Читаем JOSEPH BALSAMO Mémoires d’un médecin Tome II полностью

– Ne lui avez-vous pas dit: «Rue Saint-Claude, au Marais, par le faubourg Saint-Denis et le boulevard», paroles qu’il a répétées au cocher?

– Oui. Mais vous m’avez donc vu? Vous m’avez donc entendu?

– Je vous ai vu, monseigneur, je vous ai entendu.

– Vous étiez donc là?

– Non, monseigneur, je n’étais pas là.

– Et où étiez-vous?

– J’étais ici.

– Vous m’avez vu, vous m’avez entendu d’ici?

– Oui, monseigneur.

– Allons donc!

– Monseigneur oublie que je suis sorcier.

– Ah! c’est vrai, j’oubliais, monsieur… Comment faut-il que je vous appelle? M. le baron Balsamo, ou M. le comte de Fœnix?

– Chez moi, monseigneur, je n’ai pas de nom: je m’appelle le Maître.

– Oui, c’est le titre hermétique. Ainsi donc, maître, vous m’attendiez?

– Je vous attendais.

– Et vous aviez chauffé votre laboratoire?

– Mon laboratoire est toujours chauffé, monseigneur.

– Et vous me permettrez d’y entrer?

– J’aurai l’honneur d’y conduire Votre Éminence.

– Et je vous y suivrai, mais à une condition.

– Laquelle?

– C’est que vous me promettrez de ne pas me mettre personnellement en rapport avec le diable. J’ai grand-peur de Sa Majesté Lucifer.

– Oh! monseigneur!

– Oui, d’ordinaire, on prend pour faire le diable de grands coquins de gardes-françaises réformés, ou des maîtres d’armes à plumet, qui, pour jouer au naturel le rôle de Satan, rouent les gens de chiquenaudes et de nasardes après avoir éteint les chandelles.

– Monseigneur, dit Balsamo en souriant, jamais mes diables à moi n’oublient qu’ils ont l’honneur d’avoir affaire à des princes, et ils se souviennent toujours du mot de M. de Condé, qui promit à l’un d’eux, s’il ne se tenait pas tranquille, de rosser si bien son fourreau, qu’il serait forcé d’en sortir, ou de s’y conduire plus décemment.

– Bien, dit le cardinal, voilà qui me ravit; passons au laboratoire.

– Votre Éminence veut-elle prendre la peine de me suivre?

– Marchons.

<p id="_Toc103005002">Chapitre LIX L’or</p>

Le cardinal de Rohan et Balsamo enfilèrent un petit escalier qui conduisait, parallèlement au grand, dans les salons du premier étage. Là, sous une voûte, Balsamo trouva une porte qu’il ouvrit, et un corridor sombre apparut aux yeux du cardinal, qui s’y engagea résolument.

Balsamo referma la porte.

Au bruit que cette porte fit en se refermant, le cardinal regarda derrière lui avec une certaine émotion.

– Monseigneur, nous voici arrivés, dit Balsamo; nous n’avons plus qu’à ouvrir devant nous et à refermer derrière nous cette dernière porte; seulement, ne vous étonnez point du son étrange qu’elle rendra, elle est de fer.

Le cardinal, que le bruit de la première porte avait fait tressaillir, fut heureux d’avoir été prévenu à temps, car les grincements métalliques des gonds et de la serrure eussent fait vibrer désagréablement des nerfs moins susceptibles que les siens.

Il descendit trois marches et entra.

Un grand cabinet avec des solives nues au plafond, une vaste lampe et son abat-jour, force livres, beaucoup d’instruments de chimie et de physique, tel était l’aspect premier de ce nouveau logis.

Au bout de quelques secondes, le cardinal sentit qu’il ne respirait plus que péniblement.

– Que veut dire cela? demanda-t-il. On étouffe ici, maître, la sueur me coule. Quel est ce bruit?

– Voici la cause, monseigneur, comme dit Shakespeare, fit Balsamo en tirant un grand rideau d’amiante et en découvrant un vaste fourneau de briques, au centre duquel deux trous étincelaient comme les yeux du lion dans les ténèbres.

Ce fourneau tenait le centre d’une seconde pièce, d’une grandeur double de la première, et que le prince n’avait pas aperçue, masquée qu’elle était par le rideau d’amiante.

– Oh! oh! dit le prince en reculant, ceci est assez effrayant, ce me semble.

– C’est un fourneau, monseigneur.

– Oui, sans doute; mais vous avez cité Shakespeare; moi, je citerai Molière: il y a fourneau et fourneau; celui-ci a un air tout à fait diabolique, et son odeur ne me plaît pas; que diable cuit-on là dedans?

– Mais ce que Votre Éminence m’a demandé.

– Plaît-il?

– Sans doute, Votre Éminence m’a, je crois, fait la grâce d’accepter un échantillon de mon savoir-faire. Je devais ne me mettre à l’œuvre que demain soir, puisque Votre Éminence ne devait venir qu’après-demain; mais, Votre Éminence ayant changé d’avis, j’ai, aussitôt que je l’ai vue en route pour la rue Saint-Claude, allumé le fourneau et fait la mixtion; il en résulte que le fourneau bout et que dans dix minutes vous aurez votre or. Permettez que j’ouvre le vasistas pour établir un courant d’air.

– Quoi! ces creusets placés sur le fourneau?…

– Dans dix minutes nous donneront de l’or aussi pur que les sequins de Venise et les florins de Toscane.

– Voyons! si l’on peut voir toutefois?

– Sans doute; seulement, prenons quelques précautions indispensables.

– Lesquelles?

– Appliquez sur votre visage ce masque d’amiante aux yeux de verre; sans quoi, le feu pourrait bien, tant il est ardent, vous brûler la vue.

– Peste! prenons-y garde! je tiens à mes yeux, et je ne les donnerais pas pour les cent mille écus que vous m’avez promis.

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