie de ne pas e tre — heґlas! — fou de moi,Et de ne pas e tre — heґlas! — folle de vous!Le navire ne naviguera pas toujoursEt le chant du rossignol...J’ai si souvent voulu vivreEt si souvent — mourir!Fatigueґe de la loterie, commeDans mon enfance, — je quitterai le jeu,Heureuse de ne pas croireQu’il y a d’autres mondes.Avec une grande tendresse — car,Biento t, je vais tout laisser —Je pense a` celui qui porteraCette veste de loup,A celui — qui se preґlassera sous ce plaid,Avec cette fine canne a` te te de leґvrier,A celui — qui portera mon braceletD’argent orneґ de turquoises...A tous ces papiers, a` toutes ces fleursQue je ne peux pas — conserver...Ma dernie`re rime — et toi,Ma dernie`re nuit.Je n’ai pas communieґ, je n’ai pas suivi la Loi.Jusqu’a` la fin, et la messe dernie`re, je peґcherai —Comme aujourd’hui je pe`che, comme hier j’ai peґcheґ,Avec passion! De tous les sens que Dieu m’a donneґs!Amis! Complices! Vous qui m’exhortez a` la flamme!Vous, accuseґs comme moi! Vous deґlicats professeurs!Filles et jeunes gens, arbres, eґtoiles, nueґes, Terre —Au jugement dernier, tous devant Dieu nous passerons.Il n’y a pas, dans ce mauditVolume, de tentationPour une femme. — Ars amandi,Pour une femme — toute la terre.Le cur — des philtres d’amour,Le philtre — le plus su r. — Une femme,De`s son berceau est un peґcheґ mortel,Pour l’un ou pour l’autre.Le ciel est loin! Les le`vresSont proches, dans la brume...— Dieu, ne juge pas! Tu n’eґtais pasUne femme, sur terre!Je connais la veґriteґ! Assez des veґriteґs anciennes!L’homme sur terre ne doit pas contrer l’homme!Voyez: le soir, voyez: deґja` presque la nuit!Et quoi encore: des poe`tes, des amants, des capitaines?Deґja` — le vent s’eґpuise, deґja` — la roseґe sur la terre,Biento t — deґja` — la neige durcira dans le ciel eґtoileґ,Et — biento t — tous, sous terre nous dormirons: car,Sur terre, tous, nous nous empe chions de dormir.Une fleur eґpingleґe a` la poitrine.Je ne sais deґja` plus qui l’a eґpingleґe.Inassouvie, ma soif de passion,De tristesse et de mort.Par le violoncelle et par les portesQui grincent, par les verres qui tintentEt le cliquetis des Des trains du soir,Par le coup de fusil de chasseEt par le grelot des troїkas —Vous m’appelez, vous m’appelez,Vous — que je n’aime pas!Mais il est encore une joie:J’attends celui qui, le premier,Me comprendra, comme il le faut —Et tirera a` bout portant.J’ai ouvert le coffret de meґtal,J’ai pris ce cadeau — des larmes:Un anneau avec une perle superbe,Avec une superbe perle.Je suis sortie sur le seuil, un vrai chat,J’ai exposeґ mon visage au vent.Les vents — qui soufflent, les oiseaux — qui volent,Les cygnes — a` gauche, a` droite — les corbeaux,Nos chemins — par des co teґs diffeґrents.Tu t’eґloigneras — avec les premiers nuages, avec l’orage,Et ton chemin — dans l’eґpaisse fore t, sur les sables bru lants.Ton a me — s’eґpuisera,Tes yeux — pleureront.Mais au-dessus de moi — la chouette criera.Mais au-dessus de moi — l’herbe bruissera.Nous n’avons jamais eґteґ ensemble: c’est douxPour moi. — Personne ainsi n’a rien repris.Je vous embrasse, par-dela` les centainesDes verstes qui nous seґparent.Je sais: nos dons sont dissemblables.Ma voix, pour la premie`re foix, est basse.Que vous importe, jeune Derjavine,Mon vers mal eґleveґ! —Pour le terrible vol, je te salue:— Vole, jeune aigle, vole! —Tu supportes le soleil dans les yeux, —Mon jeune regard est-il si lourd?Personne ne vous regardait partirPlus tendrement, plus deґfinitivement...Je vous embrasse, par-dela` les centainesDes verstes qui nous seґparent.Tu le`ves la te te trop haut —Un orgueilleux, un menteur.C’est, pour moi, en ce feґvrier,Un joyeux compagnon!Nous faisons sonner l’argent, nousFaisons lentement des ronds de fumeґe,Nous marchons dans notre ville nataleComme de solennels eґtrangers.Quelles mains soigneuses ont toucheґTes cils, cette beauteґ, — quand, etComment, et qui, celles, nombreuses,Qui ont embrasseґ ta bouche — ,Je ne le demande pas. Mon esprit avideMatrise ce re ve. En toi,J’honore un enfantDivin de dix ans.Arre tons-nous pre`s de la rivie`re qui rinceLe collier multicolore des lanternes.J’irai avec toi jusqu’a` la placeQui a vu des tzars adolescents...Siffle pour eґvacuer le mal des jeunesGarc ons, et serre ton cur dans ta paume...— Mon affranchi impassibleEt violent — Pardon.D’ou` vient cette tendresse?Ce ne sont pas les premie`resBoucles — que je lisse — etJ’ai connu des le`vres plus sombres.Les eґtoiles s’allument et s’eґteignent,— D’ou` vient cette tendresse? —Des yeux s’allument et s’eґteignent,Tout pre`s de mes yeux.J’ai entendu des chantsAutres, dans la nuit noire,— D’ou` vient cette tendresse? —Sur la poitrine me me du chanteur.D’ou` vient cette tendresse? —Et qu’en faire, adolescentMalicieux, chanteur vagabond,Aux cils — les plus longs.