Je parti du port de St Marie le premier de février dernier pour venir à Badajox. En y arrivant je fus trouver Monsieur le Marquis de Bay pour lequel j’avois une lettre de recommendation du Marquis de Resbourg que j’avois receu [=reçu] pendant mon séjour à Cadiz, sur ce témoignage Monsieur le Marquis de Bey entre autres choses me dit qu’il ne douta nullement que je ne fus bon François, et porté de rendre service à Mon Prince et au roi Philippe; il me charg[e]a de proposer et solliciter les Portugais à faire un traité de paix particulier avec les deux couronnes; et de leur offrir toutes les assurances; et avantages qu’ils pourroient souhaiter. Je partis le 16 de Badajox, en arrivant à Elvas on me menât chés le jeune Marquis das Minhas, qui me disoit au commencement en public, qu’il le trouvât fort étrange que Monsieur de Bay envoyât des gens de cette maniéré sans lui en faire part, qu’il y avoit d’autres routes pour aller à Lisbonne, et qu’il ne me laisseroit pas passer par là, après quoi me prenant à l’écart il me demandât des nouvelles d’Espagne, sur lesquelles je le satisfis, lui disant en meme tems que la meilleure que je pouvois lui donner etoit la commission dont Monsieur de Bay m’avoit chargée, il se radoucissoit alors et me faisoit beaucoup de caresses, me priant à dinner avec lui et les autres Messieurs qui s’y trouvoient, entre lequels il y avoit Monsieur de La Pradelle. A l’egard du traité il me répondit qu’il m’enverroit à Diego de Mendoça Cortereal secrétaire d’Es[tat] pour lui parler de cette affaire, me disant pourtant que comme il avoit refusé publiquement de me laisser passer, il faudra sauver les apparences, et le [se] faire solliciter fortement en ma faveur par Monsieur de la Pradelle, ce que je fis. Je partis d’Elvas en poste le 19 pour Lisbonne avec un capitaine de cavallerie Portugais, nous y arrivâmes le 20, nous fumes droit à la secretairie d’Etat, à l’appartement de Monsieur de Mendoça, à qui je fis la proposition du dit traité. Il me répondit qu’il ne pouvoit pour le présent donner aucune réponse sur cette matière, mais qu’il trouvoit à propos que je ne parusse point en ville, — crainte de ne donner quelque soupçon aux ministres des alliés. Il fut convenu que je resterois chés son premier commis Alexandre de Coste Pinheiro et qu’il me rendroit bientôt réponse sur ma proposition. Le soir du meme jour sur les sept heures Diego de Mendoça vint me voir, il me dit comme ma commission etoit verbale, qu’il falloit que j’écrivisse au dit Marquis de Bay de me donner une autorité par écrit.