Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome I полностью

Alors il courut à sa petite chambre et tira sa commode de chêne, derrière laquelle se trouvait un paquet tout prêt. Il passa les nœuds de ce paquet, enfermé dans une serviette, au bout de sa canne de cornouiller. Puis, découvrant son lit de sangle formé d’un matelas bourré de foin, il éventra le matelas. Ses mains y rencontrèrent bien vite un papier plié dont il s’empara. Ce papier contenait un écu de six livres poli et luisant. C’étaient les économies de Gilbert depuis trois ou quatre ans peut-être.

Il ouvrit le papier, regarda l’écu pour bien s’assurer qu’il n’était point changé et le mit dans la poche de sa culotte, toujours protégé par son papier.

Mahon hurlait, en bondissant de toute la longueur de sa chaîne; le pauvre animal gémissait de se voir ainsi abandonné successivement par tous ses amis, car, avec son admirable instinct, il devinait que Gilbert allait l’abandonner à son tour.

Il se mit donc à hurler de plus en plus.

– Tais-toi, lui cria Gilbert, tais-toi, Mahon!

Puis, comme souriant au parallèle antithétique qui se présentait à son esprit:

– Ne m’abandonnait-on pas comme un chien? ajouta-t-il; pourquoi ne t’abandonnerait-on pas comme un homme?

Puis, réfléchissant:

– Mais on m’abandonnait libre, au moins, libre de chercher ma vie comme je l’entendais. Eh bien! soit, Mahon, je ferai pour toi ce que l’on faisait pour moi, ni plus ni moins.

Et, courant à la niche et détachant la chaîne de Mahon:

– Te voilà libre, dit-il; cherche ta vie comme tu l’entendras.

Mahon bondit vers la maison, dont il trouva les portes fermées, puis alors il s’élança vers les ruines, et Gilbert le vit disparaître dans les massifs.

– Bien, dit-il; maintenant nous verrons lequel a le plus d’instinct, du chien ou de l’homme.

Cela dit, Gilbert sortit par la petite porte, qu’il ferma à double tour et dont il jeta la clef par-dessus la muraille jusque dans la pièce d’eau avec cette adresse qu’ont les paysans à lancer les pierres.

Toutefois, comme la nature, monotone dans la génération des sentiments, est variée dans leur manifestation, Gilbert éprouva, en quittant Taverney, quelque chose de pareil à ce qu’avait éprouvé Andrée. Seulement, de la part d’Andrée, c’était le regret du temps passé; de la part de Gilbert, c’était l’espérance d’un temps meilleur.

– Adieu! dit-il en se retournant pour voir une dernière fois le petit château dont on apercevait le toit perdu dans le feuillage des sycomores et dans les fleurs des ébéniers; adieu, maison où j’ai tant souffert, où chacun m’a détesté, où l’on m’a jeté le pain en disant que je volais; adieu, sois maudite! Mon cœur bondit de joie et se sent libre depuis que tes murs ne m’enferment plus; adieu, prison! adieu, enfer! antre de tyrans! adieu, pour jamais adieu!

Et après cette imprécation, moins poétique peut-être, mais non moins significative que tant d’autres, Gilbert prit son élan pour courir après la voiture, dont le bruissement lointain retentissait encore dans l’espace.

<p id="_Toc103004302">Chapitre XIX L’écu de Gilbert</p></span><span>

Après une demi-heure de course effrénée, Gilbert poussa un cri de joie: il venait d’apercevoir à un quart de lieue devant lui la voiture du baron qui montait une côte au pas.

Alors Gilbert sentit en lui-même un véritable mouvement d’orgueil; car il se dit qu’avec les seules ressources de sa jeunesse, de sa vigueur et de son intelligence, il allait égaler les ressources de la richesse, de la puissance et de l’aristocratie.

C’est alors que M. de Taverney eût pu appeler Gilbert un philosophe, le voyant sur la route, son bâton à la main, son mince bagage accroché à sa boutonnière, faisant des enjambées rapides, sautant des talus pour économiser le terrain et s’arrêtant à chaque montée comme s’il eût dit dédaigneusement aux chevaux:

– Vous n’allez pas assez vite pour moi, et je suis forcé de vous attendre!

Philosophe! oh! oui, certes, il l’était bien alors, si l’on appelle philosophie le mépris de toute jouissance, de toute facilité. Certes, il n’avait pas été accoutumé à une vie molle; mais combien de gens l’amour n’amollit-il pas!

C’était donc, il faut le dire, un beau spectacle, un spectacle digne de Dieu, père des créatures énergiques et intelligentes, que celui de ce jeune homme courant, tout poudreux et tout rougissant, pendant une heure ou deux, jusqu’à ce qu’il eût presque rattrapé le carrosse, et se reposant avec délices lorsque les chevaux n’en pouvaient plus. Gilbert, ce jour-là, n’eût dû inspirer que de l’admiration à quiconque eût pu le suivre des yeux et de l’esprit, comme nous le suivons; et qui sait même si la superbe Andrée, le voyant, n’eut pas été touchée, et si cette indifférence qu’elle avait manifestée à l’endroit de sa paresse ne se fût point changée en estime pour son énergie?

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