Читаем Et si s'etait vrai... полностью

Il contourna la voiture et ouvrit la portière arrière gauche. L'odeur de vieux cuir emplit ses narines. Il s'installa sur la banquette, ferma la porte, puis ses yeux, et se souvint d'un soir d'hiver, devant Macy's à Union Square. Il vit l'homme à l'imperméable, celui qu'il avait failli abattre d'un coup de fusil intergalactique et qui fut sauvé in extremis par la tendre naïveté de sa mère : elle s'était interposée dans son axe de tir. Le désintégrateur atomique maquillé en allume-cigare devait certainement être encore chargé. Il eut une pensée pour ce père Noël de 1965, coincé avec son train électrique dans les tuyaux du chauffage central.

Il lui semblait entendre le bruit du moteur ron-ronner, il ouvrit la fenêtre, y passa la tête et sentit ses cheveux partir en arrière soulevés par le vent qui soufflait dans ses souvenirs, il mit sa main au-dehors, bras à moitié tendu, et joua avec elle puisqu'elle était devenue un avion, il l'inclina pour modifier sa prise à l'air, la sentant tantôt s'élever vers le toit du garage, tantôt faire un piqué.

Lorsqu'il rouvrit les yeux il vit un petit mot accroché sur le volant.

«Arthur, si tu veux la faire démarrer, tu trouveras un chargeur de batterie sur l'étagère de droite.

Donne deux coups d'accélérateur avant de mettre le contact pour faire venir l'essence. Ne t'étonne pas si elle part au quart de tour, c'est une Ford 1961, et c'est normal. Pour regonfler les pneus, le compresseur est dans sa boîte, sous le chargeur. Je t'embrasse. Antoine. »

Il sortit de la voiture, referma la portière et se dirigea vers l'étagère, c'est là dans un coin du garage qu'il vit la barque. Il s'en approcha, la caressa du bout des doigts. Sous la banquette en bois il trouva une palangrotte, la sienne, le fil vert embobiné autour de la plaque de liège qui se terminait par un hameçon rouillé. L'émotion le saisit et il dut se plier sur ses genoux. Il se redressa, prit le chargeur, ouvrit le capot de la vieille Ford, brancha les cosses et mit la batterie en charge. En quittant le garage il ouvrit en grand les portes coulissantes.

George avait ouvert son carnet et prenait des notes. Il ne quittait pas son suspect des yeux. Il le vit préparer la table sous la tonnelle, s'installer, déjeuner, puis débarrasser son couvert. Il fit une pause sandwich lorsque Arthur s'assoupit sur les coussins, à l'ombre du patio. Il le suivit lorsqu'il se rendit de nouveau au garage, entendit le bruit du compresseur et plus nettement celui du V6 se mettre en marche après deux toussotements. Il salua du regard la voiture lorsqu'elle descendit près du porche, décida de rompre sa veille et se rendit au village glaner quelques informations sur cet étrange personnage. Vers vingt heures il rejoignit sa chambre et téléphona à Nathalia.

- Alors, dit-elle, où en es-tu ?

- Nulle part. Rien d'anormal. Enfin presque. Il est seul, il fait des tas de trucs toute la journée, il astique, il bricole, il fait des pauses déjeuner et dîner. J'ai interrogé les commerçants. La maison appartenait à sa mère, décédée depuis des années.

La baraque a été habitée par le jardinier jusqu'à sa mort. Tu vois, ça ne me fait pas vraiment avancer.

Il a le droit de rouvrir la maison de sa mère quand ça lui chante.

- Alors pourquoi presque ?

- Parce qu'il a des attitudes bizarres, il parle tout seul, il se comporte à table comme s'ils étaient deux, parfois il reste face à la mer avec le bras en l'air pendant dix minutes. Hier soir il s'est enlacé tout seul sous le patio.

- Comment ça ?

- Comme s'il roulait une pelle langoureuse à une nana, sauf qu'il était tout seul !

- Il revit peut-être ses souvenirs à sa façon ?

- Il y a beaucoup de peut-être chez mon can-didat !

- Tu y crois toujours à cette piste ?

- Je ne sais pas, ma belle, mais en tout cas il y a quelque chose d'étrange dans son comportement.

- Quoi donc ?

- Il est incroyablement calme pour un coupable.

- Donc, tu y crois toujours.

- Je me donne encore deux jours et je rentre.

Demain je vais faire une incursion à terrain découvert.

- Fais attention à toi !

Il raccrocha, songeur.

Arthur caressait le clavier du long piano du bout des doigts. Bien que l'instrument n'eût plus ses harmonies d'antan, il s'était mis à retravailler le clair de lune de Werther, évitant quelques notes devenues trop discordantes. C'était le morceau préféré de Lili. Tout en jouant il s'adressa à Lauren qui s'était assise sur le rebord de la fenêtre, comme elle aimait à le faire : une jambe allongée sur le rebord, l'autre repliée au-dedans, le dos collé contre le mur.

- Demain j'irai faire des courses en ville, je fer-merai la maison avant. Nous n'avons presque plus rien.

- Arthur, tu comptes renoncer à toute ta vie pendant combien de temps ?

- C'est obligatoire d'avoir cette discussion maintenant ?

- Je vais rester dans cet état pendant peut-être des années et je me demande si tu réalises dans quoi tu t'es engagé. Tu as ton travail, tes amis, des responsabilités, ton monde.

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