L’atmosphère de la pièce changea aussi vite que si des Détraqueurs avaient brusquement surgi. Un instant auparavant, elle était décontractée et somnolente, soudain tout le monde fut sur le qui-vive, tendu même. Lorsque Sirius prononça le nom de Voldemort, un frisson courut autour de la table. Lupin, qui s’apprêtait à boire une gorgée de vin, reposa lentement sa coupe, l’air méfiant.
– Bien sûr que j’ai posé des questions ! s’indigna Harry. J’en ai posé à Ron et à Hermione mais ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas admis aux réunions de l’Ordre, alors…
– Et c’est vrai, l’interrompit Mrs Weasley. Vous êtes trop jeunes.
Elle était assise bien droite, les poings serrés sur les bras de son fauteuil, et toute trace de somnolence avait disparu de son visage.
– Depuis quand doit-on être membre de l’Ordre du Phénix pour poser des questions ? demanda Sirius. Harry a été prisonnier de cette maison moldue pendant un mois entier. Il a le droit de savoir ce qui s’est pass…
– Attendez un peu ! intervint George d’une voix forte.
– Comment se fait-il qu’on réponde aux questions de Harry ? lança Fred avec colère.
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– Ce n’est pas ma faute si on ne vous a rien dit de ce que faisait l’Ordre, répondit calmement Sirius. Il s’agit d’une décision de vos parents. Harry, en ce qui le concerne…
– Ce n’est pas à toi de juger ce qui est bon ou pas pour Harry ! coupa sèchement Mrs Weasley.
Son visage d’ordinaire si bienveillant avait pris une expression menaçante.
– J’imagine que tu n’as pas oublié ce qu’a dit Dumbledore ?
– À quel moment ? demanda Sirius d’un ton poli mais avec l’air de quelqu’un qui se prépare à la bagarre.
– Au moment où il nous a recommandé de ne pas révéler à Harry plus de choses qu’il n’a
Ron, Hermione, Fred et George détachèrent leur regard de Sirius et tournèrent la tête vers Mrs Weasley, comme s’ils suivaient un match de tennis. Ginny, à genoux au milieu d’un tas de bouchons abandonnés, assistait à l’échange, la bouche légèrement entrouverte. Lupin, quant à lui, gardait les yeux fixés sur Sirius.
– Je n’ai pas l’intention de lui dire plus qu’il n’a
– Il n’est pas membre de l’Ordre du Phénix ! s’exclama Mrs Weasley. Il n’a que quinze ans et…
– Et il a dû affronter autant d’épreuves que la plupart des membres de l’Ordre, interrompit Sirius, et même plus que certains.
– Personne ne nie ce qu’il a fait ! répondit-elle en élevant la voix, ses poings tremblants sur les bras du fauteuil. Mais il est encore…
– Ce n’est plus un enfant ! s’impatienta Sirius.
– Ce n’est pas non plus un adulte ! protesta Mrs Weasley, dont les joues commençaient à prendre des couleurs. Ce n’est pas
– Je sais parfaitement qui il est, Molly, répliqua froidement Sirius.
– Je n’en suis pas si sûre ! Parfois, à t’entendre, on dirait que tu viens de retrouver ton meilleur ami !
– Qu’est-ce qu’il y a de mal à ça ? demanda Harry.
– Ce qu’il y a de mal, Harry, c’est que tu n’es pas
– Ce qui signifie que je suis un parrain irresponsable ? s’indigna Sirius d’une voix puissante.
– Ce qui signifie que tu es connu pour tes comportements irréfléchis, Sirius, et c’est pourquoi Dumbledore ne cesse de te répéter que tu dois rester à la maison…
– Laissons de côté les instructions de Dumbledore à mon égard, si tu veux bien ! s’écria-t-il.
– Arthur ! lança Mrs Weasley en se tournant vers son mari. Arthur, défends-moi !
Mr Weasley ne répondit pas tout de suite. Sans regarder sa femme, il enleva ses lunettes et les essuya lentement avec un pan de sa robe. Il ne parla enfin qu’après les avoir soigneusement remises sur son nez.
– Dumbledore sait que la situation a changé, Molly. Il accepte l’idée qu’il faut mettre Harry au courant, jusqu’à un certain point, maintenant qu’il est venu s’installer au quartier général.
– Oui, mais il y a une différence entre ça et l’encourager à poser toutes les questions qu’il veut !