Harry estima préférable de ne pas perdre ce qui lui restait de souffle à faire remarquer qu’il parvenait à peine à marcher sous le poids de Dudley. Il souleva son cousin à demi inconscient et poursuivit son chemin d’un pas chancelant.
– Je t’accompagne jusqu’à ta porte, dit Mrs Figg alors qu’ils tournaient dans Privet Drive. Au cas où il y en aurait d’autres… Oh, ma parole, quelle catastrophe… Dire que tu as dû les affronter tout seul… Et Dumbledore qui nous avait recommandé de tout faire pour t’éviter d’avoir à te servir de ta baguette… Mais inutile de se lamenter, quand la potion est tirée, il faut la boire… N’empêche, comme dit le proverbe :
– Et donc, Dumbledore me faisait suivre ? demanda Harry d’une voix haletante.
– Évidemment, répondit Mrs Figg d’un ton agacé. Tu croyais qu’il allait te laisser vagabonder à ta guise après ce qui s’est passé en juin ? Seigneur, mon garçon, on m’avait pourtant dit que tu étais intelligent… Bon, allez… rentre chez toi et n’en sors plus, dit-elle lorsqu’ils eurent atteint le numéro 4 de la rue. Je pense que quelqu’un va bientôt te contacter.
– Qu’allez-vous faire maintenant ? demanda précipitamment Harry.
– Je file tout droit à la maison, répondit Mrs Figg avec un frisson en scrutant la rue sombre. Je dois attendre des instructions supplémentaires. Toi, reste enfermé. Bonsoir.
– Attendez, ne partez pas tout de suite ! Je voudrais savoir…
Mais elle s’éloignait déjà en trottinant, ses pantoufles claquant sous ses pieds, son filet à provisions se balançant dans un bruit de ferraille.
– Attendez ! s’écria Harry.
Il avait toujours un million de questions à poser à quiconque se trouvait en contact avec Dumbledore. Mais en quelques instants, Mrs Figg fut engloutie par l’obscurité. L’air renfrogné, Harry cala Dudley sur son épaule et parcourut lentement, douloureusement, l’allée qui traversait le jardin du numéro 4.
La lumière était allumée dans le hall. Harry remit sa baguette magique dans son jean, appuya sur la sonnette et regarda la silhouette de la tante Pétunia grandir à mesure qu’elle approchait, étrangement déformée par le verre dépoli de la porte d’entrée.
– Diddy ! Enfin ! Il était temps que tu rentres. Je commençais à être très…
Harry jeta un regard en biais à son cousin et s’écarta juste à temps. Dudley vacilla sur place pendant un instant, le teint verdâtre… Puis il ouvrit la bouche et vomit sur le paillasson.
– DIDDY ! Diddy, qu’est-ce qui t’arrive ? Vernon ? VERNON !
L’oncle de Harry sortit du salon d’un pas pesant, sa moustache de morse se hérissant en tous sens, comme toujours lorsqu’il était dans un état d’agitation. Il se précipita pour aider la tante Pétunia à manœuvrer un Dudley aux genoux flageolants afin de lui faire franchir le seuil de la porte tout en évitant de marcher dans la mare nauséabonde.
– Il est malade, Vernon !
– Qu’y a-t-il, fils ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce que Mrs Polkiss t’a donné à manger quelque chose qui venait de l’étranger ?
– Pourquoi es-tu tout sale, mon chéri ? Tu t’es allongé par terre ?
– J’espère au moins que tu ne t’es pas fait attaquer dans la rue, fils ?
La tante Pétunia poussa un cri.
– Vernon, appelle la police ! Appelle la police ! Mon Diddy chéri, parle à ta maman ! Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?
Dans tout ce remue-ménage, personne ne semblait avoir remarqué la présence de Harry, ce qui lui convenait à merveille. Il parvint à se glisser dans le hall juste avant que l’oncle Vernon claque la porte et, tandis que les Dursley s’avançaient à grand bruit en direction de la cuisine, Harry s’approcha de l’escalier à pas feutrés.
– Qui t’a fait ça, fils ? Donne-nous les noms. On les aura, ne t’inquiète pas.
– Chut, Vernon ! Il essaye de dire quelque chose. Qu’est-ce qu’il y a, Diddy ? Parle à ta maman !
Harry avait posé le pied sur la première marche lorsque Dudley retrouva l’usage de la parole :
– C’est
Harry se figea sur place, le pied sur la marche, le visage crispé, se préparant à l’explosion.
– VIENS ICI, MON GARÇON !
Dans un mélange de colère et de peur, Harry retira lentement son pied de la marche et fit demi-tour pour suivre les Dursley.
La cuisine d’une propreté méticuleuse avait un éclat étrangement irréel, après l’obscurité du dehors. La tante Pétunia aida Dudley à s’asseoir sur une chaise. Il avait toujours le visage moite et verdâtre. L’oncle Vernon se tenait devant l’égouttoir, ses petits yeux plissés fixant Harry d’un regard noir.
– Qu’as-tu fait à mon fils ? dit-il dans un grondement menaçant.
– Rien, répondit Harry qui savait parfaitement que l’oncle Vernon ne le croirait pas.
– Que t’a-t-il fait, Diddy ? demanda la tante Pétunia d’une voix chevrotante en épongeant le blouson de cuir de son fils sur lequel il avait vomi. Est-ce que… est-ce qu’il s’agit de tu-sais-quoi, mon chéri ? Est-ce qu’il s’est servi de sa… chose ?