Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

– Mais tu sais bien que je n’oserais me promener la nuit, dit Andrée en souriant, je suis trop peureuse!

– On peut se promener avec quelqu’un, répliqua Nicole, et alors on n’a pas peur.

– Et avec qui veux-tu que je me promène? dit Andrée, qui était loin de voir un interrogatoire dans toutes les questions de sa chambrière.

Nicole ne jugea point à propos de pousser plus loin l’investigation. Ce sang froid, qui lui paraissait le comble de la dissimulation, lui faisait peur.

Aussi jugea-t-elle prudent de donner un autre tour à la conversation.

– Mademoiselle a dit qu’elle souffrait, tout à l’heure? reprit-elle.

– Oui, en effet, je souffre beaucoup, répondit Andrée; je suis abattue, fatiguée, et cela sans aucune raison. Je n’ai fait hier au soir que ce que je fais tous les jours. Si j’allais être malade!

– Oh! mademoiselle, dit Nicole, on a quelquefois des chagrins!

– Eh bien? répliqua Andrée.

– Eh bien! les chagrins produisent le même effet que la fatigue. Je sais cela, moi.

– Bon! est-ce que tu as des chagrins, toi, Nicole?

Ces mots furent dits avec une espèce de négligence dédaigneuse qui donna à Nicole le courage d’entamer sa réserve.

– Mais oui, mademoiselle, répliqua-t-elle en baissant les yeux, oui, j’ai des chagrins.

Andrée descendit nonchalamment de son lit, et, tout en se déshabillant pour se rhabiller.

– Conte-moi cela, dit-elle.

– En effet, je venais justement auprès de mademoiselle pour lui dire…

Elle s’arrêta.

– Pour lui dire quoi? Bon Dieu! Comme tu as l’air effaré, Nicole!

– J’ai l’air effaré comme mademoiselle a l’air fatigué; sans doute nous souffrons toutes deux.

Le nous déplut à Andrée, qui fronça le sourcil et fit entendre cette exclamation:

– Ah!

Mais Nicole s’étonna peu de l’exclamation, quoique l’intonation avec laquelle elle avait été faite eût dû lui donner à réfléchir.

– Puisque mademoiselle le veut bien, je commence, dit-elle.

– Voyons, répondit Andrée.

– J’ai envie de me marier, mademoiselle, continua Nicole.

– Bah!… fit Andrée, tu penses à cela, et tu n’as pas encore dix-sept ans?

– Mademoiselle n’en a que seize.

– Eh bien?

– Eh bien! quoique mademoiselle n’en ait que seize, ne songe-t-elle pas à se marier quelquefois?

– En quoi voyez-vous cela? demanda sévèrement Andrée.

Nicole ouvrit la bouche pour dire une impertinence, mais elle connaissait Andrée, elle savait que ce serait couper court à l’explication, laquelle n’était point encore assez avancée; elle se ravisa donc.

– Au fait, je ne puis savoir ce que pense mademoiselle, je suis une paysanne et je vais selon la nature, moi.

– Voila un singulier mot.

– Comment! n’est-il pas naturel d’aimer quelqu’un et de s’en faire aimer?

– C’est possible; après?

– Eh bien! j’aime quelqu’un.

– Et ce quelqu’un vous aime?

– Je le crois, mademoiselle.

Nicole comprit que le doute était trop pâle et que, dans une occasion pareille, il était besoin de l’affirmative.

– C’est-à-dire que j’en suis sûre, ajouta-t-elle.

– Très bien; mademoiselle occupe son temps à Taverney, à ce que je vois.

– Il faut bien songer à l’avenir. Vous qui êtes une demoiselle, vous aurez sans doute une fortune de quelque parent riche; moi qui n’ai même pas de parents, je n’aurai que ce que je trouverai.

Comme tout cela paraissait assez simple à Andrée, elle oublia peu à peu le ton avec lequel avaient été prononcées les paroles qu’elle avait trouvées inconvenantes, et sa bonté naturelle ayant pris le dessus:

– Au fait, dit-elle, qui veux-tu épouser?

– Oh! quelqu’un que mademoiselle connaît, dit Nicole en attachant ses deux beaux yeux sur ceux d’Andrée.

– Que je connais?

– Parfaitement.

– Qui est-ce? Tu me fais languir; voyons.

– J’ai peur que mon choix ne déplaise à mademoiselle.

– À moi?

– Oui!

– Tu le juges donc toi-même peu convenable?

– Je ne dis pas cela.

– Eh bien! alors, dis sans crainte, il est du devoir des maîtres de s’intéresser à ceux de leurs gens qui les servent bien, et je suis contente de toi.

– Mademoiselle est bien bonne.

– Dis donc vite, et achève de me lacer.

Nicole rassembla toutes ses forces et toute sa pénétration.

– Eh bien! c’est… c’est Gilbert, dit-elle.

Au grand étonnement de Nicole, Andrée ne sourcilla point.

– Gilbert, le petit Gilbert, le fils de ma nourrice?

– Lui-même, mademoiselle.

– Comment! c’est ce garçon-là que tu veux épouser?

– Oui, mademoiselle, c’est lui.

– Et il t’aime?

Nicole se crut arrivée au moment décisif.

– Il me l’a dit vingt fois, répondit-elle.

– Eh bien! épouse-le, dit tranquillement Andrée; je n’y vois aucun obstacle. Tu n’as plus de parents, il est orphelin; vous êtes chacun maîtres de votre sort.

– Sans doute, balbutia Nicole, stupéfaite de voir l’événement succéder d’une façon si peu en rapport avec ses prévisions. Quoi! mademoiselle permet…?

– Tout à fait; seulement, vous êtes bien jeunes tous deux.

– Nous aurons ensemble à vivre un peu plus longtemps.

– Vous n’êtes riches ni l’un ni l’autre.

– Nous travaillerons.

– À quoi travaillera-t-il, lui qui n’est bon à rien?

Pour le coup, Nicole n’y tint plus; tant de dissimulation l’avait épuisée.

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