a` Anna AkhmatovaEt grand ouverts, grand ouverts — les bras,Les deux en croix.Et renverseґe! Va, pieґtine-moi, l’eґquestre!Que mon esprit, jailli des co tes, monte — vers Toi,CreґatureDe femme non terrestre!Pas la Muse, non, pas la Muse,Qui donc, au-dessus de mon pauvre landauMe berc ait de chansons,Par la main — qui donc me conduisait?Pas la Muse. Qui donc reґchauffaitMes mains froides, mes paupie`res bru lantesQui les rafrachissait?Qui deґgageait les me`ches de mon front? — Pas la Muse,Qui m’emmenait a` travers les grands champs? — Pas la Muse.Pas la Muse, nulle tresse noire, nul bijou,Nulle fable — deux ailes cha tain clair: voila` tout.Courtes — surplombant chaque sourcil aileґ.Torse harnacheґ.Panache.Lui n’a pas veilleґ sur mes le`vres,Ni beґni mon sommeil.Ni pleureґ avec moiSur ma poupeґe briseґe.Tous mes oiseaux — pour la partanceIl les la chait — puis — l’eґperon nerveux,Sur son cheval rouge — entre les monts bleusDe la deґba cle fracassante.— Oh! les pompiers! Partout c a hurle!Lueur du feu — partout c a hurle!— Oh! les pompiers! L’a me qui bru le!Pas la maison, qui bru le?La cloche d’alarme hulule.Vas-y, balance-le, ton bulbe,O cloche d’alarme! PullulentLes flammes! L’a me bru le!Dansant des ravages du beau,Aux gerbes rouges des flambeauxJ’applaudis — je bondis — rugis,De moi l’eґclair — jaillit.Qui m’a tireґe d’ou` c a crache et gronde?Quel aigle m’a ravie? — Je m’y perds.J’ai sur moi une chemise — longue —Avec un rang de perles.Clameur du feu, cliquetis de vitres...Sur chaque visage, au lieu d’orbites —Deux brasiers luisent! — les lits s’eґplument!On bru le! On bru le! On bru le!Craque donc, milleґnaire bahut!Crame, toi — magot, masseґ, reclus!Ma maison: souveraine au-dessus.Que souhaiter de plus?Oh! les pompiers! — Que le feu redouble!Fronts peintureґs d’or, tous — au fourneau!Incendie: oh! tiens debout, debout!Que croulent les poteaux!Soudain quoi — a crouleґ — si soudain!Un poteau? — Pas crouleґ!Vers le ciel — fol appel de deux mains —Et le cri: Ma poupeґe!Qui — me suivant — galope, deґvale,Me jetant un il-juge?Qui — me suivant — roule d’un chevalRouge — a` la maison rouge?Un cri. De ceux qui passent le murDu cri. La foudre, et lui:Brandit la poupeґe comme une armure,Droit comme l’Incendie.Tsar dresseґ parmi les feux fugaces,Et son front se laboure.— Je te l’ai sauveґe, — a` preґsent: casse!Et libe`re l’Amour!Soudain quoi — a crouleґ? Pas le monde,Non! Lui n’a pas crouleґ!Mais deux mains — suivant — l’eґquestre, montentD’une enfant — sans — poupeґe.Cruelle lune — aux volets s’ache`ve.Voila` mon premier ra ve.Enlaceґs rudement.Plus bas: bruit du torrent.Monte a` nos pieds leґgersDe l’eґcume envoleґe.Enlaceґs sans murmure:Les colonnes d’eґcume!Je suis tous ses harems,Il est tous mes emble`mes.Brusque entrelacs d’eґpaules:Flanc contre flanc, et paumes...A nos pieds deґchausseґsL’eґcume vient mousser.