Vous êtes impatients, non pas de m’entendre, mais d’en finir. Le socialisme, depuis vingt ans, agite le peuple. Le socialisme a fait la Révolution de février: vos querelles parlementaires n’auraient pas ébranlé les masses. Le socialisme a figuré dans tous les actes de la révolution: au 17 mars, au 16 avril, au 15 mai. Le socialisme siégeait au Luxembourg, pendant que la politique se traitait à l’Hôtel-de-Ville. Les ateliers nationaux ont été la caricature du socialisme, mais, comme ils n’ont pas été de son fait, ils ne l’ont pas déshonoré: C’est le socialisme qui a servi de bannière à la dernière insurrection; ceux qui l’ont préparée et ceux qui l’exploitent avaient besoin, pour entraîner l’ouvrier, de cette grande cause.
C’est avec le socialisme que vous voulez en finir, en le forçant de s’expliquer à cette tribune. Moi aussi, je veux en finir. Et puisque vous m’avez garanti la liberté de la parole, il ne tiendra pas à moi que nous en finissions avec le socialisme, ou avec autre chose. (Rumeurs prolongées.)
J’avais écouté avec l’attention qu’elles méritaient les observations du comité des finances sur la proposition que j’ai eu l’honneur de vous soumettre. J’ai lu depuis, avec toute la diligence dont je suis capable, le rapport que vous avez entendu, mercredi dernier: et je déclare, qu’après cette lecture, je me crois plus fondé que jamais à insister sur l’adoption de mon projet. (…)
Pour moi, je suis de ceux qui prennent au sérieux cette révolution, et qui ont juré d’en poursuivre l’accomplissement. Vous m’excuserez donc, citoyens, si, pour expliquer ma proposition, je reprends les choses d’un peu haut; je serai d’ailleurs, dans ces prolégomènes, extrêmement bref.
En 93, si la mémoire ne me trompe, au moment des plus grands dangers de la République, un impôt du tiers fut frappé sur le revenu. Je ne vous dirai point comment fut établi cet impôt, comment il fut recueilli, ce qu’il rendit. Ce que je veux vous faire remarquer, et qui seul importe en ce moment, c’est qu’en 95, la propriété paya sa dette à la Révolution. A cette époque, où il s’agissait d’être ou de n’être pas, la propriété, chose rare, fit un sacrifice au salut public; ce souvenir lui est resté comme un des plus atroces de ces jours mémorables.
Depuis lors, depuis 56 ans, la propriété, je veux dire le revenu net, n’a contribué en rien à la chose publique. L’impôt, établi sur le principe de la proportionnalité, la seule base possible, a pesé constamment, de tout son poids, sur le travail; le travail seul, je le répète à dessein, afin que l’on me contredise, le travail seul paie l’impôt, comme il produit seul la richesse.
La Révolution de 1848 est arrivée. Ses dangers, ses angoisses, pour être d’une nature toute différente, ne sont pas moindres que ceux de 93: il s’agit donc de savoir si la propriété, si le revenu net, en tant qu’il se spécialise et se sépare du produit brut, veut faire, pour cette Révolution, quelque chose ! En 93, la Révolution combattait contre le despotisme et contre l’étranger; en 1848, la Révolution a pour ennemis le paupérisme, la division du peuple en deux catégories, ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. L’objet de la Révolution de février s’est formulé tour à tour de différentes manières: extinction du paupérisme, organisation du travail, accord du travail et du capital, émancipation du prolétariat; tout récemment Droit au travail ou garantie du travail. Celle formule du droit au travail ou de la garantie du travail, est celle que vous avez adoptée dans votre projet de constitution, articles 2,7 et 152, et que vous maintiendrez, je n’en doute pas. (Bruit.) (…) »
Pierre-Joseph Proudhon – Пьер-Жозеф Прудон (1809–1865), французский политический философ, политический деятель и экономист, идеолог анархизма. После Февральской революции 1848 г. недолгое время был членом французского парламента. Признан одним из наиболее влиятельных теоретиков анархизма.
« Journées de Juin » – восстание парижских рабочих 22-26 июня 1848 г., спровоцированное закрытием «национальных мастерских», организованных в марте 1848 г. государством c целью предоставить оплачиваемую государством работу безработным парижанам.
Adolphe Thiers – Луи Адольф Тьер (1797–1877), крупный французский политический деятель и знаменитый историк романтической школы периода Реставрации, автор многотомных трудов по истории Французской революции, Консульства и Империи. В годы Июльской монархии (1830–1848) неоднократно занимал различные министерские посты, дважды становился премьер-министром Франции. Один из «отцов-основателей» Третьей республики во Франции, ее первый президент.
Révolution