— Du pont... Chiche! Et sur l’heure!Que j’y lance une fleur...Il voit — et — simplementD’un bond — dans le torrent!Est-ce le pont, ou bien moi — qui tremble?Sang ou vague — en eґmoi?Glaceґe, je regarde — sans comprendreMa vie — qui se noie.Qui soudain — d’un grand geste de capeMe jeta — vers les cieux?Qui soudain — rutilant, fit qu’eґclateFlamme rouge — en feu bleu?!L’eґclat. Du gouffre triomphe un son:Lui, d’un saut — souplementSoule`ve le corps comme un poissonDroit comme le Torrent.Tsar dresseґ parmi les flots pointus,Et son front se laboure.— Je te l’ai sauveґ, — a` preґsent: tue!Et libe`re l’Amour!Soudain quoi — s’est rueґ? Pas la trombe,Non! Nulle intempeґrie!Mais deux mains — suivant — l’eґquestre, montentD’une — sans — son ami!Noir mareґcage — aux volets s’ache`ve.Voila` mon nouveau re ve.Nuit pourchassante — et pas d’autre voie:Le sang durcit.Fils! Creґation de ma hanche, toi, —Guide, conduis!Brave, en avant! — L’Esprit des MontagnesEst un, nous — deux.Seuls l’aigle ici et l’aurore gagnent.Nous — parmi eux.L’ouragan! — Les dieux repartiront,L’aigle en a peur...Plus haut, l’aneґ! — Ces hauts lieux serontNotre hauteur!Rongeant la poussiе`re d’ici-bas,J’enfante un fils —Et la Foudre Divine s’abat:L’aigle l’a pris!C’est a` pic et nu et noir la`-haut!Ses petits bras: deux barres.Qui donc, sinon Zeus dans son berceau —Tient l’aigle? Nul deґpart!Rire. En reґponse — ailes en furie,Griffes — perceuses: raides.Qui me suivant — et d’eґclairs fit fuir —Le tonnerre de l’aigle?!Ra le. Un rugissement deґtoneґA pourfendu les monts.Lui l’a leveґ comme un Premier-neґ,Droit comme l’Invasion.Tsar dresseґ parmi l’onde des nues,Et son front se laboure.Je te l’ai sauveґ, — a` preґsent: tue!Et libe`re l’Amour.Soudain quoi — a craqueґ? Le cur durD’un bois sec: nullement!Mais deux mains — suivant l’eґquestre — d’uneFemme — sans — son enfant!Cruelle aurore — aux volets s’ache`ve.C’est mon troisie`me re ve.Feґvrier. Deґformeґs, les chemins.Folle neige — aux champs.Balayeґs, tordus — les grands cheminsPar l’artel des vents.Tantot cretes que le galop couche,Et tantot — l’abrupt,A talonner l’Equestre-Le-Rouge,Ma route a son but.Tantot la`! A porteґe de la main!Taquin: — touche, va!Bras absurdement tendus; devientNeige — le cheval.Me`ches du panache dans les yeux?Ou saule, au virage?Eh! les marieurs! — Ni une, ni deux...Vents: au balayage!Balayez, amassez les obstacles —Plus haut que les rocs,Que son cheval au sabot d’attaque,Cloueґ la` — se bloque.Les vents eґcoutent — que plainte cre`ve,Et leur plainte cre`ve.Il court sa course rouge sans treve,Mon eґquestre reve.Me`ches d’ailerons qui s’emballaient?Ou saule, au virage?Tenez — haut, tenez — haut les balais!Vents: rage! A l’ouvrage!Que voila`? Quelle butte carreґeEmerge du sol?Comme si la tempete cabraitD’un coup cent coupoles.Chasse couronneґe: enfin, la pause.Deґja` mon front capteLe feu des fers, deґja` dans ma paumeLe bord de la cape!En renfort, avec glaive et tonnerre,Le Tsar — Guerroyant!Mais le cheval se rue et — tonnerreDans l’autel grondant.J’avance et trane, telle une meute,La troupe des vents.Les voutes ne figent pas l’eґmeuteDes sabots sonnants.Messe d’un mort — rond grondement monte —Neige qui vrombit:Le trone est renverseґ! — Vide! MondeSous terre — terni!Geignez, geignez, murmurez — les murs!Toi, neige, chahute!L’eґcume du cheval rend obscureL’aura des chasubles.Titube une coupole. Oh! croulez,Gloire et force et foi!Et mon corps s’eґcroule, eґcarteleґ —Les deux bras en croix.Immense lutte d’arcs-en-ciel: toutLustre aura claqueґ.Accepte-moi, toi — si pur, si doux,Pour nous, crucifieґ.A ta main vengeresse, on est lieґs?Accepte le feu!D’en haut: mais, qui sont le cavalier,Le cheval, — les deux?L’armure est sur lui — soleil qui brille!...— Vol abrupt! Volons! —La cheval — droit sur ma poitrine —Plante son talon.Cape de feu — aux volets s’ache`ve.Galop de feu — treve!Ni neige vrombissante,Ni balayage — balai.Ni panache emballeґ, —Saule, au virage.Ses me`ches grises balayeґesDeґmarche balanceґe, — sans bec d’aigleD’outre-nue, mais le nez fourreґDans l’eґpais nuage d’un chaudron, —Une bonne femme —Elle a dans les mains —Un chiffon.Verre a` l’envers sur bouteille pas finieOn laisse — on y reviendra.— En quoi est-ce mon reve? Et le reve dit:Ton Ange ne t’aime pas.Premier tonnerre sur le crane — ou coup durSur le crane?! — Gens! Hola`!Front rongeant l’oreiller sec: ce coup de dire:Le premier: Ne t’aime pas!N’aime pas! — Tresses de femme: nul besoin!N’aime pas! — De bijoux rouges: nul besoin!N’aime pas! — Mais sur le cheval — sauterai!N’aime pas! — Sauterai — au ciel!O esprit de mes pe`res, secouez vos chanes!Vacillez, pins seґculaires!Eole! O esprit de mes pe`res, mes me`chesDoreґes, brouille-les! De l’air!Sur le cheval blanc, au devant des guerriersAllons, — sous la foudre des fers argenteґs!Voyons, voyons comment se bat cet altierSur le Cheval-Dit-Le-Rouge!De bon augure: le ciel s’abat!L’aube ensanglante mon casque!Soldats! Jusqu’au ciel — encore un pas:Le grain crot sous la caillasse!En avant — par dessus le fosseґ! — Tombeґs? — Un rang.Au suivant — par dessus le fosseґ! — Tombeґs? — EncoreAu suivant — par dessus le fosseґ! — Le glaceґ blancDes cuirasses, qui sait: sang? Aurore?Soldats! — Quel ennemi — enfoncer?Dans mon sein un frisson chauffe.Peґne`tre, peґne`tre, eґpeґe d’acier,Un rayon — sous mon sein gauche.Murmureґ: tu es comme je t’ai voulue!Rumineґ: tu es comme je t’ai eґlue,Enfant de ma passion — sur — fre`re — futureSur le glacier — des armures!A nul autre — jusqu’a` la fin des temps! Mienne!Moi, les bras leve`s: Lumie`re!— Tu resteras, a` nul autre seras, — non?Moi, pressant sur ma plaie: Non.Pas la Muse, non, pas la Muse,Ni l’usure des liensParentaux, — ni tes filets,O Amitieґ! — Pas une main de femme, —une feґroce —A serreґ sur moi le nud —— En force.Terrible alliance. — Moi, coucheґe dans le noirDu fosseґ — Le Lever est si clair —!Oh! qui m’a fixeґ ces deux ailes sans poidsA l’eґpaule —Derrie`re?Teґmoin muetDes tempetes vivantes —Coucheґe dans l’ornie`re,Je lorgneLes ombres.Tant queVers l’azurNe m’emportera pasSur le cheval rouge —Mon Geґnie!